Il est des lectures qui, aussi courtes soient-elles, sont chargées d'émotion. Après avoir lu Le Joueur d'Echecs de Stefan Zweig, j'avais été frappée par la capacité de l'auteur à décrire, en si peu de pages et avec des mots choisis dont le poids est d'autant plus lourd, la folie que peut engendrer chez un homme une passion salvatrice, qui en devient par là-même la raison de sa destruction. On retrouve, dans La Confusion des sentiments, l'écriture précise et concise de Zweig, qui donne toute sa résonance à ses récits.
La Confusion des sentiments, c'est la confession d'un professeur de philologie au faîte de sa gloire, encensé par ses étudiants, cette écriture de soi pour soi d'une vérité qui n'a jamais été dite et qui doit être écrite pour rétablir une vérité. Dans cette nouvelle, le narrateur raconte sa rencontre avec son "maître", un professeur de philologie anglaise qu'il a rencontré à l'université qu'il fréquentait en dilettante, et qui va non seulement provoquer en lui une soif d'apprendre comme il ne l'a jamais connue, mais qui le plongera également dans un amour sincère et destructeur pour ce professeur mystérieux.
Stefan Zweig aborde ici à merveille le thème de l'amour et de l'admiration d'un être pour un autre, les doutes et les incertitudes d'un jeune homme quant à la réception de cette admiration. L'auteur met en scène les sentiments confus, contradictoires, qui se heurtent dans l'intimité du jeune narrateur, prêt à tous les efforts pour être à la hauteur, voire impressionner son professeur qui ne lui apporte pas ou peu de reconnaissance et le repousse à la moindre occasion. La Confusion des sentiments est également un livre sur la culpabilité, liée à l'adultère, à l'homosexualité, à la pédérastie et aux pulsions humaines.
Cette lecture est tout à fait captivante, le lecteur est plongé dans le livre dès les premières pages et en ressort confus, tant l'écrivain touche juste. Stefan Zweig signe incontestablement là l'un de ses chef-d'oeuvres. De son écriture douce mais aux mots pesés, l'auteur, sans jamais se laisser aller à la trivialité, décrit la souffrance qui peut émaner des relations humaines maladroites et compulsives.
Un livre magnifique, à lire absolument.