Une fois n'est pas coutume ! Ce mois-ci, j'avais envie de visiter un commissariat athénien. Les cieux m'ont triplement entendue et bénie. Le mois tout juste
commencé, je suis tombée sur le gros lot ! Bingo ! Même si ça m'a fait un peu mal ! Vous avez de la chance : vous avez le droit à une pure visite hors circuit touristique ! Remerciez la ***** !
Et de une (fois au commissariat) !
Jeudi 1er décembre, je reçois un courriel d'une couchsurfeuse anglaise. Couchsurfeuse : n.f, fille inscrite sur le site couchsurfing. Couchsurfing : n.m, site de membres qui proposent de se loger gratuitement lors de voyages. J'adore ce site, riche de rencontres passionnantes, d'expériences réjouissantes ! Toute expérience est bonne à prendre même quand une ***** vous demande l'hospitalité. Jeudi donc, je reçois le message d'une anglaise de 22 ans, originaire de bla bla bla peu importe... Ce qu'il faut retenir d'elle? Les étoiles Micheline : ***** qui traduisent bien ma pensée façon BD ou "Guide du conn*** ". Cette ***** m'aura valu des journées au consulat français et dans les commissariats de police. Il y a pire? Vous avez bien raison !
Bref, jeudi, j'accueille cette fille. Je suis très fatiguée, je lui propose un thé. Nous bavardons. Elle veut se changer dans ma chambre. Pas de problèmes. Même si elle me dit devoir repartir bientôt. Elle a une valise à aller prendre dans l'hôtel où elle était la veille. Histoire longue qui ne tient pas vraiment debout. Elle avait prétexté venir à la maison déposer des affaires.. Et repart avec tout ! Je ne réagis pas sur le moment. Je répète, je suis fatiguée... Très naïve aussi et ne vois le mal nulle part. Elle est partie. Une heure passe, deux heures, trois heures, quatre heures... J'ai un horrible doute. Je vérifie. Plus de carte d'identité. Ma carte bancaire est à côté. C'est sûr. Elle a pris mes numéros. Mais quelle preuve ai-je?
Le lendemain, je passe entre les filets de la grève des transports et me rends au consulat français qui se trouve près du magnifique premier stade olympique d'Athènes. Le monsieur très gentil m'informe que je dois d'abord faire une déclaration de perte au commissariat. Il me conseille d'aller au plus proche et de dire que j'ai perdu ma carte dans le quartier. C'est faux bien sûr mais je veux faire simple et rapide... Malheureusement et sur ses mauvais conseils.
Je me rends au commissariat de Syntagma qui ne paie pas de mine de l'extérieur. Je suis un peu impressionnée. Des jeunes flics sont postés à l'entrée. Plutôt beaux, ils fument, boivent du café. Il n'y aurait pas écrit au-dessus Police, je prendrais le lieu pour l'escalier préféré de la jeunesse dorée ! L'un d'eux me demande ce que je souhaite et m'adresse à un mignon qui parle anglais. Il m'emmène au troisième étage, aussi dénudé que les autres (l'étage !) et me dit très gentiment (ils sont tous gentils dans ce quartier de riches !) d'attendre que la grande blonde pas très souriante (ou presque tous gentils !) se libère. Je surtraduis ses dires les mêlant à mes impressions du moment ! Il ne l'a jamais bien sûr appelée "la grande blonde" ! Une petite vieille attend avec ses cabas éparpillés sur tous les sièges. Un ne suffisait pas ! Aucun disponible pour mon séant, mes panards et ma tête donc.. Je patiente. Elle s'en va. Je m'affale et j'attends. J'attends. J'entends une voix venant du bureau de la blonde. J'imagine qu'elle doit être occupée à recueillir une plainte. Ça me semble au final être plutôt la radio. Deux policiers entrent avec un « prisonnier », jeune, le teint mat, l'air revêche et rebelle. Ils sont assez agressifs, ne cessent de lui intimer l'ordre de se taire. Le jeune menotté parle beaucoup, il est vrai. Ils reprennent l'ascenseur d'où ils étaient arrivés. Descendant les étages, leurs voix se font encore entendre. La blonde me fait entrer dans son bureau. De la fumée de cigarettes. Ce que je prenais pour une personne déposant une plainte puis la radio est en fait une petite télé qui hoquette une série policière avec pour héroïne... Une blonde !! Du moins est-ce le personnage qui squattera les images tout le temps que je resterai. 5 minutes. La blonde ne me parle pas, me tend une feuille écrite en grec, en anglais et en français. A remplir. Je la remplis rapidement. Elle me donne une copie, mon sésame ! Je suis déjà de retour au consulat où l'on me délivre un document de perte. Je dis au monsieur que j'ai tout de même de forts soupçons de vol. « C'est pareil ». Menteur !
Mardi passe. Mercredi, 16h. Je m'apprête à partir prendre le métro pour mon cours privé de français. Un numéro de France, plus précisément de ma région me bippe. Dans le même temps, je reçois un message de mon petit frère. Je suis inquiète. Ma banque a tenté de me joindre en urgence. Pour la première fois de ma vie. Tous mes doutes de vendredi rejaillissent ! J'avais raison. J'aurais préféré le contraire ! La banque soupçonne une tentative de fraude sur internet avec ma carte bancaire. La ******, la ******... Allez je le répète, "*******, ********, ********" Façon La vie est un long fleuve tranquille. Sauf que là, le fleuve il est bien sorti de son lit. Quelle ******* !! Vieux goût de lie dans la bouche ! Je décide de porter plainte. Pour la première fois de ma vie. Dans un pays étranger. Dont je ne parle pas la langue.
Et de deux !
Le lendemain, un jeudi, une semaine après avoir rencontré cette ***** je retourne au consulat pour m'informer de la démarche à suivre. Le monsieur du consulat qui me reçoit derrière sa vitre me dit :
"Il faut que vous alliez au commissariat de votre quartier avec une personne parlant grec"
Moi (air dépitée) : "Je ne trouve pas l'adresse. Pouvez-vous m'aider? Je suis déjà allée déclarer une perte au commissariat d'à-côté par ailleurs..."
Le monsieur (air renfrogné et peu intéressé) : "Ah c'est embêtant. Vous n'auriez pas du. Vous verrez ce qu'on vous dira".
"Mais c'est au consulat qu'on m'a dit de faire ça".
"Vous verrez ce qu'on vous dit au commissariat".
Je sors. Je vais prendre un peu l'air vers Syntagma, Panepistimio. La manifestation qui doit s'étendre d'Omonia jusqu'à Syntagma a déjà commencé. De nombreuses personnes, la trentaine passée. Beaucoup de drapeaux. Des meneurs crient dans des hauts-parleurs des chants et des slogans que des groupes reprennent. La manifestation est très structurée. Chaque groupe passe marquant des pauses, laissant des espaces importants. Les sons ne se mélangent pas. Un groupe vraisemblablement d'immigrés est présent. J'aimerais tant comprendre les revendications, les slogans scandés. Quelques joueurs de tambour motivent les troupes qui semblent assez décidées quoiqu'il en soit. Certains groupes ne sont composés que d'hommes ou de garçons. Derrière certains, suit un vendeur de « kourouli », des pains en forme de couronne aux grains de sésame en lieu et place des rubis. J'aimerais rester, manifester avec ces gens, parler avec certains. Je reste un temps fascinée par le nombre assez important de photographes. Il va être 14h. Le consulat m'a conseillé d'arriver avant 14h au commissariat de Kato Patissia. Métro, 30 minutes à pied à chercher ce fameux commissariat. Personne ne le connait dans mon quartier. Il est au final plus loin que me l'avait décrit le monsieur derrière sa vitre et son PC ! Le voici plus délabré que celui de Syntagma. Personne à l'accueil. Je demande des informations à une femme qui attend pour des papiers et qui ne parle pas grec. Deux policiers me voyant me ferment la porte au nez. Enfin on me renseigne. Je dois aller au troisième étage de nouveau. Un homme est enfermé dans une petite pièce. On ne voit que ses yeux et son nez qui dépassent d'une minuscule fenêtre azurée. Quatre hommes fument et discutent. Des cartons de pain dans un coin. Une icône accrochée au mur avec des bougies. Je n'en mène pas large.
Les trois hommes s'en vont. Le quatrième s'enquiert de ma présence. Je lui explique ma situation. Il semble intéressé et vouloir s'impliquer. Me pose des questions précises, passe un coup de fil, me demandant parfois des détails. Raccroche. Je demande si je peux porter plainte. "Oui c'est possible mais là... Il me montre la pièce derrière lui. Deux hommes boivent un café. On est occupés." C'est une blague grecque? Il me dit de revenir demain avec un ami parlant grec pour porter plainte. Plainte qui sera envoyée, m'informe-t-il au service policier en charge des questions informatiques. Ce fut rapide et efficace ! Mais rien n'est résolu ! Je nage dans un marc de questions !
Et de « jamais deux sans trois » !
Une amie grecque, professeure de français accepte de m'accompagner. Merci !!!! Je ne la remercierai jamais assez ! Je lui raconte mon histoire quand elle vient me retrouver à la maison. C'est peu dire qu'elle hallucine. Je l'abreuve de détails. Elle m'impressionnera par son professionnalisme et sa gentillesse au commissariat. Heureusement, elle trouvera l'expérience marrante. Pour une première ! "C'est rigolo" me dira-t-elle à chaque fois que je la remercie ! Pour moi aussi, un peu, finalement... Et puis je n'ai pas perdu grand chose. Plus de colère que de mal !
Avec Nadia, nous entrons dans le bureau de la veille. Il y a deux hommes qui fument. L'un nous fixe de son regard noir mais pas méchant. Nadia m'invite à m'asseoir. Je préfère rester debout. Elle raconte un peu l'histoire. Rigole. « Assis-toi vraiment, ça va durer longtemps »! Je m'incline. Elle parle de couchsurfing. Les regards noirs me fixent bizarrement, surpris. Késako? Je peux me mettre à leur place !
Nadia explique en détails l'histoire. Le policier, un grand blond mal rasé lui demande plusieurs fois si je souhaite vraiment porter plainte. J'ai des sueurs froides à chaque fois que Nadia me traduit sa demande : "Tu veux vraiment persécuter cette fille?" "Euh, persécuter, c'est vraiment le mot qu'il utilise"... "Nan comment on dit?" "Poursuivre cette fille?" "Oui c'est ça. Tu veux vraiment?" Je suis très mal à l'aise mais ne me démonte pas ! Je ne peux rien faire désormais concernant ma carte d'identité car elle a été déclarée perdue. Si je dis maintenant qu'en fait elle a été volée, la justice pourrait se retourner contre moi pour mensonges. C'est d'un simple ! Kafkaïen !
Je porte plainte pour suspicion d'utilisation frauduleuse de ma carte. La plainte est préparée sans beaucoup de détails. Ce qui intéresse plus le policier ce sont les informations sur ma personne. Il note que ma maman s'appelle Chantal et mon papa Jean-Marc. Quel intérêt? Pourquoi ne pas prendre le nom de mon frère et de mes grands-parents pendant qu'on y est? Je donne le nom de ma maman qui est différent du mien mais c'est bien le prénom qui est souhaité. Le nom, ça n'a pas d'importance ! Ah bon. Quand un policier entend le nom, il réplique "bisou". C'est de l'humour? C'est marrant en tout cas ! Un autre plus tard, entrant, entendant parler français dira "Quelle heure est-il?". En français et en se marrant. Amusant ! Celui qui prend ma déclaration nous fait savoir que lui c'est l'allemand qu'il connait. Il regrette presque que nous ne le parlions pas. Ben si "ein bisschen". On va bientôt pouvoir se raconter nos voyages autour d'un poulet ! Je signe le papier où il est écrit que " je jure que ces informations sont vraies, la main sur l'Ancien Testament". Mais où est-il? Nadia est surprise. Les policiers nous disent que ce n'est qu'une formalité. L'un s'enquiert tout de même de ma religion." Euh je ne crois en rien". "Mais vous êtes baptisée tout de même?" Nadia est de nouveau surprise, de ces demandes d'un autre temps ! Elle m'apprend qu'auparavant c'était une question incontournable et que la religion était même écrite sur la pièce d'identité !
Après coup, Nadia me dira s'être bien amusée. "Eux aussi c'est sûr. Cette histoire. Deux filles. Ça les change de leurs histoires du quartier !". Merci à toi Nadia ! Si elle est maintenant oubliée, quelle histoire sur le moment ! Ça ne m'a toutefois pas dégoûtée. J'ai décidé de participer financièrement à l'aventure couchsurfing. Parce que c'est quelque chose que j'aime et en quoi je crois profondément. Aucune ******* ne me fera penser le contraire !