«Deca kilo?» «Ochi !! Deca patates !!»

Publié le 03 décembre 2011 par Pauline

« 10 kilos de pommes de terre, il est fou celui-là !!! » Rue Ionas, au pied de la station de métro d'Aghios Nikolaos dans mon quartier, s'étendant presque jusqu'à la station suivante Attiki, en allant vers le centre, voilà le marché du samedi ! Sur des kilomètres, coloré, bruyant, noir de monde, réjouissant et sportif ! Un lieu de vie, d'odeurs et de saveurs où tout le quartier se retrouve, se marche dessus... Attention les pieds ! Laissez-vous entraîner...


Il est 13h. Avec mes colocataires et des amis italiens de Pasquale, nous partons faire le marché du quartier. Il commence à une station de métro proche de chez nous : des groupes de femmes aux cabas remplis cassent la croûte ensemble avant sûrement de repartir. Quelques femmes aux abords du marché vendent des sacs en plastique bourrés de pommes de terre, de poivrons. Un euro le sac. « Ena evro » (ένα ευρώ) crient-elles, crient-ils tous au début du marché. Il est en deux parties, au début les vêtements, les produits ménagers, les tapis, les décorations de noël... Puis les fruits, les légumes, les viandes, les poissons, les produits surgelés et toutes les couleurs de la méditerranée...

Les stands de vêtements n'en finissent plus. Des soutiens-gorges, au bonnet énorme pour la plupart mais au même prix que le kilo de courgettes (deux euros) ont transformé les arbres en saule pleureur ou en piquet de linge, au choix.. Des pulls par centaines, des pantalons, des bonnets. Des guirlandes de slip en prévision de noël. Tout se ressemble. Tout est au même prix, entre un et dix euros. On entend toujours crier de partout « Ena evro, ena evro ». On passe des tapis à trois euros aux belles broderies plus chères et à quelques vêtements plus onéreux autour de 17-20 euros.

Il y a énormément de monde, d'enfants, de jeunes, de poussettes, de cabas, de roulettes, de personnes âgées. On se marche sur les pieds sans s'excuser. Une me donne un coup, une autre me pousse pour avoir un meilleur choix de clémentines, une autre fait rouler son cabas sur mes pieds. On se fusille du regard, parfois on prononce un petit et timide « signomi » (Συγνώμη, excusez-moi) sans même voir le visage de qui on a bousculé. On traverse de plus en plus de perpendiculaires, le marché n'en finit plus... Tout juste commence-t-il. Quelques vendeurs proposent des cigarettes, des paires de chaussettes à la sauvette. « Ena evro » toujours.

Nous croisons un pope à la longue barbe blanche, habillé tout de noir, un sac de courses à la main qui veut acheter des chaussettes. Il a deux euros dans la main. Le vendeur semble demander plus.. Pas le temps d'observer davantage. Nous sommes, Cloé et moi déjà happées par la file. Deux files se croisent, plus ou moins bien ordonnées tout le long du marché. Parfois quelqu'un bloque le passage. Pire qu'une queue leu leu de bourrés : on se rentre dedans, on se houspille, on se donne des petits coups. Le tout sans vraiment le sourire. Faire des courses, c'est être en guerre !

Enfin on quitte les vêtements, cette partie un peu ennuyeuse, monochromatique pour la partie arc-en-ciel, ensoleillée des aliments. Nos narines frémissent au parfum des clémentines qui s'accumulent sur les étals sans cesse remplis. Les yeux se réjouissent du vert des poireaux, du rouge terreux des tomates, du jaune soleil des citrons, du blanc violet d'un type d'aubergine nouveau pour nous. Où acheter? Les prix sont similaires. Tous les produits sont attrayants, alléchants. Les vendeurs cherchent le contact, nous appellent. On pourrait se prendre pour des stars s'ils n'ajoutaient « Patates, patates, ena evro ». On a quand même notre petit succès frenchy. A un stand de pommes de terre. « Deca.. Hmm »... « Deca kilioi » réplique le vendeur aux mains qui ont vécu. « Ochi ochi, deca.. Patates ». Il nous met les plus grosses. On fait la gueule avec Cloé, on tente de virer les plus énormes. Il insiste pour en mettre une du type qui a poussé à Fukushima. « Grosse comme une tête » selon Cloé. Dans un mélange de français, anglais, grec, on lui dit qu'on n'en veut pas. Il semble charmé, nous propose « Kafes, kafes » (καφές). Nous fait signe de lui écrire notre numéro « tiléfono, tiléfono » (τηλέφωνο). Nous rigolons. Il insiste. Nous passons à côté acheter des œufs. Ils coûtent entre 10 et 20 centimes la pièce, au choix, selon la taille. On en prend douze en faisant un geste de la main. Un langage universel ! Celui qui voulait notre numéro nous regarde du coin de l'œil mais nous sommes déjà plus loin... On se verra samedi prochain !

J'achète six oignons. Je comprends qu'ils coûtent 1, 10 euros. En fait 60 centimes. Le monsieur me regarde bizarrement. « Where are you from? » «  Gallia » (Γαλλια). « Good » me dit-il en levant le pouce ! Quel succès ! Nos sacs commencent à bien se remplir et les épaules souffrent entre les prunes, les poires, les courgettes, les kiwis à 10 centimes la pièce... Nous passons du stand de miel à celui des poissons, des produits surgelés. Certains légumes, fruits nous sont inconnus, nous sommes trop fatiguées pour nous renseigner. Ce marché est pire qu'un essaim d'abeilles ou une fourmilière : ça grouille de monde ! On croise des enfants, beaucoup d'immigrés ; en même temps, c'est le quartier. On entend parler grec mais aussi français, anglais, derrière nous italien « Ah c'est notre coloc et ses potes ». Des maghrébins quand ils nous entendent parler français Cloé et moi tentent un « Salut » vite noyé dans la foule. 

Il est 14h. Certains vendeurs semblent fatigués comme celui qui nous vend des courgettes pleines de fleurs. Un souvenir d'Italie pour nous, et de sa cuisine. Les italiennes les cuisinent beaucoup. Nous commençons à nous éloigner des grenades, des brocolis et des oranges... Nous n'aurons pas atteint la viande. Après avoir pourtant marché, piétiné une bonne heure. Fourbues, nous tentons de prendre une perpendiculaire. Des voitures klaxonnent. Il y a un mini embouteillage de taxis. Je réussis à m'enfiler dans la petite rue. Cloé, elle, est bloquée. Une petite vieille l'a agrippée qui souhaite traverser la rue à son bras. Finalement elle me retrouve et nous nous extrayons de cette foule aux cabas à la place des bras, aux roulettes à la place des pieds.

Pas un touriste dans ce marché au contraire de celui d'Omonia en plein centre-ville. Très sympa lui aussi néanmoins. A la fois dans une halle et à l'extérieur. A Omonia on trouve un grand choix de légumes secs, de viandes, de poissons. Plus que dans le marché de mon quartier. Les étals sont impressionnants. La viande est souvent enfermée dans des « cabines » vitrées dans la halle. Les vendeurs crient, remettent de la glace sur les poissons, transportent la viande dans des caddies. Le sol est sale, glissant, tout mouillé. Les produits ne coûtent presque rien. Les odeurs sont fortes, tenaces. Tous les sens sont sollicités par ces olives noires et salées, ces morceaux de viande rose vif, ces fruits secs si bien présentées aux couleurs orientales, ces poulpes et crevettes frais, ces épices si nombreuses que je n'en connais sûrement qu'1/10ème. Le marché d'Omonia fait un peu penser aux marchés siciliens de Palermo, Catania.. Un peu.. Des marchés colorés où les gens parlent fort, fument, vendent, marchandent, boivent du café. Celui de mon quartier est un peu différent, plus populaire, encore plus bordélique, plus grand... Mon marché du samedi, où il fait meilleur déambuler tôt le matin ou tard l'après-midi.