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La maternité naissante

Publié le 03 mars 2012 par Mirabelle

La maternité naissante a ceci de particulier qu'elle nous arrête à un point donné de la transformation, entre l'avant et l'après, dans ce qui ne sera plus, dans ce qui deviendra. Un état transitoire de la métamorphose, où l'on est déjà plus tout à fait celle que l'on était, où l'on n'est pas encore celle que l'on sera bientôt. La maternité naissante est un flux de souvenirs qui se mêlent, de bribes de passé qui s'entrechoquent, d'images qui refont surface après des années d'oubli, de visages chéris que l'on croyait avoir classé dans des boîtes, ce sont ces films tournés en famille, aux couleurs flétries, ces vacances au bord de la mer, cette instabilité du point de vue, les instants décisifs de la vie, la passation d'examens, les premières fois, le premier contact du corps d'un homme, le premier appartement, la grande amitié qui se casse la figure, le premier engagement. Toute cette vie qui défile.

La maternité naissante est un entre-deux indicible. Une observation constante de ce qui fut, un cadre autour d'une photographie, figée. La conscience que personne ne nous a jamais vraiment quitté, au fond, qu'ils sont toujours là, à leur manière, à nous accompagner, distance bienveillante que l'on se construit, que l'on façonne soi-même, quitte à trahir la réalité des faits et ses défauts. Mais peu importe. Ils ne sont jamais, dorénavant, que des marionnettes que nous manipulons à notre convenance, selon notre désir, dépourvus de toute amertume, de tout reproche, une présence uniforme, dépersonnifiée, enveloppante, sans plus de mots. La maternité naissante nous permet de réaliser cela, que rien n'est jamais vraiment derrière, abandonné, que tout est toujours là. A transformer. La maternité naissante apprend à faire la paix. En métamorphosant.

La maternité naissante est un état d'attente. Une salle d'appel où l'on viendra nous chercher pour entrer dans la lumière, pour fouler un autre terrain, une autre piste, où les noms s'inscrivent sur un écran, un lieu, une date, échéance connue par avance, pour laquelle on se prépare, depuis des mois, entre la terreur et l'excitation, le poids de l'enjeu. La maternité naissante est un lent, long processus de maturation, d'acceptation de ce qui ne sera plus jamais, de ce qui va naître, en nous et hors de nous, de ce qui va s'éveiller, se révéler. La maternité naissante, c'est se préparer à la surprise, à un changement de cap, de priorités, de regard sur le monde.

Je ne serai plus jamais "juste moi", plus jamais définie simplement par les jalons de la vie, par les instants que j'en retiens. Je ne serai plus jamais "juste moi" avec ma soif d'absolu, mon éternelle insatisfaction, mon penchant pour les chansons mélancoliques, mon amour de l'écriture, des mots, de ce qu'ils peuvent dire et graver, plus jamais "juste moi" et mon obsession de comprendre pourquoi la vie est ce qu'elle est, pourquoi on s'aime, on se sépare, pourquoi le temps passe mais laisse malgré tout quelque chose, pourquoi ces absurdités incessantes autour de nous, ces tergiversations inexplicables, ces retour en arrière, ces bonds en avant. Je ne serai plus jamais tout ça, plus jamais complètement, plus jamais simplement, comme un deuil à faire ou un livre dont on termine de lire la dernière phrase, en se disant que ce n'était pas si mal. En attendant d'entamer le prochain tome.


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