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Plaza Venezuela. Une immense place avec une très grande fontaine...

Publié le 05 mars 2012 par Fabrice @poirpom
Plaza Venezuela. Une immense place avec une très grande fontaine...

Plaza Venezuela. Une immense place avec une très grande fontaine où il est interdit de tremper les pieds, un parvis où il est interdit de rouler à vélo, une pelouse sur laquelle il ne faut pas marcher, des bancs en béton où il est interdit de s’assoir en tailleur (parce qu’il est interdit de poser les pieds dessus). À chaque transgression commise, un garde armé s’approche tranquillement et invite le transgresseur à rester dans les clous.

En réalité, les enfants de moins de quatre ans ont le droit de faire du vélo.

Plaza Venezuela. Point de départ de la virée vélo de ce samedi avec les Bicimamis, les bonasses à vélo. Les donzelles sont joueuses, elles s’imposent un thème.

Sors les talons et la jupette. Cycle chic.

Au compte gouttes, les donzelles déboulent, équipées. Du talon haut, des robes, des jeans très serrées. U-Lee, qui d’ordinaire est du genre savamment négligée en pantalon, à joué le jeu. Une robe d’été blanche, souple et ample, offre ses cuisses (dont une fraîchement tatouée) au Monde. Écorchures de maladresse, bleus de coups de pédale mal placés, piqûres de bestioles en tous genres, ces jambes sont un journal de bord de son quotidien. Dans son sac à dos, outre ses appareils photo et sa bouteille d’eau, un pantalon et une paire de chaussures plates.

La gente masculine est en civil: vieilles baskets et bermuda de circonstance pour affronter la trentaine de degrés qui parfument les aisselles et les chaussettes.

Assis sur le banc en bitume, la journée à la vénézuélienne commence.

Faire peu, attendre beaucoup, parler en attendant.

Machete et sa blonde brune Dréa, des potes de U-Lee, jouent les princesses. Pour un rendez-vous fixé à 13 heures, ils déboulent à 14 heures 30. Tapes dans le dos, bises, âneries de circonstance. Photo de groupe avant d’entamer la ballade, rapide, jusqu’à Altamira. Sur le chemin, passants et vendeurs ambulants écarquillent parfois les yeux devant les jupettes. Il y a les rires de beaucoup, les encouragements des femmes, les blagues foireuses des hommes. Le rythme est soutenu, la circulation effraie moins celles qui tremblaient il y a encore quelques semaines.

Plaza Altamira, après deux gorgées d’eau, du jus d’ananas et des chocolats au gingembre faits maison par l’une des bonasses, le groupe s’effiloche. Et U-Lee propose. Au hasard. Comme çà. Au cas où.

Avec Machete et Dréa, on va à une réunion de punks anarchistes.

Tentant. Et juste à côté. Trois coups de pédale, à peine, pour arriver sur la place Bolivar de Chacao. Au pied de la statue du héros, le cul posé sur les marches, une brochette de chevelus qui puent végètent. Deux boîtes de gâteaux et une bouteille d’eau plus tard, la réunion commence.

La possibilité de louer un local est sérieusement envisagée. En effet, à part les marches au pied du héros, pas d’endroit attitré pour se réunir. C’est ennuyeux. Les spéculations sur squats et locaux disponibles affluent. Mollement. À défaut, les histoires de cul, de cœur et de tunes se glissent dans l’ordre du jour. Et les gonzesses, c’est compliqué. Même pour un punk anarchiste de Caracas. Entre deux culs tristes, distribution de flyers et de stickers. Au bout de vingt, trente ou quatre-vingt-dix minutes, difficile à dire, U-Lee chuchote, pour ne pas parasiter le débat.

Vu avec Machete. Dréa et lui s’emmerdent grave aussi. On dégage.

Deux petites minutes de courtoisie à s’étirer les guiboles puis retour en selle. Direction PinchoPan, le libanais qui fait salle comble depuis ses travaux. Shawarma et falafel à la tonne. L’un des rares restos à être en plein coup de feu douze heures par jour. De nouveau, la patience est de mise. Pour récupérer trois boulettes enroulées dans une galette.

Cents mètres plus bas, Plaza Chacao. Outre les mioches qui courent, il y a des pingouins, des tulipes et des meringues. Cause sauterie officielle. Trois tulipes poussent la chansonnette sur une petite scène montée là, le maire du quartier y grimpe pour faire un petit laïus, les pingouins et les meringues applaudissent, les tulipes reprennent le micro. Chaude comme une enpanada à 8h30 du mat’, Dréa resserre les lacets de ses Docs montantes, assèche sa canette de 7-Up et se relève, direction Monsieur le Maire. Pour lui tenir la jambe deux minutes, le gonfler avec le problème du manque cruel de stationnement pour les vélos.

Les deux minutes sont écoulées. Retour de Dréa sur les marches.

Il m’a lâché son 06…

Machete, voyant l’Officiel tailler la route, le salue.

Fascista!

C’est ce moment-là que choisit la nuit pour tomber. Mais ici, la nuit tombe toujours vite et tôt.

Les Bicimamis ont leur réunion hebdo. On dégage. U-Lee nous rejoindra plus tard.

Avec Dréa, Machete et un autre lascar, virée pleine balle vers l’Ouest. Direction Charlesport, un garage vélo à deux pas de l’avenue Libertador. Pleine balle via le Country Club, l’un des quartiers les plus friqués de Caracas, au Nord Ouest d’Altamira. Friqué, reculé, mais sans éclairage public. Rien ni personne n’est parfait. L’obscurité incite la troupe à forcer sur les pédales. Les routes sont sinueuses et esquintées, quelques voitures croisées font plisser les yeux, celles suivies font baisser la moyenne. Moins de dix minutes plus tard, atterrissage devant Charlesport.

Nouvelle attente, prolongée, tandis que les mecs de la boutique s’affairent autour du vieux VTT rouillé d’une nouvelle recrue des Bicimamis, arrivée en métro, qui sait faire du vélo depuis vingt-quatre heures.

U-Lee déboule. Rapidement, après un flot de bavardages, la soif se fait sentir. Expédition éclair à deux pâtés de maison de là pour acheter des bières dans un resto. Deux packs répartis dans les sacs à dos. Retour pleine balle devant la boutique. Dès les premières gorgées, le débit d’âneries est multiplié par deux.

Ô miracle, à peine deux bières plus tard, la monture est ressuscitée. La nouvelle bonasse essaie, fébrile. Elle oscille un peu mais le groupe, par définition, protège et incite. Tout le monde en selle, vers le sud. Quelques grandes avenues, de la descente encore et toujours. Toute la bande de joyeux loulous se laisse un peu griser. La bière dans le ventre, l’alcool dans les veines, l’air frais sur le visage.

Retour Plaza Venezuela. Le point de départ du jour. Et les gardes armés sont toujours là. U-Lee parcourt vingt-cinq mètres avant de se faire alpaguer. Pied à terre demandé.

Le pont au-dessus de l’autoroute Francisco Fajardo. Puis, quelques centaines de mètres plus loin, des barrières bloquent le passage.

L’Université Bolivarienne du Venezuela. Un immense campus universitaire en plein milieu de la ville.

Un sanctuaire du savoir de jour. Un terrain de jeu géant pour Bicimamis la nuit. Des zig-zags, des pauses de clown, des cris, des rires, une pause pipi, une pause déraillement. Et des cris et des rires encore.

La bière dans le ventre, l’alcool dans les veines, l’air frais sur le visage.

Point d’orgue: descente finale qui mène à Valle Abajo. Arrivée à toute vitesse sur le boulevard au pied de la descente. Détour éclair chez Dréa pour que la nouvelle et le lascar y lâchent leurs montures. Le temps de siffler deux bières à trois, avec U-Lee et Machete. Ballade au pas jusqu’à la grille fermée d’un appartement en rez-de-chaussée. De l’autre de la grille, un bien portant vend des binouzes à l’arrache aux soiffards nocturnes.

Sur la marche du perron, dernières âneries et gorgées qui les suscitent. Derniers clichés flous.

Retour jusqu’à Plaza Venezuela, via l’Université Bolivarienne, avec U-Lee. Puis retour, via Chacaito, puis Chacao, Altamira et montée infernale jusqu’à la Vieille Déglinguée, la maison de Gaby. Un seul et même morceau qui tourne en boucle dans le walkman.

The Funeral. Band of Horses.

Caracas en bici. D’la balle.

Gracias U-Lee.


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