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Un nain connu vous offre des fleurs...

Publié le 10 mars 2008 par Laurent Matignon

Petit laid


Chapitre 32
Le chemin du retour est riche d’enseignements.
Le premier, c’est que Carine se réjouit de voir que je ne suis pas un asocial de la pire espèce, chose qu’elle commençait à craindre ces derniers temps, m’avoue-t-elle.
Le deuxième, c’est que j’ai visiblement plu à ses parents, ce dont je me doutais et, fait fort intéressant, plus particulièrement à sa mère.
Le troisième, enfin, était que nous allions passé Noël avec ses parents. Si je n’y vois pas d’inconvénients, bien entendu. Je n’en vois pas, et pour cause...
Nous étions déjà à tout juste une semaine de la gigantesque orgie chrétienne que nous réservait chaque fin d’année – qui a dit que les chrétiens n’aiment pas les plaisirs de la vie ? Ce sont eux et eux seuls qui ont inventé une des deux plus grosses partouzes culinaires annuelles !
Durant la semaine qui suivit, je m’efforçais donc de me préparer psychologiquement à cette soirée. Si je voulais conquérir la mère, il me faudrait être patient avec la fille, j’en avais pleinement conscience. Mais je savais aussi que si j’attendais trop, je créerais une sorte de barrière psychologique entre la mère et moi, un blocage mental qui me cataloguerait définitivement au range de simple gendre, et annihilerait tout espoir de succès.
La partie risque d’être serrée, mais Dieu qu’elle en vaut la peine !
Pendant ces quelques jours qui précédent Noël, je me montrais donc sous mon meilleur jour : attentionné, délicat, en un mot amoureux. Carine ne manqua pas de me complimenter à de maintes reprises et de m’encourager par moments dans mes efforts. Ses yeux avaient changé de teinte, ils étaient maintenant pétillants comme du cristal et acérés comme des diamants : leur couleur claire s’en trouvait rehaussée et j’y retrouvais presque ce que j’avais découvert dans le regard de Patricia.
Le jeudi, nous sommes allés au restaurant, un vrai festin, je me suis montré prévenant, causant, et j’ai même réglé l’intégralité de la note : autant faire les choses en grand.
Nous avons fait l’amour tous les soirs ou presque. C’était éreintant, mais je dois bien reconnaître que j’en retirais du plaisir. Un soir, après l’avoir prise pour la troisième fois, je me remémorais en souriant un vieil adage : « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ».
Noël s’approche à pas de géant. A J-3, je fais la surprise à Carine de lui ramener un joli petit sapin qu’elle ne manque pas de trouver « mignon tout plein » et je pousse même le vice jusqu’à le décorer moi-même. Ce qui ne manque pas de déclencher des cris hystériques chez elle. Je commence à en avoir l’habitude.
Le plus difficile est de trouver un cadeau pour Carine. Et plus encore pour Patricia. Le père, lui, est comme tous les pères en Occident génétiquement programmé dès la naissance pour recevoir une bouteille de whisky ou une cravate : je choisis la première option, cela pourrait m’aider un jour ou l’autre, et il n’est pas dans mon intérêt d’aider ce gros porc à paraître élégant.
C’est là que tout se joue. Le cadeau doit être l’estocade, la touche finale, le coup de grâce. Pour Carine, qui ne demande que ça, et en attendant mieux.
Je choisis un immense bouquet de roses rouges. Parce que les femmes aiment les hommes qui aiment les fleurs, comme pourrait le dire une mauvaise campagne de publicité. Et parce que nul n’ignore la signification, le langage, des roses rouges. Je jette également mon dévolu sur un splendide collier (à en juger par son prix) d’or et de diamants. L’idée, toute simple, est que Patricia en voyant ce collier doit y voir le reflet d’un homme sensible, passionné, qui aime les femmes, et qui aime le leur montrer. Et comme je sais pertinemment que Patricia ne manquera pas d’orner son cou de cette parure à chacune de nos prochaines – et fréquentes – visites familiales...
Pour Patricia, je dois choisir quelque chose qui ne paie pas de mine, mais qui joue en ma faveur. Quelque chose qui lui montre que je suis sensible à sa beauté, comme on peut l’être face à une œuvre d’art. De manière contemplative, mais désintéressée. On regarde mais on ne touche pas. Délicat. Je ne m’imagine pas une seconde lui offrir une robe sexy ou un petit haut moulant : trop banal, et surtout déplacé. J’opte finalement, à moitié satisfait, pour un fin bracelet-montre, dans l’idée qu’à chaque fois qu’elle consultera l’heure...
Veille de Noël. Le 24 décembre. Un mardi.
Direction Amplier.
Mes mains sont moites.
Le chauffage de la Supercinq comme à l’habitude est mal réglé.


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