Auteur auto-édité est une sorte de sacerdoce, bien plus que ‘auteur’ tout court, édité donc (c’est-à-dire publié dans une maison d’édition à compte d’éditeur, c’est-à-dire encore sans débourser un rond)
Auteur, édité ou non, ne paye pas son pain et à peine l’air qu’il respire. Pour gagner sa vie en tant qu’auteur il faut s’y mettre à plein temps et ne pas vouloir gagner le smic horaire (ou même le smic tout court), même dans l’auto-édition que les choses soient claires. Auteur, c’est pas un métier fait pour ça, ni même pour la gloire, vu le nombre d’auteurs existants et celui des nouvelles publications quotidiennes ! Quand vous êtes auteur, vous passez très souvent inaperçu.
La différence entre l’auto-édition et l’édition est que, dans le cas de l’auteur auto-édité, une partie des tâches qui incombent à l’éditeur (relecture, correction, mise en page, publication, diffusion, publicité) reviennent à l’auteur lui-même. La petite somme d’argent qui rentrait auparavant dans la poche de l’éditeur, entre alors dans la poche de l’auteur, c’est normal, cela rémunère (à peine) le travail supplémentaire à fournir.
Beaucoup d’auteurs auto-édités arrivent, malheureusement, à cette solution de l’auto-publication par défaut et non par choix : leurs textes ont été refusés dans les maisons d’éditions, alors comme ils veulent absolument devenir auteur, ils auto-publient leur texte sans autre forme de remise en question. Mais c’est quoi devenir auteur ? Ecrire ? Publier ? Publier à compte d’éditeur ? Avoir des lecteurs ?
Et si leurs textes n’ont été retenus par aucune maison d’éditions, souvent les auteurs (encore amateurs) ne remettent jamais en question ces même textes. En oubliant les grosses boîtes comme Gallimard, il existe des centaines de maisons d’éditions en France, il y a toujours moyen d’en trouver une, si votre texte est réellement bon !
Le problème n’est pas d’être édité, mais d’avoir un texte qui soit éditable.
J’en viens à mon sujet de départ : auteur auto-édité a toujours été un choix par défaut et donc un mauvais choix. Les auto-édités par choix conscients et volontaires sont très rares finalement, et même parmi ceux qui l’affirment, beaucoup encore rêvent (plus ou moins secrètement) de signer un contrat d’éditeur un jour et d’abandonner définitivement l’auto-édition.
Moi, je suis auto-publiée par choix premier: je n’ai jamais envoyé de manuscrit à une maison d’édition de mon propre chef (si un éditeur veut un texte, il le demande, j’en fais pas une règle mais jusqu’ici ça s’est fait comme ça), je n’ai jamais considéré qu’être éditée à compte d’éditeur un jour soit le summum de ma carrière.
Oui, Pluie de Corps va sortir chez un éditeur numérique. Pourquoi ? D’abord parce que l’idée du roman est partie d’un appel à textes de cet éditeur (mais Prophétie était parti du même appel et a été auto-publié), ensuite parce que travailler avec Numeriklivres me tentait depuis un moment et que c’était l’occasion.
Dans ma logique « en vivre un jour », je vois les choses ainsi :
en tant qu’auto-publiée, j’apprends sur le tas comment écrire, comment réviser mon texte, comment le mettre en page de manière pro, le vendre également, comment me constituer un lectorat, comment réagir professionnellement devant les critiques (ne rien prendre pour soi, accepter l’évidence « oui, là c’est vrai, j’aurais pu faire un effort, je le retiens pour la prochaine fois »). Bref, l’auto-édition est une école très formatrice pour l’auteur, pour peu qu’il soit bon élève.
Je n’ai jamais pensé rester auto-publiée pure et dure. D’abords parce que je ne pense pas que les éditeurs soient tous des imbéciles qui ne comprennent pas ma prose (remarque entendue à plusieurs reprises par des auteurs au génie visiblement incompris) ou encore que l’auto-publication soit un étendard à dresser contre la machination, le copinage, la magouille de l’édition traditionnelle (qu’un seul auteur auto-édité tienne ce discours, c’est amusant, quand ils se mettent à être des dizaines, c’est juste ennuyeux, et je reste polie)
Continuer d’auto-publier tout en travaillant plus ou moins régulièrement avec des éditeurs (et pas juste une maison d’éditions à laquelle je serais liée par une exclusivité imbécile…), voilà la manière dont je conçois ce métier d’auteur : je me donne d’un côté les moyens d’apprendre (par l’erreur (auto-publication) et par l’enseignement (éditeur)), je me donne aussi les moyens d’être rémunéré décemment (par le choix de ne pas « donner » trop de droits à l’éditeur – pas d’exclusivité, pas de livre supplémentaire à fournir, je ne suis liée que par le livre édité en quelque sorte, ce qui me laisse la liberté de publier autant que je le souhaite et de la manière que je souhaite !)
Je pense sérieusement que certains de mes textes nécessitent un regard plus pro que celui de mes bêta-lecteurs (qui font un travail formidable, mais qui ne me poussent pas forcément à aller dans des directions différentes de mes écrits habituels, la bêta-lecture a des limites), j’ai besoin de ce regard parce que je n’ai pas envie d’écrire la même chose pendant 20, 30, 50 ans !
Ça serait d’un ennui pour moi et mes lecteurs.
Car ce que la majorité des auteurs auto-édités que je croise oublient, c’est bien que le lecteur, au final, est le seul qui aura le dernier mot !