14 mars 1997 (La vie d'une autre)

Publié le 13 mars 2012 par Anaïs Valente

Et si je me réveillais le 14 mars 1997 ?  Ou plutôt, et si je me réveillais demain, 14 mars 2012, persuadée d’être le 14 mars 1997, ça me ferait quoi ?

Je sors d’avoir vu « La vie d’une autre », et ce film, je l’ai qualifié de traumatisant, même si le mot est fort.  A tout le moins, il est bouleversant et « philosophant ».  Surprenant aussi, troublant surtout.  Je partais pour une comédie romantique rigolote à la « 30 ans sinon rien », légère, fun et cucul la praline, mais que nenni.  De l’humour, il y en avait, bien sûr (même que Juliette Binoche en faisait un tantinet trop, parfois, juste parfois), mais surtout de la souffrance (même que Juliette est totalement et indubitablement parfaite dans ce type d’émotion).  Pas une comédie romantique, donc, mais une tranche de vie, une grosse tranche, une tranche de quinze ans, où l’on découvre ces quinze années oubliées, par petites doses, par petites touches, en même temps que Marie, alias Juliette Binoche, va le faire.  Avec le même étonnement qu’elle.  Et toute cette palette d’émotions par lesquelles elle va passer en faisant connaissance avec son fils, avec son job de femme d’affaire, avec ses conflits familiaux, avec l’amour de sa vie, pourtant si loin d’elle.  Et de se demander ce qui a bien pu lui arriver durant ces 180 mois.

Et de n’avoir de cesse de me demander, moi aussi, « et si ça m’arrivait ? »  Si, moi aussi, à l’instar de Marie, je me réveillais quinze ans plus tard, ne maîtrisant plus rien de ma vie, découvrant ce que je suis devenue, avec quelques jours seulement devant moi pour comprendre, réparer, renouer, aimer aussi.

Durant tout ce film, sans pourtant être distraite, je me suis posé cette question.

Et si je me réveillais demain matin en me croyant encore en 1997…

Je le ferais dans ce lit que je connais si bien, mais dans une chambre totalement inconnue. 

Je tâcherais de trouver mon chemin jusqu’à la salle de bain (où je pousserais des cris d’effroi en découvrant ma tronche ridée et des cris de joie en découvrant mes cheveux où le blanc a oublié de venir), jusqu’à la cuisine (où je pousserais des cris d’effroi en découvrant mon frigo vide), jusqu’à la porte de sortie et jusqu’à l’arrêt de bus, où mon abonnement me renverrait enfin une photo de moi telle que je pensais être, soit avec quinze ans de moins.

Je croiserais le rat et la souris en me demandant ce que font ces bestiaux inconnus chez moi.

Dans le salon, je découvrirais un truc étrange à côté de mon clavier d’ordinateur : un rat de plastique.  Et internet aussi, je le découvrirais...

Je partirais bosser avec une heure de retard, et j’arriverais au turbin pour réaliser que le bâtiment aurait été réaffecté.  Glups, il est où alors patron chéri ?

Avec deux heures de retard, finalement, après enquête, je rejoindrais mon lieu de travail, découvrirais mon nouveau boss et tous ces collègues inconnus.  Ah et bien en fait, tous le seraient, inconnus ! 

Mostek me proposerait un cinéma et je lui dirais « ok, mais, on est amies, toi et moi, alors ? »

J’apprendrais avec stupeur et joie intense mon nouvel horaire, et je partirais profiter de mon temps libre.

J’en profiterais pour aller dire bonjour à bon-papa et bonne-maman, mais trouverais porte close et apprendrais leur départ pour là-bas.

J’appellerais mon amie pour en parler, mais son numéro ne serait plus bon.

J’en appellerais une autre, qui me demanderait de la laisser tranquille, définitivement.

J’appellerais alors papa, mais son numéro ne serait plus attribué.  Chez lui, je trouverais une auteure belge qui se la pète grave et m’annoncerait froidement « il ne vit plus ici ».

J’irais me consoler en ville avec un chtit shopping, mais ne trouverais plus mes magasins habituels.

J’en visiterais d’autres et m’étonnerais de ne pas entrer dans mon 38 habituel.

Je baverais devant ces jolis petits trucs colorés dont j’ignorais tout : des macarons, que ça s’appelle.

J’achèterais quelques disques de parfaits inconnus : Mika et Lady Gaga.

Je m’offrirais une jolie photo du WTC de New-York.  Un jour, j’irais le voir, ce WTC.  Cette année, Floride, mais l’an prochain, qui sait…

Je me réjouirais d’être marraine dans peu de temps.  Ce petit être à venir, gamin ou fille, surprise surprise ?

Je découvrirais alors un tout petit téléphone dans mon sac, un gsm, moi qui avais juré, il y a quelques jours, de ne jamais tomber dans ce piège pour snobs.

J’appellerais au hasard un prénom masculin que je trouve joli et entendrais mon ex me demander avec étonnement pourquoi je l’appelle tant d’années après qu’il m’ait larguée comme un vieux slip.

Je rentrerais chez moi après avoir sorti ma carte d’identité, tiens, elle a rétréci, tiens, c’est quoi cette puce, tiens, y’a pas mon adresse, mais je vis où déjà ?  Je rentrerais chez moi après avoir sorti une carte de visite à mon nom et une autre à celui d’une certaine Anaïs Valente.

J’analyserais avec étonnement cette TV étrangement plate au milieu de mon salon et cet appareil bizarre avec un logo Voo.

Je trouverais dans ma bibliothèque les livres de cette Anaïs Valente. 

Je découvrirais peut-être un jour, au hasard de mes recherches sur cette Anaïs Valente, que ce blog, ben c’est le mien.

J’irais me coucher et déciderais de lire Et si c’était vrai, d’un certain Marc Levy.  Je le lirais au finish et pleurerais comme un veau la fin. 

J’ignorerais encore que, dans quelques semaines, j’allais tomber en amour…

Je m’endormirais, angoissée de me réveiller le 15 mars… de quelle année ???