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L'arbre et l'enfant

Publié le 14 mars 2012 par Stephy

Juste une nouvelle à lire d'un trait!

Le petit enfant prit le fruit que sa maman lui tendait puis le posa à côté de son assiette. Il avait copieusement mangé, ce soir là, et il hésitait à croquer dans son dessert.

-"Tu as fait ton gourmand, Maxime, je t'avais dit de ne pas reprendre de pâtes", fit son père.

-"Si tu n'as plus faim, laisse la pomme. Ne te rends pas malade", reprit la maman.

Alors, le petit garçon décida de suivre ce sage conseil. Il demanda la permission de se lever de table car il souhaitait retourner dans sa chambre, qu'il aimait particulièrement. Il pouvait y passer des heures entières à jouer, sans jamais s'ennuyer. Elle était plutôt grande, toute tapissée de bleu. Au sol traînait constamment une multitude de crayons, de camionnettes miniatures, de petits personnages représentant des soldats. Et un lit mezzanine surplombait le tout. Quand Maxime montait se coucher, il avait l'impression de dominer son royaume. Il se croyait tout puissant.

Plus tard, se disait-il alors, je serai chef d'état. Mais pour l'instant, comme chaque soir, sa maman poussait doucement la porte pour venir l'embrasser. Elle le borda tant bien que mal, s'éloigna sur la pointe des pieds et éteignit la lumière. Le petit enfant s'endormit quelques instants plus tard. Ses songes furent paisibles et son sommeil réparateur. Le lendemain matin, il se réveilla de bonne humeur.

Quand il descendit à la cuisine, sa maman s'étonna de le voir debout aussi tôt. Pendant les vacances scolaires, il se levait rarement avant 10 heures! Le café était tout juste passé, encore fumant, mais la maman n'avait pas encore préparé le chocolat chaud. Elle s'empressa donc de sortir le lait du réfrigérateur puis le versa dans une casserole et le mit à chauffer. Pendant ce temps, elle enfourna deux tartines dans le grille-pain qu'elle alluma sur la position 3. Maxime était un peu surexcité, ce matin là, et sa maman le remarqua bien vite. Elle lui demanda ce qui se passait.

-"C'est que j'ai décidé de faire pousser un arbre avec la pomme que j'ai laissée hier," répondit le garçonnet, "comme ça on pourra le planter dans le jardin avant que je ne retourne à l'école"

-"Mais pour qu'un arbre grandisse, il faut plus de quatre semaines," reprit la maman. Puis elle stoppa net sa réflexion, pensant que le petit garçon aurait tout le loisir de constater par lui-même. Une fois le petit déjeuner terminé, Maxime eu donc la permission de se rendre dans l'atelier, au bout du jardin, avec son papa. C'était un établit tout en désordre et plutôt sâle. Il y avait sur une étagère un gros sac de terreau et le petit garçon dut en remplir un pot en terre cuite. Ensuite, il ôta les pépins de la pomme et les enfouit à quelques centimètres de profondeur.

-"Surtout, n'oublie jamais de bien humidifier la terre", insista son papa.

Quelques jours plus tard, Maxime commençait à s'impatienter. Son semis en était toujours au même point, aucune pousse ne sortait. C'était beaucoup plus long que prévu. Le petit garçon faisait la grimace. Bien sûr, il avait omis un arrosage, une fois, mais est-ce-que cela pouvait suffire à l'échec de son projet? Les graines étaient-elles si fragiles qu'elles ne pouvaient pas du tout se passer d'eau? Maxime n'osa jamais avouer sa faute à ses parents.

Heureusement, au bout de deux semaines, le petit garçon vit poindre une minuscule feuille, recroquevillée sur elle-même, et d'une couleur vert-jaune. Quel soulagement! Il voyait donc naître son arbre, et il s'imaginait, plus tard, en train d'en récolter les fruits.

Mais déjà, il dévalait les escaliers de sa chambre pour aller annoncer la bonne nouvelle à ses parents. Il les chercha partout: dans la cuisine, dans le salon, et c'est finalement au jardin qu'il les trouva. Son papa était en train de vaporiser un insecticide sur le feuillage des rosiers, pendant que sa maman en coupait les fleurs fanées. En voyant cela, le petit garçon comprit que lui aussi devrait se montrer à la hauteur avec son arbre, et ne jamais le laisser tomber malade. Dorénavant, il attacherait une importance toute particulière aux soins de son protégé.

Le temps passa bien vite. Entre ses jeux de billes, ses devoirs de vacances, et son petit arbre, Maxime ne vit pas la rentrée des classes arriver. Seulement, ce matin là, il dut se lever à 7 heures et préparer son cartable. Il avala quelques biscuits et un jus de fruits puis alla faire sa toilette. Il était déjà en retard. Sa maman le déposa bien vite devant la grille de l'école. Un timide soleil semblait vouloir réconforter tout le monde, mais beaucoup d'enfants pleuraient. Maxime non plus n'avait pas le coeur joyeux. Tout à coup, dans la cour de récréation, il se souvînt n'avoir pas vaporisé son arbre le matin. C'était la deuxième fois qu'il l'oubliait. Peut-être avait-il été un peu pris par le temps; en tout cas, il se sentait inexcusable.

Les jours qui suivirent, Maxime décida de s'organiser. Il devait pouvoir chaque matin s'occuper de son arbre, déjeuner calmement, et se laver correctement. En réalisant toutes ces tâches dans un ordre bien précis, il se rendit compte qu'il lui était même possible de regarder la télévision quelques minutes. Maxime était content de lui.

Et puis un jour, le jeune garçon fut surpris de constater que son arbre mesurait déjà 60 centimètres. Bien sûr, il le regardait tout le temps. De son lit, il avait une vue plongeante sur cette tige, dans son pot de terre cuite, posé sur la moquette de sa chambre. Mais aujourd'hui, il réalisait que plusieurs mois s'étaient écoulés et que son arbre demanderait bientôt à être repiqué en pleine terre. C'était là sa destinée. Croître encore, encore, et atteindre sa taille optimale. Alors seulement, il pourrait fleurir et donner de belles pommes que l'on s'empresserait de manger.

Le lendemain, c'était samedi, et Maxime décida de profiter du week-end pour installer son protégé au jardin. Il avait déjà choisi l'emplacement, depuis deux mois. Il placerait son arbre tout au bout, près de l'atelier, et devant le vieux mur, pour l'abriter un peu du vent. Sa maman et son papa vinrent l'aider pour dépoter l'arbre, mais surtout pour faire le trou destiné à l'accueillir. Enfin, après 45 minutes d'effort, l'arbre se tenait là, debout, très droit, au fond du jardin. Il semblait finalement très petit dans ce contexte. Un vent un peu frais commençait à se lever. Des gouttes de pluie tombèrent, mais Maxime ne rentra pas tout de suite à la maison.

Le petit pommier ne ressemblait plus à une jeune pousse maintenant; il avait bien grandi. Il avait un tronc solide et des racines certainement très longues, bien ancrées dans le sol. Cependant, il ne dépassait pas encore l'immense mur qui le protégeait. Depuis quelques temps, Maxime ne venait plus le voir que très rarement. Il devait être pris par le collège, les devoirs, et les filles... Et l'arbre était là, planté au fond du jardin, menant sa vie sans inquiéter personne. Cette année, il promettait même de donner ses premiers fruits. Mais à part les fourmis qui s'étaient installées dans un noeud de l'écorce, personne ne s'en souciait plus. Si bien que le pommier, s'il avait su parler, se serait certainement lamenté. "Pourquoi m'as-tu donné la vie, si tu m'abandonnes aussi vite?" aurait-il demandé à Maxime. "Mon destin n'est donc que de vivre en solitaire, et de satisfaire votre plaisir à tous grâce à mes succulentes pommes?" Et l'arbre aurait probablement trouvé le temps long, tellement long, en attendant une visite du jeune garçon. Il aurait fondé toutes ses journées sur l'espoir que Maxime, cette fois là, vienne l'admirer et se repentir de ne pas le faire plus souvent. Mais celui-ci, quand il arriva enfin, fut simplement surpris que son arbre soit déjà aussi robuste.

Cela faisait déjà plusieurs années que le pommier habitait le jardin maintenant. Il avait subi de rudes hivers mais cela ne l'avait pas ébranlé. Il s'imposait, gros pommier solitaire mais résistant. A présent, il dépassait le vieux mur de quelques centimètres et enfin, il pouvait profiter d'un vue agréable.

Derrière les briques, il y avait un parc, avec tous ses promeneurs, ses enfants grimpant à l'échelle et glissant sur le toboggan, ses couples amoureusement enlacés sur les bancs publics. Le parc grouillait de vie, il regorgeait d'autres arbres, un peu différents de lui; des marronniers, des érables... Le pommier de Maxime s'intéressait à ce joli tableau. Déjà, il observait une dame qui pointait le doigt dans sa direction. Elle était jeune, jolie, elle semblait joyeuse avec ses deux enfants énervés, et elle l'avait remarqué. Lui, l'arbre oublié de sa propre famille. Dorénavant, il se sentait moins triste. Il s'ouvrait un peu au monde extérieur. Le soleil était au beau fixe, l'air était chaud et rassurant. "Si tu reviens me voir, Maxime, je te dirai à quel point tu me manques. Je dois me passer de toi bien souvent et par la force des choses, j'y arrive". Petite graine que tu as faite germer, et que tu as aidée à grandir. Il a fallu que tu la laisses, livrée à son destin. Maintenant, Maxime, tu as d'autres préoccupations. Tu t'es sûrement marié et tu va t'occuper de ta famille, ailleurs. Alors, n'oublie pas cela: il existe toujours, ton petit arbre, même si tu l'as oublié. Aies toujours une pensée pour lui, et sache que heureusement, il survit, même sans toi.


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