Juste une nouvelle à lire d'un trait!
L’histoire se passe il y a très longtemps.
A cette époque, le monde tel que nous le connaissons n’existait pas, et d’ailleurs, aucune planète n’était peuplée. La Terre ? Elle n’était même pas encore apparue au sein du système solaire. L’histoire se passe donc, comme je vous le disais, il y a très, très longtemps.
C’était à l’ère où l’univers n’était composé que d’une poignée d’étoiles, de quelques planètes, de la lune… mais elles n’intéressaient personne. Ce qu’elles contemplaient toutes était le Soleil. Il était énorme, tellement lumineux, et brûlant. Il inspirait à la fois la crainte et l’admiration de tous ceux qui le regardaient. Il était majestueux, si beau, que par principe, on le respectait beaucoup. On le vénérait presque. Lui pouvait tranquillement régner en maître sur la galaxie toute entière…
Il y avait donc à cette époque une seule et unique merveille : la lumière du soleil, et pour cela, les planètes acceptaient de se plier au moindre souhait de la gigantesque boule de feu. Car il avait beau être aussi somptueux, il n’en était pas moins capricieux. Est-ce que cela découlait de son ego démesuré ? Certainement. Il aimait qu’on le contemple, qu’on l’admire. D’ailleurs, si quelqu’un oubliait un jour de le féliciter pour son incroyable beauté, il rageait. Certains, parfois, tentaient de se cacher pour échapper au rituel quotidien des congratulations mais dès qu’il s’en apercevait, il devenait fou. Il criait si fort que l’on tremblait de peur devant lui. On se confondait en excuses, et tout rentrait dans l’ordre.
Un jour pourtant, monsieur Soleil était convaincu que quelqu’un ne s’était pas présenté devant lui. Il avait compté tout bas et savait que le compte n’était pas bon. Tout le monde n’était pas venu s’émerveiller de sa beauté. Il se mit alors en colère et cria, cria pendant des heures. Il voulait connaître le coupable, lui montrer de quelle splendeur, et de quelle force il était fait. Il s’énerva tant qu’au bout de très longues heures, il se fatigua. Petit à petit, il dû bien retrouver son calme et pu alors se mettre à réfléchir. Il voulait trouver une idée, une ruse pour que plus jamais cela ne se reproduise. Il chercha longtemps, imagina mille stratagèmes et enfin, il trouva la solution qui résoudrait son problème. Il convoqua alors les planètes et leur fit part de sa décision : afin que chacune puisse l’admirer sans cesse, et de toutes parts, elles devraient tourner autour de lui. Combien de fois ? Tout le temps et sans jamais s’arrêter. Voilà qui le rassurait bien, lui, monsieur Soleil et ses caprices de star. Voilà qui les étonnait un peu, ces planètes si peu sûres d’elles.
Ainsi allait donc la vie dans ce monde peu ordinaire, où tout serait dorénavant centré sur le soleil. On ne s’intéresserait plus à autre chose ; c’était obligatoire.
Mais un jour, sans que personne ne s’y attende, on annonça une joyeuse surprise. Une nouvelle planète rejoindrait bientôt les quelques premières au sein de la galaxie. Un amoncellement de particules célestes s’était formé, parait-il, puis avait grossit, tellement grossit qu’il arrivait maintenant à une taille suffisante. On devrait l’accueillir courtoisement et lui expliquer la règle à respecter. Et le cours du temps pourrait ensuite reprendre normalement.
Chacun était donc prêt pour ce grand moment. C’était tellement inhabituel ! On s’impatientait déjà depuis un long moment quand la nouvelle planète se montra. Elle hésita d’abord, puis s’avança un peu plus. Elle n’était ni grande, ni petite ; elle n’avait pas de signe particulier. On ne pourrait pas facilement la différencier des autres. Rien ne perturberait l’ordre établi, en somme. C’était parfait. Le soleil s’en réjouit secrètement. Il la plaça alors ni trop près, ni trop loin de lui. Il s’imagina qu’ainsi, elle se fondrait mieux dans la masse. Et il n’avait pas tort. Une fois les présentations terminées, on ne se retournait déjà plus sur cette planète ordinaire et discrète. Les jours passaient, et se ressemblaient à nouveau.
Mais à cet emplacement, la planète se sentait vraiment bien. Elle était un peu chauffée par les rayons du soleil, mais elle n’avait pas l’impression de brûler. Elle pouvait se détendre sereinement.
D’ailleurs, elle s’épanouissait tant que de jour en jour, elle semblait s’embellir. Au début un peu sombre, elle acquérait des couleurs maintenant. On y voyait de plus en plus de vert, et du bleu, beaucoup de bleu… On aurait dit qu’elle se transformait. Et à ce stade, on ne pouvait plus le nier, elle était devenue splendide.
Les autres planètes commençaient à la regarder davantage. Est-ce qu’elles la jalousaient ? Non, pas vraiment. Elles étaient même plutôt ravies d’assister à tous ces jolis changements. Elles avaient compris que la planète s’était naturellement peuplée de végétaux. Mais ce n’était pas tout. L’évolution continuait, et elles pouvaient déjà admirer l’apparition de drôles d’espèces animales. Il y en avait de toutes petites, presque invisibles, et puis des grosses , très grosses. La nouveauté était que certaines se déplaçaient.
C’était merveilleux ! Petit à petit, la planète si simple au début s’ornait de couleurs et de mouvements. Il n’en fallait pas plus pour émerveiller la galaxie toute entière. On ne parlait plus que de cela dorénavant. Chacun aimait cette planète débordante de vie. Quant au soleil, pris de court, il se morfondait. Il était fatigué de n’entendre vanter que l’originalité de la planète bleue. D’ailleurs, elle n’était pas seulement belle , elle était aussi très sympathique. Elle commençait à s’amuser avec beaucoup trop de monde. Alors, une fois de plus, le soleil se fâcha. Il rappela à l’ordre toutes les planètes, hurla pendant un temps infini, puis les renvoya à leur place. Cela lui avait permis de rappeler son règlement, et il était convaincu que tout se passerait mieux dorénavant. Il avait fait preuve d’autorité et il en était content. Il pouvait reprendre sa place précieuse de seule splendeur de l’univers.
Mais au fond, un malaise commençait à s’installer. Par son discours, le soleil n’avait fait qu’accentuer l’admiration que chacun portait à la fraîcheur et à la douceur de la nouvelle planète.
Tout le monde était donc d’accord pour admirer et flatter le soleil à nouveau, mais le cœur n’y était plus. Les planètes comprenaient bien, maintenant, qu’il se jouait d’elles et qu’il n’était pas aussi parfait que ce qu’il leur disait. Elles avaient à présent la preuve que diverses beautés pouvaient exister, et que, chacune à sa manière, elles pouvaient les émerveiller. « Impossible ! », leur répondait monsieur Soleil. « Cette planète n’est pas assez brillante. Elle est trop fragile pour que vous l’admiriez. Tout ce qu’elle comporte est éphémère. Les végétaux fanent ; les animaux meurent. Elle veut vous en mettre plein la vue mais elle ne peut pas y arriver comme cela. » . Et comme les planètes contestaient déjà ses affirmations, le soleil de reprendre : « Je vous le prouverai. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’anéantirai cette planète. Je vous montrerai à quel point elle se moque de vous. A quel point elle est faible. ». Le pari était lancé. Le soleil allait devoir se débarrasser de sa rivale. Il en allait de son honneur.
Pendant que chacun reprenait le cours de ses occupations, le soleil, jour après jour, commençait donc à imaginer sa vengeance. Il lui fallait trouver un plan pour exterminer toute trace de vie sur cette planète bleue. Malheureusement pour lui, il n’avait jamais eu affaire à ce cas et il était un peu à cours d’idées. Ce n’était pas facile pour lui de mettre en place un moyen rapide mais aussi suffisamment efficace pour s’attaquer à un astre de cette taille. Il allait devoir employer la force ; c’était inévitable. Il décida alors d’appeler quelques comètes, qu’il choisit au hasard, et leur fit part de sa décision. Un jour, sans avoir prévenu personne, on bombarderait la nouvelle planète. On lui enverrait tellement d’astéroïdes et de boules de feu de toutes tailles que chacun croirait assister à un feu d’artifice exceptionnel. Il y aurait du bruit et tant de lumières chatoyantes que tout le monde s’en souviendrait à jamais. On ne cesserait plus de remercier le soleil pour ce magnifique spectacle. On le féliciterait en plus pour avoir su tenir sa parole et on ne déplorerait même pas la disparition de la planète visée. Le soleil en frémissait déjà d’impatience…
Et le jour J arriva. Comme prévu, les astéroïdes se jetèrent sur la planète. Certaines l’évitèrent, peut-être volontairement, mais d’autres ne ratèrent pas leur cible et s’écrasèrent à sa surface. Il y avait beaucoup de bruit, comme on s’y attendait, et des lumières aussi. Tout le monde se précipita pour voir ce qui se passait. C’était inouï. On comprenait que la planète fléchissait sous les coups. Elle en recevait encore et encore. Impossible d’intervenir ! L’offensive dura très longtemps. Chacun attendait la fin des hostilités. Puis, petit à petit, tout redevînt calme. Peut-être un peu trop calme. On n’osait plus bouger. On était tétanisé. Le soleil, lui, jubilait.
Peu de temps après, quelqu’un se risqua quand même à aller voir l’étendue des dégâts. Quel cataclysme ! Il ne restait pratiquement plus rien de la faune et de la flore de la planète. Toutes les espèces qu’on avait pu admirer jusque là avaient péri. Même les énormes mammifères, au corps recouvert d’écailles, et qui peuplaient pratiquement toute la planète avaient disparu. On ne voyait plus qu’un immense territoire rouge, grillé par les flammes. On savait à quel point la malheureuse avait pu souffrir, et on la devinait gravement malade maintenant.
Mais le temps passa et comme on le sait, parfois, des miracles se réalisent. Bien sûr, tout le monde était conscient à ce moment que plus jamais la planète ne ressemblerait à ce qu’elle avait été. Elle ne pouvait pas se remettre totalement de ses blessures, c’était allé bien trop loin. Mais petit à petit, elle reprenait des forces. Elle était évidemment très soutenue par ses semblables et cela l’aidait à guérir.
Tout à coup, à sa surface, on pu voir de petits rongeurs sortir de la cachette qu’ils n’avaient pas quittée depuis le début de l’assaut. Puis, de minuscules feuilles se mirent à repousser au bout de branches d’arbres qu’on croyait calcinés. Un nouvel écosystème se créait et s’adaptait tant bien que mal à ces conditions de vie rigoureuses. A ce moment, bizarrement, le soleil n’intervînt pas. S’il voulait en finir avec la planète, il était temps pour lui d’empêcher à la vie de renaître. Mais on le disait très occupé. Par quoi ? Personne ne le savait vraiment. Certains parlaient d’une expérience secrète qu’il avait décidé de mettre au point. Un virus qu’il inoculerait peut-être à ceux qui ne le respectaient pas suffisamment. On en frissonnait de peur. Les rumeurs les plus terrifiantes circulaient alors à ce sujet. Mais personne ne pouvait donner une information vérifiée.
Quelques temps plus tard, la planète bleue rassembla précipitamment tout le monde. Elle avait une nouvelle incroyable. Elle avait été conviée à un entretien avec monsieur Soleil. Elle était persuadée qu’il avait choisi d’oublier le passé et leurs querelles et qu’il souhaitait repartir sur de bonnes bases. Tout le monde se réjouissait. Les planètes se félicitaient d’avoir toujours soutenu la nouvelle, et l’ambiance était à la fête. A ce moment, plus personne ne pensait à l’expérience gardée secrète par le soleil.
Puis, la planète se rendit au rendez-vous. On attendait beaucoup de ce moment, et on n’avait rien d’autre à faire qu’espérer. Mais alors que tout était calme, un grand bruit retentit. Puis un deuxième, tout aussi inquiétant. Pour ne pas céder à la panique, les planètes se regroupèrent, se questionnèrent. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? On n’avait jamais entendu quelque chose d’aussi fort. On ne pouvait même pas qualifier le cri, ou peut-être le gémissement qui avait plongé tout le monde dans l’angoisse. Et la planète bleue réapparu. Elle semblait tranquille, très à l’aise. Elle n’avait peut-être même rien entendu. Mais elle avait quelque chose de changé. On la laissa s’approcher, puis on l’observa. On voyait toujours ses immenses océans, mais au milieu de ses forêts rétablies, on découvrit une espèce jusqu’ici jamais vue. Des animaux étranges grimpaient aux arbres, se balançaient de branche en branche. C’était incroyable ! La planète était à nouveau transformée. Que s’était-il passé pour qu’un animal aussi différent apparaisse tout à coup ? La planète ne savait pas l’expliquer. Mais elle semblait apprécier ses nouveaux hôtes. D’ailleurs, à la différence des autres, ceux-là ne cessaient d’évoluer. Au début recouverts de poils et peu agiles de leurs membres, ils se mirent à perdre leur fourrure puis à se dresser pour marcher sur deux pattes. Tout le monde s’amusait beaucoup à regarder ce spectacle miniature. Les planètes semblaient rassurées et bien que la nouvelle espèce n’était pas très jolie, elle fit l’unanimité. La planète bleue était à nouveau au centre de toutes les conversations, et le soleil ne réagissait plus.
Puis, le temps passa et un jour, la planète vedette s’inquiéta. Elle ne se sentait pas bien, elle se croyait malade. Elle n’avait vraiment plus de forces. Alors, on l’isola puis on l’observa, on la diagnostiqua. Cela semblait incroyable ! On pouvait clairement voir que ses forêts disparaissaient à vue d’œil ! Les glaciers fondaient et les océans se remplissaient dangereusement. En fait, personne n’y avait prêté attention jusqu’à ce moment, mais l’espèce bipède ne se comportait pas en simple hôte. Elle était un véritable parasite ! Elle détruisait tout pour construire du neuf, mais ne se souciait pas des conséquences. On avait pu la dire intelligente, mais on constatait qu’elle était pleine de paradoxes. Elle finissait par détruire son propre espace, son habitat. Et on ne pouvait rien y faire. L’espèce avait tellement proliféré qu’elle recouvrait chaque continent. La planète, trop faible, était menacée. Ses jours étaient comptés maintenant, il fallait bien l’admettre…
Peut-être était-ce le soleil qui avait lui-même planifié tout cela… A l’origine, la Terre était pourtant la plus belle planète du système solaire. Mais l’homme accomplit parfaitement sa tâche qui vise à détruire un jour cette merveille, dans le calme et sans en avoir l’air.