Les lignes qui suivent sont écrites un peu à l’improviste, sans prendre le temps de laisser mes réflexions venir à maturité. Il y a trois raisons à cela ; la première est d’ordre technique, mon PC surchauffe et ne va pas tarder à rendre l’âme, du coup, pas question d’aller fouiller tous les recoins du Net, quitte à ce que le récapitulatif et l’information que je propose en souffrent. Deuxièmement, les évènements qui ont lieu en ce moment-même se succèdent à une vitesse qui empêche de véritablement prendre le temps de réfléchir à l’information… le temps de le faire, celle-ci a déjà évolué, rendant le déroulement plus simple ou complexe à chaque étape, faussant en tout cas les réflexions préliminaires ou les retardant trop. Enfin, la troisième raison est double : d’un côté, l’agitation des forces de l’ordre et des politiques – plus que légitime vu l’ampleur des actes – et le probable profil criminel qui laisse envisager une conclusion à l’affaire d’ici la fin de semaine.
Certains l’auront probablement compris, je m’apprête à évoquer le cas criminel qui agite en ce moment la presse et le pays, les meurtres dans la région de Toulouse. Le profil qui suit, contrairement à d’autres affaires que j’ai pu évoquer, se veut partiel. D’abord parce que je manque d’information, ensuite parce que ce type de profil m’intéresse moins. Il s’agit donc d’en tirer les grandes lignes, en aucun cas de prétendre à une exactitude dans les détails. Comme pour les articles précédents relevant de criminologie, aucune des déductions qui suivent ne se prétendent exactes, tout au plus probables.
Au cours des 10 derniers jours, l’homme a mené 3 attaques : le dimanche 11 mars, un militaire en civil est exécuté ; le jeudi 15 mars, 3 militaires sont pris pour cibles, deux décèdent ; ce matin, lundi 19 mars, il ouvre le feu devant une école juive et abat 4 personnes (je n’ai pas l’information quant à de possibles blessés) dont 3 enfants. Cet homme n’est pas, comme des personnes trop pressées pourraient le penser, un tueur en série. Il s’agit de ce qui est qualifié de “Spree Killer”, parfois francisé sous l’appellation de “Tueur à la chaîne”. Une troisième catégorie existe, le “Mass murderer” ou “Tueur de masse”, ce dernier se limitant à un lieu, une action, la plupart du temps de façon suicidaire. L’exemple type étant Columbine. Il s’agit la plupart du temps de personnes relativement jeunes, adolescents ou moins de trente ans. La très forte majorité de ces cas (à peu de chose près la totalité – probablement dans les 80-90%) se termine par un suicide ou un face à face avec les forces de l’ordre où le Mass Murderer se laisse en quelque sorte exécuter.
Ici donc, les trois scènes de crimes différentes dans un espace temps moyen (large même pourrait-on dire puisqu’il excède les 72h) sur des victimes différentes indiquent clairement un Spree Killer. Il ne s’agit pas tant de meurtres que d’exécutions. Le rapport avec les victimes est limité à l’extrême, à peine un regard ou la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, ou bien la mauvaise apparence selon le référentiel du Spree Killer. Ce type de meurtrier, contrairement à un tueur en série, n’est pas intéressé par une jouissance sexuelle quelconque. Ce qui l’intéresse réside dans le pouvoir dégagé par l’acte criminel, la capacité de vie et de mort sur l’être humain. Il se prend pour Dieu, et il jouit de la sélection qu’il opère, sélection qui prend ici des tournures raciales.
Les attaques sont réparties dans une aire étendue mais demeurant régionale ; le tueur est donc un local, vivant probablement dans les 40 Km de Fronton (Fronton se situe à une vingtaine de kilomètres de Montauban et Toulouse, les deux endroits regroupant chacun des scènes de crimes). Notez qu’il est à Toulouse le dimanche et le lundi matin. Il est donc probable qu’il y demeure le week-end, peut-être en famille, ou que ce soit son lieu de résidence régulier. Sa détermination et la prise de risques encourue, qui plus est en milieu urbain à une heure d’affluence indique qu’il ne s’agit pas d’un campagnard mais d’un homme habitué à la ville.
Cette même détermination, le professionnalisme qui se dégage de ces exécutions et le calibre atypique des armes (7,62mm) indiquent clairement un homme habitué au maniement des armes et qui, s’il n’a pas connu l’acte meurtrier plus tôt, a probablement été en mesure de tuer compte tenu de la précision et de la détermination face à des cibles humaines. Plus qu’un habitué des armes (stand de tir ou chasse), de tels éléments font pencher la balance vers un policier ou un militaire qui aurait cessé d’être en fonction. Un témoignage d’une femme sur l’un des lieux du crime indiquait un possible tatouage au niveau du cou, ce qui renforce l’hypothèse militaire (nombre de militaires, plus que dans les forces de police ou de gendarmerie, sont tatoués). Et si cela ne suffit pas, le choix d’un militaire en civil comme première cible est d’autant plus déterminant.
Les motivations jusqu’à aujourd’hui restaient incertaines ; racisme, drogue, anti-militarisme, etc… Les militaires pris pour cibles étaient en effet tous d’origine maghrébine ou antillais, membres d’un régiment présent en Afghanistan. Les exécutions de ce matin viennent de répondre à la question : quand bien même l’assassin est clairement organisé et intelligent, et s’il avait décidé de brouiller les pistes vers des fausses cibles, il est totalement improbable qu’il ait pris des enfants juifs pour créer de “fausses cibles” et indiquer une fausse piste raciste – il se serait contenté d’adultes. Par conséquent, la motivation est très probablement à caractère d’épuration.
L’assassin, contrairement à ce qu’en a dit Gérard Longuet, n’a rien d’un fou. Il a très probablement établi un système légitimant parfaitement ses actes, une forme de paranoïa qui l’amène à agir en tant que sauveur, libérateur, épurateur. Bref, de rétablir un certain ordre en exécutant les responsables du supposé désordre qui encadre son mode de pensée : immigrés (ou fils d’immigrés), personnes de croyances différentes, etc.
Cela signifie que le meurtrier est à l’opposé de ce qu’il détruit : il est blanc (confirmé par les témoignages), de culture chrétienne, probablement lié à des mouvements d’extrême droite (ou anarcho-révolutionnaires de type skinheads et autres dérivés) sans forcément être encarté ou directement membre d’un quelconque groupe à l’heure actuelle ou dans ses années de jeunesse.
Les grandes lignes qui se dégagent, organisation, mise en place d’un système paranoïaque de hiérarchie et autres indiquent un homme ayant une certaine maturité intellectuelle, âgé d’environ une trentaine d’années, peut-être un peu plus.
Par bien des aspects les cibles choisies et le mode opératoire rappellent les attaques de Breivik, le Spree Killer (également Mass Murderer par pas mal d’aspects) norvégien connu pour les quelques 70 morts de juillet 2011.
Loin de qualifier les actes de terroristes ou de politiques (vu qu’ils ne dépendent que d’un seul homme et en aucun cas d’un groupuscule), il est évident que les exécutions répondent en tout cas à un tel système dans la mentalité du meurtrier. Celui-ci se voit probablement dans un rôle semi-christique de sauveur, établissant ou plutôt reconstituant une forme de pureté en éliminant ce qui ne convient pas à la société idéale qu’il imagine. Il est néanmoins impossible dans les conditions actuelles de savoir si ses attaques ont une connotation nationale, ou simplement régionale. En d’autres termes, s’il s’agit d’une destruction de son entourage immédiat et de ce qui ne plaît pas à cet homme dans la société qu’il fréquente au quotidien ; ou bien si son système de persécution prend, comme pour Breivik, une dimension nationaliste de pureté de la race et d’un patriotisme par les armes – incluant une réflexion politique poussée.
Notons au niveau du Mode Opératoire que, contrairement à Breivik, cet homme n’utilise qu’un seul moyen d’attaque, des armes à feu, et également que son action est beaucoup plus étendue dans le temps tout en demandant moins de préparation (Breivik avait en effet travaillé des mois durant à l’élaboration d’une bombe et s’était contenté d’une double action meurtrière en l’espace d’une journée).
Il y a donc un côté “lieu” ou “cible d’opportunité” dans la démarche du Spree Killer. Il connaît les lieux où il agit, probablement également les militaires pris pour cibles – les ayant vraisemblablement croisés dans les environs de son lieu de travail/résidence/détente. Sa démarche a beau être déterminée et réfléchie, les cibles qu’il prend ne sont pas spécifiques ; il ne vise pas un individu mais bien plutôt ce qu’il représente – sa couleur de peau, sa croyance affichée (vêtements juifs orthodoxes, kippa).
Notons également une prise de confiance, probablement renforcée par une volonté de pouvoir et de démonstration médiatique, peut-être renforcée par le rapprochement entre les deux premières exécutions ces dernières 48h :
- Jour 1 : 1 mort habillé en civil (homme lambda)
- Jour 5 : 3 cibles, 2 morts en habits militaires (symbolique de l’état ou de la force – choix peu anodin), témoins et “public” plus nombreux qu’au jour 1, cibles à potentiel plus médiatique
- Jour 5 à 8 : probabilité puis confirmation du lien entre les deux attaques évoquée par la presse
- Jour 9 : exécution de 4 personnes juives, dont 3 enfants, nombre de blessés inconnus, cibles hautement médiatiques, témoins et “public” très nombreux, heure d’affluence
A ce stade, plusieurs options : le criminel conscient de la chasse à l’homme qui se déroule peut jouer son tout pour le tout et vouloir finir sa course dans une apothéose d’apocalypse – en conséquence, attaquer à nouveau des cibles médiatiques (enfants, militaires, juifs ou musulmans, lieux symboliques – synagogue, mosquée, école, etc) et volontairement terminer sa cavalcade criminelle (suicide, exécution par les forces de l’ordre en tentant de résister ou reddition – très probablement dans ce dernier cas suivie d’un speech à teneur politico-culturelle sur sa mission d’épuration et sa haine d’une région ou d’un pays qui perdrait ses racines face à l’envahisseur judéo-musulmano-immigré et autres délires similaires). De telles dispositions sont à envisager dans les 72h à venir.
A l’inverse, il peut tenter de disparaître, satisfait par son acte criminel de la matinée, jouissant de la publicité dont il aura bénéficié, repu dans sa volonté de puissance jusqu’à une potentielle rechute. Dans ce cas-là, un passage de frontières est envisageable ou un envoi de message revendicateur assorti d’une déclaration semi-politique. Cela également est probable dans un délai de 72h.
Pourquoi 72h ? Parce qu’après les actes de ce matin, l’affolement journalistique et la réponse médiatique de la majorité des candidats aux élections, le Spree Killer est probablement en état de grâce et sait qu’il lui faut soit renforcer ce statut une dernière fois, soit au contraire s’en repaître dans le silence…
L’homme vit probablement seul, et le facteur déclencheur est à aller chercher du côté d’un rapport difficile avec ses proches ces derniers jours, peut-être un acte ressenti comme une agression avec un membre d’une communauté particulière ou, autre possibilité plus probable, à cause de l’échéance de plus en plus proche des élections présidentielles.
Affaire… à suivre.