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Attali : « On a soigneusement oublié d’écrire l’article qui permet de sortir de Maastricht »

Publié le 05 mars 2012 par Tuttouno


23 juin 2011 (Nouvelle Solidarité) – Malgré le sursaut de l’après guerre, l’Europe reste un continent dominé par l’oligarchie. Le 24 janvier dernier, l’ancien sherpa de François Mitterrand Jacques Attali, l’homme qui souhaite la disparition programmée de 30000 maires et autant de conseils municipaux, s’est exprimé sur la crise de l’euro lors de l’Université populaire participative (UPP) organisée par Ségolène Royal à Rueil-Malmaison.Ceux qui découvrent aujourd’hui avec horreur que l’UE est une vaste usine à gaz ont raison. Cependant, en écoutant Attali, ils découvriront que les défauts « congénitaux » de la zone euro et de la monnaie unique relèvent d’une stratégie délibérée de construction européenne menée à coups de manipulations, crises, faits accomplis, rapports de forces, viols de consciences et pressions.Attali ne s’en cache pas en admettant que toutes les crises européennes depuis trente ans, en cela diamétralement à l’opposé de l’esprit des pères fondateurs de l’Europe, furent consciemment programmées par des « experts » pour imposer, pas à pas et contre la volonté des peuples, un vaste Empire supranational.Là où le tragique et le ridicule se rencontrent, c’est quand Attali livre, devant les sympathisants socialistes de Ségolène Royal, cet aveu terrible, reconnaissant qu’en écrivant le Traité de Maastricht, les rédacteurs, dont lui-même faisait partie, se sont 
« bien engagés à faire en sorte que sortir ne soit pas possible. On a soigneusement oublié d’écrire l’article qui permet de sortir… »
La salle éclate alors de rire sans se rendre compte de la gravité du propos, et même applaudit vivement l’orateur, croyant qu’il s’agit d’une simple plaisanterie.  
« C’est peut-être pas très démocratique » , poursuit Attali à la douzième minute de son intervention, mais « c’était une grande garantie pour rendre les choses plus difficiles ; pour nous forcer d’avancer… ».
Maintenant que ce régime illégitime nous a conduits à la faillite, il est temps de rebondir à nouveau, en reprenant le combat inachevé des Carnot, des Grégoire et de tous les Français libres contre cette culture oligarchique qui veut que nous restions chacun dominés par nos angoisses et nos lubies plutôt que de s’élever à la dignité d’hommes.

J. Attali : intervention à l'Université Crise de... par segolene-royal
Extrait de l’intervention de Jacques Attali :
Qu’est-ce qu’il se passe en Europe aujourd’hui ? Et pourquoi sommes-nous aujourd’hui confrontés à cela [la crise] ? Nous sommes confrontés à une situation qui était parfaitement prévisible et qui était prévue depuis longtemps.
Pourquoi ? Prenez l’histoire de l’Europe. L’Europe s’est constituée en 1958 avec un marché commun. On a décidé de faire comme ça pour des tas de raisons, on avait essayé avant l’Europe de la défense, cela n’avait pas marché, on a fait le marché commun. Quand on a fait le marché commun, tous ceux qui ont fait le marché commun savaient parfaitement bien que cela ne marcherait pas si on n’allait pas plus loin. Si vous avez un marché commun mais que vous n’avez pas l’uniformisation des normes techniques, vous avez la possibilité de faire de la concurrence déloyale en fixant des normes différentes aux produits. Ce qui s’est passé d’ailleurs entre 1960 et 1980.
Et nous avons vécu une crise énorme compte tenu de ces normes techniques qui ont failli faire exploser l’Europe. Ségolène Royal et Jean-Louis Bianco [présents dans la salle] étaient comme moi au cœur de la machine de l’Etat quand cette crise a explosé fin 1983. Nous sommes allés à un sommet européen où il y avait quarante sujets sur la table, le sommet d’Athènes. C’était une crise peut-être plus grave que celle d’aujourd’hui. Six mois plus tard, les contentieux furent réglés, on a fait le marché unique, on a harmonisé les normes.
Mais on savait très bien à cette époque que le marché unique ne pouvait pas marcher si on n’allait pas plus loin, car s’il y avait un marché unique de libre circulation pour les marchandises et les capitaux, évidemment on pouvait être compétitif les uns par rapport aux autres par des dévaluations compétitives. Et on savait qu’on allait avoir des dévaluations et que même le système de stabilisation des monnaies à l’intérieur ne tiendrait pas et qu’il fallait aller vers la monnaie unique. Marché commun, marché unique, monnaie unique. On savait qu’il y aurait des crises. Et il y a eu des crises, celle de 1991 et de 1993. Exactement comme en 1983, crise. Et il y a eu, comme Jean-Louis Bianco l’a dit, un moment de vérité ; des hommes d’Etat se sont réunis, ils se sont dit ça passe, on fait la monnaie unique. Ça s’est passé lors d’un moment très particulier où il y avait aussi la chute du Mur [de Berlin], l’ouverture, on n’a pas pu faire plus. Nous savions très bien quand on a fait la monnaie unique, que cela ne marcherait pas, ça ne suffirait pas ; exactement comme dans les trois crises précédentes. Nous savions que cela ne marcherait pas.
Pourquoi ? Jamais dans l’histoire de l’humanité, on n’a eu une monnaie qui a existé sans un État. Ça n’existe pas une monnaie sans État. Prenez toute l’histoire du monde, une monnaie sans État, ça explose. Un État sans monnaie peut exister. Les Etats-Unis ont été créés vers 1780, ils ont eu une banque centrale en 1913 ! [La Réserve fédérale, une entité privée gérée par les banques privées. Attali ne dit rien ou ignore la création de la première banque nationale par Alexander Hamilton en 1791 et la deuxième banque nationale créée par Madison en 1816 - NDLR] Mais une banque centrale sans État, ça n’existe pas.
Pourquoi ? Parce que si vous avez une monnaie unique, vous avez des gens qui sont payés de la même façon pour des produits qui valent la même chose mais dans des lieux où la productivité et la compétitivité n’est pas la même. De deux choses l’une. Ou vous avez des compétitivités différentes, donc les gens se déplacent pour assurer l’égalité de compétitivité, donc vous avez une mobilité du travail – c’est ce qui s’est produit aux États-Unis —, c’est pour ça que les États-Unis ne pourront plus fonctionner très tôt. Ou si vous n’avez pas une mobilité très forte du travail, vous avez des processus de compensation de compétitivité de façon à les accompagner. Et ça, ça exige un budget fédéral. Ce que les États-Unis ont mis en place et que nous n’avons pas fait.
Donc, tout naturellement, évidemment, les différences de compétitivité allaient s’accompagner d’écarts intenables dans lesquels chacun allait tenter d’inventer des mécanismes plus ou moins tordus de fausses dévaluations pour faire tenir le système.
Quand la crise arrive en même temps, évidemment, elle cause des difficultés, elle les aggrave. Elle rend les choses plus difficiles. Et donc chacun s’est mis à inventer des mécanismes de dévaluations fictives ou virtuelles, ou factices ou hypocrites.
Les Allemands l’ont fait en changeant leur taux de TVA, qui est une façon de faire une dévaluation. D’autres l’ont fait en créant des transferts de revenus. On n’augmente plus les salaires mais on fait des plus-values immobilières. Donc cela a permis de baisser le prix des salaires, d’améliorer la compétitivité et en donnant de l’argent autrement, par la plus-value immobilière. C’est ce qu’ont fait les Espagnols. Ou alors on fait de la dette publique à l’infini, et on ne voit pas la différence. C’est ce qu’ont fait les Grecs. Chacun, à sa façon, s’est arrangé pour créer les conditions pour le rendre tolérable. Mais à un moment donné, cela ne marche plus. A un certain moment, l’heure de vérité elle est là. L’heure de vérité, c’est soit on casse, soit on va plus loin. On va vers une fédération budgétaire européenne forte. Maintenant nous avons ce choix devant nous. Il aura lieu dans un an, dans deux ans, dans six mois. On peut casser, le système peut casser.
Comme le disait Ségolène Royal tout à l’heure, s’il casse, est-ce que c’est mieux pour nous ? S’il casse, c’est un désastre. C’est un désastre pour chacun. D’abord tous ceux qui, comme moi, font partie des privilégiés qui ont pu tenir la plume pour écrire les premières versions du Traité de Maastricht, on s’est bien engagé à faire en sorte que sortir ne soit pas possible. On a soigneusement oublié d’écrire l’article qui permet de sortir (la salle éclate de rire, applaudissements…). Ce n’est pas très démocratique mais c’était une grande garantie pour rendre les choses plus difficiles, pour nous forcer d’avancer. Car si on sort, c’est impossible, mais enfin, si l’on veut, on peut ; (...) si on sort, celui qui sort va prendre (…) des coûts de 30 à 40%. Il va être chassé. Il ne pourra plus emprunter, il y aura un moratoire sur ses dettes, ses banques seront en faillite, il sera obligé de couper les dépenses budgétaires, c’est le chaos. Et ce sera pour chacun…Source:
Quand un rédacteur du traité de Maastricht reconnaît le caractère totalitaire des traités européens…

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