Mes lecteurs habituels ont plusieurs fois eu l’occasion de lire mes critiques sur la façon dont nos pays d’Afriques noire sont gérés. Je comprends donc bien qu’il y ait pour certains des raisons objectives valables de se soulever contre des régimes. J’ai moi-même soutenu par les écrits certains soulèvements, mais uniquement quand la situation était désespérée et qu’on avait en face des bourreaux (le cas libyen par exemple).
Mais la banalisation des coups d’Etat est hautement néfaste pour tous ces pays. Le Mali vient d’en subir la conséquence. Le Président ATT (AMADOU TOUMANI TOURE) n’était certes pas parfait, mais était tout de même unanimement reconnu pour sa sagesse et sa pondération. De plus, il est un des seuls à avoir quitté le pouvoir de façon pacifique pour revenir suite à des élections libres et transparentes. C’est suffisamment rare pour le signaler. Alors bien-sûr, il avait une certaine proximité avec son voisin KHADAFI qui peut troubler ; mais avec un tel voisin, c’était difficile de faire autrement. Et il n’a peut-être pas déployé suffisamment d’énergie pour défendre son pays contre les rebelles du Nord.
Aujourd’hui, la situation a totalement changé. Le coup de force des jeunes militaires à Bamako hier, alors que des élections devaient être organisées dans quelques semaines, est un coup dur pour l’image du pays. La junte avait peut-être des arguments pour démontrer que leur pays était mal géré, mais n’avait aucun droit légitime de suspendre de son propre chef toutes les institutions du pays.
Ce que mes frères africains ne saisissent pas, c’est que la vraie différence entre les pays en voie de développement qui ne progressent pas et les pays les émergents qui réussissent, c’est la stabilité des institutions. Elle seule permet d’implanter des mesures politiques dans le temps et elle seule rassure les investisseurs étrangers (grandes institutions ou simples privés). Sans elle, seuls les criminels et les vautours seront présents. Les premiers pour blanchir leur argent sale et/ou étendre leurs trafics ; les seconds pour dépouiller les pays de leurs matières premières ou de leurs terres avant de s’en aller, laissant derrière eux la désolation et la misère. Sans compter toutes les générations d’Africains qui n’auront connu que l’instabilité et l’insécurité dans leur propre pays.
Il n’est pas sain que dans quasi tous les pays africains, du jour au lendemain toutes les alliances, toutes les politiques du pays puissent changer. Un aggiornamento total qui peut changer toute la géopolitique de la région. Du jour au lendemain de pro-occidental, on devient pro-iranien ou pro-Venezuela ; du jour au lendemain, on rompt des contrats avec des sociétés anglo-saxonnes, etc. Et tous les Chefs d’Etat le savent bien. Par exemple lors du récent accident qui a fait des centaines de morts en République du Congo ; tant le pouvoir à Brazzaville que celui à quelques kilomètres à Kinshasa craignaient leur dernière heure arrivée !
Alors, bien-sûr, on imagine bien que certaines forces internationales sont derrière les uns et les autres pour financer les rebellions ou les soulèvements civils ou militaires ; mais au final, ce sont des Africains qui sont en premières lignes. Ce qui confirme ce que je pense depuis longtemps de mes compatriotes, les malheurs de l’Afrique viennent en très grande partie des Africains eux-mêmes !
L’évènement malien le démontre… jusqu’à ce que d’autres les renversent à leur tour ! Un cercle particulièrement vicieux dont on n’est pas près de sortir !