Magazine Journal intime

Comme si

Publié le 26 mars 2012 par Mirabelle

Mon amour,

Dimanche, dans la Manche, nous avons pendu la crémaillère de la jolie petite maison achetée récemment par ton grand-oncle et ta grand-tante. C'était ce que jappelerais une journée "famille Ricorée", avec les garçons qui jouent au football, les parties de pétanque, les femmes à se dorer la pilule sous les rayons, des bébés tout mignons, leurs bobs vissés sur le crâne, allongés sur des couvertures, sur l'herbe, au soleil, un chien minuscule qui court partout, confondu avec le cochonnet, et puis toi dans mon ventre, à gigoter comme une jolie diablesse. Ton père et moi avons fait comme si.  Comme si tout était parfait. Nous incarnions aux dires de certains, "le petit couple de rêve", arrivant main dans la main, "beau, qui a tout", moi habillée en été avec mon bidon bien en avant, ton père avec ses Ray Ban sur le nez, sa chemise très classe, séduisant à en tomber par terre. On m'a décrite comme "splendide", "rayonnante", "magnifique", ton arrière grand-mère s'est extasiée sur notre bonheur éclatant, nous nous sommes contentés de sourire.

Bien sûr, on m'a demandé de tes nouvelles. "Et la petite, ça va ?", "Elle se développe bien ?", "Elle gigote bien ?". Je me suis montrée très laconique, ne suis pas rentrée dans les détails, ai retenu une larme, une seule, pas plus, parce que j'ai appris tout l'art du masque, avec le temps. La tata, le tonton, le cousin, les cousines, ta grand-mère bien sûr, au bord de l'hystérie quand elle parle de toi (tu vas bien rire quand tu la verras, je te le promets...). Toute la tablée a tenté, au milieu des rires, de deviner ton prénom, jusqu'au moment où ton père, involontairement, a fini par le lâcher, la gaffe, et hilarité générale bien sûr. Un prénom adorable aux dires de tous, et je me suis sentie bêtement fière de toi, comme si tu étais déjà là, toute belle, à côté de nous dans ton cosy. Je n'ai rien dit à personne. J'ai fait comme si. Et au bout d'un moment, le mensonge, le paraître a pris le pas sur la réalité, comme si cette échographie n'existait pas, comme si ces deux dixièmes de millimètre avaient été effacés. Je me suis retrouvée tout simplement contente d'être là, sereine, heureuse de t'attendre, que nous soyons bientôt trois. C'était une belle journée.


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