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L'étrangère et les gars du coin

Publié le 28 mars 2012 par Lalla @laptitemarion

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Le soleil est flatteur, en cet après-midi marseillais.

Je rencontre le patron du restaurant, il a une barbe grise qui cache sa bouche et lui donne la forme d'un gros monsieur. Il a pour effigie la Cagole de Marseille sur la devanture de son baraquement. Il descend les marches, une moto passe, il n'y a pas de vent et les enfants courent dans les rues aux murs d'ocre de Méditerranée. J'arrive tout au bout et l'on regarde la Major, éclairée par les rougeurs de fin de journée, quelques personnes se promènent. Dans la petite rue à gauche, un groupe d'hommes se retournent à mon passage et suivent avec leur regard le rythme de mes pas. On arrive sur la petite place où un vieux monsieur avec une toque noire est assis sur le banc. Plus loin, un homme à demi assis sur son vélo, en train d'écouter sa voisine parler, me regarde avancer vers lui, son regard pénètre lui aussi les pensées qui dirigent mes pas. Que le regard est transcendant.

Il y a des gens beaux et souriants qui sont assis aux terrasses. Ils paraissent heureux, parce qu'ils sont là le temps d'un pastis. Si quelqu'un me tendra la main pour me demander qui je suis, il sera surpris que je lui réponde "centre-ville de Marseille", "Noailles", la petite brune est de Noailles. Il est agréable de ne pas être chez soi. Qu'il est agréable d'être étranger. Le voyage fait éprouver notre existence et abolit l'avant et l'après. Le voyage est perpétuelle nouveauté. Je subis le bonheur de ne pas être chez moi. Puisque je suis à jamais abonnée à la servitude de l'étrangeté, que mon expérience au Monde en recherche les bienfaits et les sensations les plus vivables. 

Il n'y a pas d'origine, il n'y a pas de source. Serais-je un jour une fille du coin ? Dira-t-on de moi un jour "elle est du coin" ? De quel coin puis-je être ? Peut-on choisir de quel coin l'on est ? Doit-on être de quelque coin que ce soit ? Doit-on nécessairement avoir un rapport affectif à l'espace pour "être" ? Peut-on "être" par le néant du voyage ? Peut-on avoir pour identité l'étrangeté ?

Marion Breteau


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