Les dés sont jetés : CBC/Radio-Canada doit se résigner à une coupure de 10 % des crédits que lui remet annuellement le gouvernement fédéral. C’est moins que ne le laissaient entendre les rumeurs qui couraient à Toronto il y a une quinzaine, mais un peu plus que ce que j’avais prévu, m’appuyant sur certaines déclarations récentes de l’honorable James Moore, ministre du Patrimoine canadien.
Ne crions pas au meurtre. Cette coupure de 115 millions $ est loin d’être dramatique, d’autant plus qu’elle s’exerce sur trois ans. Cette année, CBC/SRC verra ses crédits amputés de 27,8 millions $, puis de 69,6 millions $ l’an prochain et, finalement de 17,6 millions $ en 2015. Ce n’est pas rien, mais en regard des coupures qu’a dû faire et que doit continuer de faire la BBC, il n’y a pas de quoi déchirer sa chemise.
Malgré tout ce qu’on a dit – et on dit le pire –, depuis son élection en 2006, le gouvernement conservateur minoritaire n’a jamais coupé un sou dans les crédits accordés au diffuseur public. Il les a même très légèrement augmentés. Presque contre toute attente, le gouvernement conservateur a continué de verser au diffuseur public une somme annuelle spéciale de 60 millions $ destinée à la production d’émissions canadiennes originales. À compter de cette année, la somme sera incluse dans les crédits de CBC/SRC, qui n’aura plus à se casser la tête pour savoir s’il l’obtiendra ou pas.
Repenser la mission
Que peut signifier cette coupure de 115 millions $ sur une période de trois ans ? Il appartient évidemment à la direction de CBC/SRC d’en décider, mais elle aurait une belle occasion de repenser sa mission plutôt que de sabrer dans ses émissions. Elle aurait aussi intérêt à examiner de près comment la BBC réussit à se tirer d’affaire avec des coupes beaucoup plus draconiennes.
La solution la plus simple consiste à couper de 700 à 750 postes. En période d’austérité, par tradition, la CBC/SRC a toujours eu tendance à couper dans le « petit personnel » plutôt que réduire le nombre de ses cadres. Résultat : plus souvent qu’autrement, ce sont les programmes qui écopent, donc, en bout de ligne les auditeurs et les téléspectateurs.
Je ne me ferai pas d’amis en écrivant que couper un pareil nombre de postes sur une période de trois ans n’a rien d’héroïque et c’est tout à fait possible de le faire sans affecter les programmes. Plusieurs postes disparaîtront par simple attrition et un certain nombre de ceux-là sont inutiles ou redondants.
Qu’on porte attention aux génériques des émissions de radio ou de télé du diffuseur public et on constatera que les génériques comportent en général deux fois plus de noms que des émissions semblables produites par le privé. Il y a deux à trois fois plus de personnel de soutien pour une émission comme C’est bien meilleur le matin que pour sa concurrente du 98,5 FM. Pourtant, c’est Puisqu’il faut se lever de Paul Arcand qui a la faveur populaire. Malgré un déluge d’annonces commerciales, souvent bien agressantes.
Il y a trois fois plus de personnel de soutien pour les vice-présidents principaux des réseaux anglais et français que pour les grands patrons de CTV et TVA, qui gèrent pourtant des budgets plus
considérables.
Mes suggestions
Sans toucher une seule émission, le diffuseur public pourrait réaliser d’importantes économies en profitant de façon plus astucieuse des nouvelles technologies, en réduisant les frais de transport, en coupant les bonis de la haute direction et certains des avantages de retraite exceptionnels qu’elle s’accorde, en cessant de rivaliser avec les réseaux privés pour l’obtention de films et de séries étrangères ou pour l’acquisition des droits de sports professionnels, en combinant plus de services entre ses réseaux anglais et français, etc.Compte tenu de la qualité des émissions que produit le diffuseur public, il n’y aucune raison pour que des départements de vente plus efficaces n’augmentent pas les revenus publicitaires de 10 à 20 %. Juste à ce chapitre, on pourrait récolter entre 60 et 75 millions $ de plus. J’arrête ici, car il suffirait de mettre en œuvre juste une partie de ces mesures pour réaliser des coupures allant au-delà des 115 millions $ que le ministre des Finances vient d’imposer à notre diffuseur public. Téléfilm et l’ONF recevront aussi respectivement 10,6 millions $ et 6,7 millions $ de moins sur trois ans. Sans connaître aussi bien ces deux organismes, j’imagine qu’ils pourraient appliquer sensiblement les mêmes remèdes (devrais-je écrire la « même médecine » ?) que CBC/SRC. Notons que le Conseil des Arts du Canada, la Galerie nationale et les musées ne sont pas mis à contribution et recevront les subsides habituels.