Des étudiants en com m'ont posé des questions sur le storytelling, à vrai dire plutôt intéressantes, car différentes des questions posées habituellement. Merci à eux, pour ça. Â
Le storytelling existe depuis des lustres. Pourquoi ce soudain besoin de théoriser cette technique ? Cette technique répond-t-elle à une tendance sociologique ou sociétale ? Elle répond à un besoin de redécouvrir les bases qui sont les nôtres, après de nombreuses années au cours desquelles on a essayé de faire passer autre chose comme étant soi disant nos fondamentaux naturels. Je m'explique : "les histoires sont la monnaie d'échange des rapports humains (et l'ont toujours été)" (dixit Robert McKee). Or, pendant des années on a prétendu que la rationalité à tout crin était notre nature, écartant d'un revers de main nos bases narratives. La rationalité à tout crin a échoué : nous avons fait des présentations PowerPoint et des documents Word des supports improductifs, or ils constituent le fondement de notre communication. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un rééquilibrage : rationalité + émotion, ces deux éléments étant apportés par les histoires, le storytelling. Et ce sont ces deux éléments qui sont les clés de l'efficacité de la communication. Â
Le marketeur doit-il s’investir émotionnellement dans la construction d’un storytelling pour pouvoir être capable de déclencher des émotions chez le spectateur ? S'il n'y a pas d'authenticité, même dans la fiction, le storytelling ne marche pas. Â
Partant du postulat que le storytelling cherche à éveiller les émotions chez le narrataire afin qu’il se souvienne du produit, de la marque, de l’entreprise ou du personnage politique, que pensez-vous de toutes ces publicités qui épousent le même schéma de réalisation (parfum, automobiles…) ? N’y a-t-il pas une sorte d’uniformisation de cette technique ? Ce n'est pas le souvenir qui est recherché mais la construction d'une histoire commune, dans laquelle  c'est le narrataire qui est le patron. Cela réclame donc une certaine dose d'abandon de pouvoir de la part du narrateur. Je vois très peu d'entreprises et de marques réellement engagées dans ce genre de processus, forcément unique pour chaque marque, produit, mais aussi pour chaque membre de l'auditoire. Si vous avez un sentiment d'uniformisation, c'est parce que beaucoup d'entreprises ne vont au bout de la démarche d'un vrai storytelling : c'est l'uniformité dans l'inachèvement du storytelling. Avec, donc, forcément, des résultats qui ne sont pas à la hauteur de ce que l'on peut espérer d'un storytelling réel. Â
L’artificialisation du storytelling n’est-elle pas risquée ? Ne mènerait-elle pas vers une caricature ? Bien sûr que si. C'est pour cela que l'authenticité doit être une ligne directrice, je le répète y compris lorsqu'il s'agit de fiction. Â
Puisqu’on tente de déclencher une émotion chez le narrataire, peut-on considérer cela comme de la manipulation ? Expliquez à un narrataire ce que vous êtes en train de faire et pourquoi vous le faites et demandez-lui si cela change quelque chose dans sa perception de votre message. S'il répond non, ce n'est pas de la manipulation. La transparence est ainsi une autre clé du storytelling.
Ajouté après coup : Et puis au delà de cette considération, pourquoi l'émotion serait-elle moins noble que d'autres formes de comportements ? Â
Quel est votre avis sur le storytelling à la frontière de la publicité mensongère ? Où se situe la limite selon vous ? Le storytelling n'a rien à voir avec le mensonge. Il y avait déjà du mensonge dans la publicité avant que l'on y ait introduit le storytelling. Cet amalgame est un abus de langage : la langue française est trop pauvre -elle l'est même pour traduire de manière complète le mot storytelling. En anglais, le mot story correspond autant à une histoire qu'à un article de journal. L'émotion et le factuel sont étroitement imbriqués ; ceux qui nient cela sont juste ridicules.Â
Ajouté après coup : il y avait du mensonge dans la publicité avant le storytelling, il n'y en a pas plus (ni moins) avec le storytelling. Â
Enfin, quel est, selon vous, le meilleur exemple de storytelling que l’on a pu voir récemment en publicité ? Et le pire ? J'ai bien aimé : Tequila Academy. Et aussi : Secours catholique, c'est narratif sans en avoir l'air. Je n'ai pas aimé :
la web-série de Guerlain, qui aurait pu être narrative mais ne l'est pas.
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