Magazine Journal intime

Rameaux

Publié le 03 avril 2012 par Journalvernois

Souvent je dis que posséder, élever, des animaux demande une présence auprès d’eux et une attention permanentes. Avec eux il faut se dire que n’importe quel projet peut être contrarié, que le quotidien de l’éleveur peut être perturbé à tout moment, que des réjouissances peuvent être annulées. Ce qui nous est arrivé ce week-end des rameaux en est une preuve de plus.
Samedi soir nous étions invités à dîner chez nos voisins d’outre-manche (mon franco-anglais-morvandiau fait fureur, enfin, on se débrouille). J’avais donc pris mes dispositions pour me libérer assez tôt, mais vers 18 heures une vache présente les premiers symptômes du vêlage. C’est une grande vache de 10 ans,je pense qu’elle aura vite fait. J’annonce cela à mon épouse pour qu’elle prévienne les voisins que nous serons en retard, sans donner d’heure précise. Je la laisse faire seule ,sans la déranger, en exerçant juste une surveillance très discrète. Comme j’avais un peu prévu tout se passe vite et bien . Je n’interviens qu’une fois le veau sorti et ne perds pas une minute. Il faut dire que j’avais tout bien préparé pour le recevoir et l’ installer vers sa mère. A 20h 30 on peut prendre l’apéritif et se « mettre les pieds sous la table ». Mais je ne suis pas tranquille et juste avant le dessert je quitte mes hôtes pour jeter un coup d’oeil à mes 2 animaux. Tout va bien, je peux retourner. Soirée un peu gâchée.
Dimanche matin 7h 30. Lors du pansage habituel, par chance je me rends compte que dans le pré contigu aux bâtiments une vache et séparée de ses 3 congénères, seule au bord du ruisseau, debout,tête basse. Bien que je ne l’attende pas je comprends tout de suite qu’elle a du mettre-bas et qu’elle lèche le veau. Mais située où elle est je redoute le pire. En m’approchant je constate que c’est sa délivrance qu’elle mange; elle a donc vêlé, mais pas de trace du veau. Et pour cause! il est dans le lit du ruisseau,couché ou assis dans 30 à 40 cm d’eau glacée, mais vivant. J’ai du mal à le hisser sur la berge haute d’environ 1 m, et je le traîne sur l’herbe pour l’éloigner de l’eau. Sans perdre une minute je le ramène à l’écurie dans la remorque du quad. La vache me suit. Il est sûrement en hypothermie, immobile, sans réaction. On le frictionne avec de la paille. Chantal apporte le sèche-cheveux; l’air chaud le sèche et le réchauffe: très efficace. Une bouillotte, une vieille couverture en laine le tiennent au chaud. Pour terminer je l’installe dans l’entrée sur une bonne couche de paille et sous sa couverture le soleil matinal déjà chaud qui entre dans l’étable finit de le réchauffer. A 10 heures il est mieux, ses extrémités sont enfin chaudes, il redresse la tête. A midi, en le soutenant il va téter……un peu. Il est sauvé,je crois que j’ai eu beaucoup de chance.
Je nourris les vaches dont le repas est resté en plan, qui commencent à s’impatienter en le faisant savoir bruyamment. A peine ai-je fini que je remarque qu’une d’entre elles commence à piétiner et se « tortiller »: encore une naissance en vue. Cette fois je suis sûr que tout mon matin sera bien rempli. C’est à peine si je peux entendre le son des cloches de l’église d’Etang porté par un fort vent du nord. Le vent de la messe des rameaux nous est une fois de plus défavorable. Toutefois le vêlage se passe bien, à 11 heures c’est terminé.
Après-midi: je dois faire téter les 3 veaux derniers nés. Ils sont bien dégourdis mais ça prend du temps. Et là, c’est une chèvre qui s’y met. elle va avoir ses petits et va nous tenir à la ferme. On ne va pas l’abandonner. On ne sait jamais
Dimanche des rameaux bien occupé. En élevage, si on veut bien faire son boulot, avoir de la réussite, il faut toujours pouvoir répondre présent, les animaux passent avant tout. On n’a pas le droit à l’ « à peu près », on n’a pas le droit à l’erreur.

A bientôt


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