Après cette étrange rencontre devant une assiette de mezze vide (la madame elle m’a dit que la douleur augmenterait dans les heures suivant son intervention, et là j’ai vachement mal, vachement, ça doit être bon signe hein, dieu des sciences dentaires ?), nous déambulons un peu en ville, pour un léger shopping.
Saoulées par les essayages, dont nous ne sommes plus très fan depuis un petit temps (incroyable, moi qui savais passer tout mon samedi à shoppinger, de 9 à 18h avec une brève interruption à midi, actuellement, deux magasins et j’en ai déjà marre), nous repérons un banc tout beau, en bois tout neuf, sur l’espace de rencontre de la place de l’Ange. Un beau banc en bois tout neuf, au soleil.
Ni une ni deux, nous vlà installées sur ce banc, à profiter des rayons chaleureux, malgré le fond de l’air, qui est froid, laïla laïla. Bonheur.
En face de nous, un couple. Un jeune couple. Du moins d’après ce qu’ils laissent entrevoir. Jeans. Baskets. Birkenstock. Brrrr, Birkenstock, par ce temps frisquounet, oui, ça doit être des jeunes. Elle a ses jambes posées sur lui, à califourchon, à tchipette comme on dirait chez moi. Leurs mains se touchent. Leurs visages sont scotchés l’un à l’autre. Ils s’embrassent encore et encore. Les cheveux longs nous cachent une partie du spectacle, mais la passion est palpable dans l’air. Chaque parcelle d’oxygène qui les entoure rejette des atomes d’érotisme, qui volent jusqu’à nous.
Et nous matons.
En nous disant que nous n’agirions pas de la sorte, pas à ce point, pas en public. Eux oui, pas nous. Que nenni. Mais ça semble si bon…
Voyeuses. Mais choquées. Mais voyeuses tout de même.
Nous en sommes là de notre discussion et de notre observation quand un flash me traverse l’esprit. Les Vamps. C’est nous. Pas les vamps au sens premier du terme, of course, mais Les vamps, Lucienne et Gisèle. C’est nous. Totalement nous. Et c’est tout un art, d’être une vamp, croyez-moi, y’a la position du corps, un peu vouté, les mains jointes sur les genoux, le regard en biais, à la fois inquisiteur et rêveur, envieux et baveux. Un art, je vous dis.
Et le spectacle continue encore et encore, leurs visages ne peuvent toujours pas se détacher, ou alors un bref instant, l’espace d’un regard, pour se retrouver de plus belle. Leurs lèvres se touchent quasi en permanence, dans un ballet alternant les contacts légers et la fougue passionnée. Erotisme fou, je vous dis. Parfois, ils se murmurent un petit truc inaudible, puis s’embrassent encore et encore et encore et encore. Leurs corps semblent soudés dans une position où ils ne font qu’un, ou presque. S’ils pouvaient faire moins qu’un, ils aimeraient cela, bien sûr. Je ne parviens pas à ne pas les regarder, tellement c’est langoureux, tendre, beau et excitant à la fois. Et de nous dire que, d’un coup d’un seul, ça nous donne des envies folles, et que si un mec passait par là, quel qu’il soit, ben on se ruerait dessus pour échanger un baiser du même style, voire plus si affinités, rhaaaaaaaaaaaaaaaaaaa. Est-ce l’impact du soleil sur nos peaux, de la scène qui s’offre à nous, du printemps qui frappe à la porte, peu importe, c’est ainsi. Et nous les reluquons encore et encore, et ça me rappelle les paroles de cette chanson postée il y a peu sur mon profil, une de mes préférées du grand Jacques, Orly :
« Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu’eux deux
Et je les sais qui parlent
Il doit lui dire « Je t’aime! »
Elle doit lui dire « Je t’aime! »
Je crois qu’ils sont en train
De ne rien se promettre
Ces deux-là sont trop maigres
Pour être malhonnêtes »
Les Vamps sont donc au cinéma. Elles se repaissent du spectacle, puis décident de s’offrir une petite glace, afin que l’instant de bonheur soit totalement parfait. A deux boules. Orange sanguine et framboise pour l’une. Fraise et noix de coco pour l’autre. Deux boules sinon rien. Toujours deux boules. Jamais sans mes deux boules. Nous allons chercher nos glaces séparément, histoire de ne pas nous faire piquer nos places au premier rang.
Une fois nos boules à disposition et prêtes à être dégustées, le drame se joue. Le film est terminé. Envolés, les tourtereaux. Zont plié bagage et sont partis, main dans la main. M’étonnerait pas qu’ils aient filé à la recherche d’un hôtel, après ces préliminaires ensoleillés (j'avais un doute sur le genre de ce mot, mais une recherche sur google m'a juste emmenée sur des forums sexe parlant de préliminaires masculins ou féminins, toute façon y'a plus de doute c'est bien un préliminaire).
Reste un banc vide, du soleil, quatre boules de glace à engloutir, et deux Vamps mortes de rire, cherchant en vain à retrouver un peu d’érotisme dans cet air ambiant qui s’en est d’un coup totalement vidé. Comme un soufflé qui retombe. Ce carlin tout seul ? Pas érotique. Ce pigeon en quête de bouffe ? Pas érotique. Cet employé du Pizza hut affublé d’un tablier en plastique, fumant sa sèche ? Pas érotique. Ces jeunes collés à leur GSM ? Pas érotique. Cette femme qui trébuche sur l’espace rencontre, sans doute imaginé par quelqu’un qui n’a jamais marché en rue ? Pas érotique. Ce groupe qui abandonne une canette sur le banc, à vingt centimètres d’une poubelle (sacripants) pour ensuite la reprendre (gentils gamins) ? Pas érotique. Ces effluves de pizza Alscace ? Pas érotique. Et nous, mangeant nos duos de boules ? Pas érotique.
Pas érotique, non, mais tellement fun, somme toute. Et tellement propice à des réflexions de Vamps que nous nous en donnons à cœur joie. En veux-tu ? En voilà ! Vamps, voire même (plénoasme) remake du Muppet show et de ses deux petits vieux. Quel talent ! Et puis on chante aussi, du Mort Shuman. Sorrow. Un été de porcelaine. En se dandinant. Et d'imaginer d'autres Vamps, installées plus loin, nous observant, d'un regard en biais, à la fois inquisiteur et rêveur, envieux et baveux...
Voilà ce que j’appelle un moment parfait : gourmand, chaleureux, drôle, tendre et plein de sensualité dans l’air.