Déjeuner sur l'herbe de Manet
Pourquoi le Déjeuner sur l’herbe de Manet fit-il scandale ?
Si certains s’accordent à penser que Manet fait véritablement office de novateur en inversant l’ancien rapport sensation/perception en faveur de la sensation, pour d’autres il transgresse de nombreuses règles. Il devient peintre refusé par excellence. Dans l’ensemble, les critiques trouvent cette composition, qu’ils ne comprennent pas, choquante pour les bonnes moeurs. Les modèles plats et les fortes oppositions de zones claires et sombres, en particulier du noir, qu’il privilégie, choquent également la critique. Le peintre Cazin rapporte d’ailleurs, lors d’une exposition au Salon des refusés : « Manet, dans la plus reculée des salles, trouait le mur avec son Déjeuner sur l’herbe ».
Déjeuner sur l’herbe s’inscrit dans la tradition Des baigneuses qui vise à représenter le nu féminin dans un décor à l’air naturel. Or, ce tableau semble aller à l’encontre de cette tradition à plusieurs égards.
En effet, au 19e siècle, la femme était vue comme un objet de contemplation. La nudité féminine n’était pas choisie mais imposée. Cependant, la façon de Manet de traiter le sujet donne l’impression que la femme nue reprend possession d’elle-même, et qu’elle s’affirme comme telle. Aussi, elle semble être là parce qu’elle le veut bien et non pas parce qu’elle y est obligée.
Cette nouvelle façon de percevoir la réalité est une conséquence directe de la substitution des fondus des maîtres anciens par l’utilisation de contrastes beaucoup plus marqués (le foncé des habits et la pâleur de la peau nue/les zones éclairées et non éclairées). Aussi, cet effet de contraste entre les personnages fragmente la scène et lui enlève, de ce fait, toute signification anecdotique. Les personnages sont donc vus de façon isolée, sans aucun lien les uns avec les autres. La réalité de l’événement devient donc contestable.
Classé dans:Art sous toutes ses formes Tagged: Déjeuner sur l'herbe, Manet