Votez pour moi au Festival de Romans
Sortant du bureau de son supérieur hiérarchique où elle venait de se prendre un savon pour « avoir introduit un animal dangereux au sein de la rédaction », Anaïs tentait tant bien que mal de faire le point dans sa petite tête encombrée d’idées contradictoires depuis quelques jours. Donc, pour résumer : primo, elle peut être la victime de n’importe quel commentaire posté sur son blog, deusio, un pirate doué est capable de rendre réel n’importe quel élément de celui-ci mais, tertio, et cela serait plutôt une bonne nouvelle, elle peut couper court à tout cela… en coupant le courant justement. Enfin, une bonne nouvelle, c’est vite dit, car comment voulez vous tenir à jour un blog sans allumer l’interrupteur. Elle en était là de ses tergiversations qu’elle vit son malheureux collègue de bureau venir à sa rencontre, le nez proprement empaqueté et l’œil un rien mauvais à son égard.
- Heu, … ça va ? ne trouva-t-elle rien d’autre à dire.
- On peut dire cela, rétorqua-t-il sur une ton lourd de reproches.
- Je peux faire quelque chose pour toi ?
- A part rester le plus loin possible de moi, je ne vois pas.
Ambiance. Ambiance…
C’est alors qu’Anaïs eut un idée.
- Pourquoi ne rentrerais-tu pas chez toi ?
- Parce que j’ai un article à terminer par exemple.
- Et si je le terminais moi ?!
L’œil se radoucit un peu.
- Tu ferais ça ?
- C’est le moins que je puisse faire après tout ça.
Pour le coup, le gars était aux anges. En moins de deux, son manteau était sur son dos et Anaïs devant l’écran du bonhomme qui s’était esquivé plus vite qu’une vague sur la plage par marée d’équinoxe. Elle allait pouvoir vérifier une idée qui lui trottait dans la tête depuis tout à l’heure.
Après avoir regardé si personne ne s’intéressait à ce quelle faisait, Anaïs tapa l’adresse de son blog. Sa petite frimousse à lunettes caricaturée apparue dans le bandeau rose fuchsia, non loin de ce fichu rat d’ailleurs. Elle alla visualiser les derniers commentaires. Rien de bien alarmant dans l’immédiat. Elle allait refermer la page quand un dernier commentaire attira son attention.
« Anaïs est une grosse truie. »
Un imperceptible frisson venait de parcourir le dos de notre internaute. Elle attendit, comme tétanisée, mais rien ne se produisit. C’est donc bien ce qu’elle pensait. Le phénomène ne se réaliserait que lorsqu’elle ouvrirait sa session pour aller y écrire un nouveau post. Ce malade allait arriver à ce qu’il voulait, lui clore virtuellement la bouche. Au bout d’un moment une idée surgit. Tellement simple, qu’elle lui sembla irréaliste. Elle se mit alors à tourner et retourner la question en tous sens, pesant le pour et le contre. Evaluant tous les risques. Puis elle se décida. Tapa quelque chose à l’écran, envoya le commentaire, puis referma la session. Elle se dirigea alors vers son propre ordinateur et l’alluma. La machine se mit à ronronner comme un chat, comme un être vivant et un peu menaçant. La page de skynet lui apparut. Elle hésita. Un moment. Qui lui parut une éternité… La page lui permettant d’écrire un article s’afficha. C’est alors qu’un bruit tonitruant se fit dans son dos. La porte du bureau de son supérieur hiérarchique venait littéralement d’exploser sur le passage d’un énorme goret qui déboulait à présent à travers la rédaction en poussant d’ignobles grognements terrifiés.
Sur l’écran l’on pouvait lire le commentaire qu’Anaïs avait laissé à l’aide de l’ordinateur de son collègue sur le ton qui lui était finalement assez familier :
« C’est celui qui le dit, qui l’est ! ».
FIN
Le site de Dominique