Je dois vous faire un aveu. A quelques jours du premier tour de la présidentielle, je me questionne toujours pour savoir quel bulletin je vais glisser dans l’enveloppe. N’ayez pas peur, je n’ai pas viré ma cuti, je n’ai aucunement changé de bord. Mon cœur reste bien ancré parmi ceux qui placent les valeurs humanistes avant toute autre chose. La problématique repose essentiellement sur deux points : qui propose un vrai programme d’équité, donc de partage des richesses, qui peut battre l’usurpateur actuel qui nous sert de président ?
Je vais peut-être surprendre, mais j’aime bien Eva Joly. C’est mon premier choix, celui du cœur. Elle représente la synthèse de ce que devrait être un personnage politique : un citoyen issu de la société civile, non un professionnel issu du sérail, rompu à la rhétorique propre à ce monde particulier. Ses adversaires ont vite compris le danger du «parler simple», et en ont rapidement fait un handicap. Et pourtant, ce monde là, elle le connaît pour l’avoir côtoyé de très près, dans les palais de justice. Plus que tout autre, elle a mis au jour tous les liens pourris entre le pouvoir et l’économie, elle en a distingué toutes les turpitudes les plus ignobles. C’est aussi comme simple citoyen qu’elle perçoit quotidiennement les attaques contre l’environnement, les mensonges et les arrangements des pollueurs à des fins très très particulières. Comme elle a raison : on ne peut continuer ainsi à négliger aussi aveuglement notre environnement, en laissant les bétonneurs, les semenceurs, les atomistes et autres apprenti-sorciers jouer à quitte-ou-double avec la planète à chaque prétendue avancée technologie. Surtout au vu du résultat : de plus en plus de gadgets, de besoins inutiles, de consommation effrénée, mais aussi de plus en plus de misère, d’isolement, et de dérèglements climatiques, de catastrophes soi-disant «naturelles»… On ne peut plus se passer de l’écologie : elle devrait trouver une place centrale dans toute décision politique.
Mais il y a aussi la raison, celle induite par le besoin de changement, aussi par la nécessité de bouter l’actuel locataire de l’Elysée hors des lieux. François Hollande est le seul en capacité de le faire. L’homme a travaillé sa posture depuis bien longtemps et peaufiné une image et un programme à la hauteur de son ambition. C’est là que réside le problème principal : Hollande est un homme de parti, de système, qui ne s’est jamais frotté par sa naissance à ce qu’est la vraie vie, comme acheter le pain, prendre le métro, trouver ou garder un emploi. Un quotidien banal, une réalité devenue pesante sous l’effet de la crise pour l’immense majorité. Son programme est certes différent de celui de la droite au pouvoir depuis 10 ans, mais il reste très loin des aspirations d’équité et de justice sociale que réclame le pays, parce qu’il accompagne le système, il ne s’y oppose pas.
Ansi, c’est un peu naturellement que j’ai été amené à m’intéresser à Jean-Luc Mélenchon. Ayant voté à la primaire PS pour Arnaud Montebourg, le cheminement n’est pas illogique. Mélenchon est un tribun émérite, et son discours, dans le contexte actuel, porte : comment de simples gens, n’ayant pas le droit ni la possibilité de dépenser plus de ce qu’ils ont, peuvent-ils, comme on nous le rabâche, être la cause de la crise ? Pourquoi doivent-ils alors régler la note de jeu de la caste des banquiers et autres profiteurs d’un capitalisme cupide et inhumain ? Pourquoi les fruits du travail échappent autant à ceux qui donnent leur bras pour produire, et pourquoi tant en sont privés ? Ces questions ont toutes des réponses, simplement évidentes et de bon sens. Mais le programme de François Hollande n’y répond pas, ou trop partiellement. Le changement, c’est maintenant. Il ne doit pas se mesurer uniquement à la marge, ni se résumer à un simple remplacement de tête.
Cette vague incertitude a d’autres origines. Elle résulte aussi de la position inflexible du candidat du PS, refusant tout compromis sur les questions écologiques, rejetant toute dérive «gauchière» de certaines propositions du Front de Gauche. Cette manière de faire n’est pas très rassembleuse.
Elle résulte surtout de la quasi assurance de voir Toto 1er battu largement au second tour. Le spectre d’avril 2002 étant désormais totalement effacé, le duel final opposera les deux gros, ce qui pourrait laisser un peu de marge dans l’attitude à adopter au premier tour. Mais la raison m’invite de nouveau à reconsidérer mon attitude puisque je souhaite plus que tout que Toto 1er soit battu dès le premier tour. J’y tiens absolument afin que le margoulin ne puisse se vanter d’avoir ainsi obtenu un quitus pour son action à la tête du pays. Vraiment sans aucun complexe.
Il me reste 11 jours pour peser tous les tenants et aboutissants…