« La route [...]
contient des adieux qui, multiples,
se réfractent dans le rétroviseur.
Parfois elle revient, la route,
apportant avec elle
paysage âge trace. »
Ph., G.AdC
SUR
La carretera sueña que lleva al mar
mientras asciende al volcán
o cruza el gran pantano.
La carretera de orilla oceánica
recuerda la nieve y la ceguera,
el secreto de la laguna,
la palabrería de la selva.
La memoria de la carretera es nómada:
transitan los recuerdos en cualquier sentido del tiempo,
llevan más acá, más allá.
La carretera recoge aromas idos,
deja enseres olvidados junto a miradas rotas,
contiene adioses que múltiples
se refractan en el retrovisor.
Retorna en ocasiones la carretera
trayendo consigo
paisaje edad huella.
Angye Gaona, Nacimiento volatil, Editorial Rizoma, Mexico, 2009. Ilustraciones de Natalia Rendón.
SUD
La route rêve qu’elle mène à la mer
alors qu’elle gravit le volcan
ou traverse le grand marais.
La route au bord de l’océan
se souvient de la neige et de l’aveuglement,
du secret de la lagune
du babil de la jungle.
La mémoire de la route est nomade :
les souvenirs traversent le temps dans tous les sens,
mènent par ci, par là.
La route cueille des parfums évanouis,
laisse des hardes oubliées et des regards brisés,
elle contient des adieux qui, multiples,
se réfractent dans le rétroviseur.
Parfois elle revient, la route,
apportant avec elle
paysage âge trace.
Angye Gaona, Naissance volatile, in Cahier spécial Angye Gaona*, La Voix des Autres, n° 5, mars 2012, page 34. Traduction de Pedro Vianna.
* « Le Cahier central [de la revue La Voix des Autres] est consacré et dédié à la poète Angye Gaona qui, après avoir été emprisonnée quatre mois en 2011, se trouve en ce moment en liberté conditionnelle. Elle attend d’être jugée dans un contexte très particulier qui est celui d’un pays, la Colombie, où toute opposition des citoyens fait d’eux des terroristes ou des criminels en puissance. Des populations (indigènes, le plus souvent) ont été déplacées, des gens disparaissent, des escadrons de paramilitaires et fascistes terrorisent le peuple avec la bénédiction du gouvernement et la complicité de l’administration US qui les soutient et juge cette situation tout à fait soutenable selon les critères sécuritaires de la démocratie yankee. Angye est devenue malgré elle un symbole vivant parce qu’elle refuse de fermer les yeux sur les atrocités qui l’entourent. Elle aurait pu rester tranquille, publier ses poèmes et répondre à des invitations prestigieuses. Sa voix admirable de poète consciente est non seulement devenue celle d’un peuple mais celle de toutes les femmes et les hommes qui ont à subir une répression sans autre raison que de maintenir des croquemitaines affairistes au pouvoir […]. »
André Chenet, extrait de l’éditorial « Dans les maquis de la poésie », à Angye Gaona, La Voix des Autres, id. supra.
ANGYE GAONA
Source
Angye Gaona (née à Bucaramanga, Colombie, le 21 mai 1980), poète colombienne, membre de Prométhée et de l’équipe organisatrice du Festival International de Poésie de Medellín pendant cinq ans. Elle a créé en 2001 le premier Salon international de la poésie expérimentale. Elle est également sculpteur. Elle a produit de nombreuses émissions culturelles à la radio. Elle exerce des activités visant à promouvoir la poésie dans sa ville natale. Ses poèmes ont été publiés dans diverses anthologies et revues (imprimées ou électroniques) en Colombie et dans de nombreux pays. Plus récemment, un choix de ses écrits a été inclus dans une anthologie de nouvelles voix de la poésie colombienne publiée par l’Université de Monterrey (Mexique).
En 2009, elle publie son premier livre, Naissance volatile (illustrations de Natalia Rendón), et participe à la Rencontre internationale du surréalisme Le Seuil secret (Santiago, Chili), la plus grande exposition jamais organisée du mouvement surréaliste en Amérique latine.
En 2010, elle réalise le poème expérimental Les Fils du vent (disponible sur le site wix.com). Son travail a été partiellement traduit en français, catalan, portugais et anglais. En 2011, elle a remporté le Prix du Salon métropolitain des arts avec une performance intitulée Regarde. En 2012, elle devrait participer à l’Exposition internationale « Surréalisme 2012 » (Pennsylvanie, États-Unis), si elle n’est pas incarcérée d’ici là.
■ Voir aussi ▼
→ (sur arte poetica) plusieurs poèmes d’Angye Gaona
→ le blog Angye Gaona ou la liberté à tire-d’ailes
→ le blog Danger Poésie d’André Chenet
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