Brève histoire du douzième arrondissement de Paris

Publié le 15 avril 2012 par Alon210 @alexanderc

Pour avoir la chance d’habiter dans le douzième arrondissement de la capitale, au demeurant le plus vert de Paris, en voici une brève histoire :

Situé à l’est parisien, sur la rive droite de la Seine, le douzième est le seul arrondissement à avoir une histoire antédiluvienne : à l’occasion de la construction du « Bercy village » à l’emplacement des anciens entrepôts de vin, et d’un complexe cinématographique, des fouilles dans le quartier de Bercy ont permis la découverte des vestiges d’un village daté du cinquième millénaire avant notre ère, et établi sur la rive gauche de l’ancien bras de la Seine. Les archéologues ont mis à jour un matériel exceptionnel : pirogues de bois, poteries, arcs et flèches, outils en os et en pierre. Une rue a ainsi été nommée « rue des Pirogues-de-Bercy » pour rappeler l’existence de ce village paléolithique.

http://www.ina.fr/video/embed/PAC9201050988/1041299/8cfcc84080bcb9252007bdbaa4423932/512/384/0

Pour autant, Lutèce s’étant construite autour de l’Île de la Cité, l’antiquité du douzième arrondissement est quasiment vide… Un saut en avant de près de cinq millénaires s’impose !
Direction 629 où le roi Dagobert fait construire son château en plein hameau de Reuilly. On trouve rue de Reuilly une plaque historique, car le château servit de demeure aux rois mérovingiens, dont Clovis. En 1992, le quartier est réhabilité avec l’aménagement du jardin de Reuilly, pivot de la promenade plantée partant de la porte de Montempoivre et se terminant à la Bastille, en cheminant par le Viaduc des Arts au dessus du douzième arrondissement.

La passerelle BZ/12, aux haubans ostensibles, surplombe le jardin de Reuilly et fait partie intégrante de la Promenade Plantée, à la jonction entre ses deux tronçons.

Le viaduc des Arts, ainsi nommé car il abrite cinquante commerces d’art sous ses voûtes, était jadis la voie ferroviaire de la ligne de la Bastille, désaffectée en 1969 suite à la mise en service du RER A. Il s’inscrit dans la continuité de la passerelle BZ/12.

Viaduc des Arts, avenue Daumesnil

Non sans rappeler la colonne de la Bastille ou la colonne Vendôme, le douzième arbore aussi deux somptueuses colonnes, s’inscrivant dans l’architecture grandiose de la période néoclassique, et classées au patrimoine historique français. Témoin d’une architecture fastueuse que la ville essaye de remettre au goût du jour en rénovant l’ouvrage et en les insérant au mieux possible dans le paysage, les colonnes du Trône sont assurément le symbole, non pas d’un rempart face à l’extérieur, comme ce fut le cas historiquement, mais de l’ouverture de Paris vers sa banlieue.

Les Colonnes du Trône, place de la Nation, sont à la limite est du douzième. Construites en 1787 par l'architecte Ledoux, et surmontées de statues en 1845, elles marquaient autrefois la porte de Paris ("barrière du Trône", barrière d'octroi de l'enceinte des Fermiers Généraux).

Les colonnes du Trône séparent toujours paris de Vincennes, à ceci près que le douzième a grignoté sur la “zone” (la banlieue, d’où vient l’expression “c’est [la] zone” !) Paris se prolonge ainsi d’environ un kilomètre, le long du cours de Vincennes.

Cours de Vincennes et la station de métro Porte de Vincennes dans les années 1930. A droite, on le lycée Hélène Boucher en construction.

Administrativement, le douzième arrondissement fut créé en 1860, suite à la loi de 1859 donnant lieu à un nouveau découpage de Paris en 20 arrondissements et à l’extension de la ville par annexion des communes voisines, par regroupement :
- d’une partie des anciens arrondissements de Paris.
- de la totalité des anciennes communes de Bercy, de Reuilly et du faubourg Saint-Antoine.
- d’une partie de la commune de Saint-Mandé, les quartiers actuels du Bel-Air et de Picpus.

Le Bois de Vincennes, qui borde le douzième arrondissement et en fait la réputation, est concédé en propriété à la ville de Paris par Napoléon III en 1860, mais n’est officiellement rattaché à l’arrondissement que par le décret du 18 avril 1929. Il est à noter qu’historiquement, le quartier de la gare de Lyon a été le premier lieu de l’émigration chinoise du début du xxème siècle comme le rappelle une plaque apposée entre la gare de Lyon et l’avenue Daumesnil :
« De 1916 à 1918, cent quarante mille travailleurs chinois participèrent en France à l’effort de guerre des alliés et perdirent plusieurs milliers des leurs. Au lendemain de la victoire, 3 000 d’entre eux s’installèrent définitivement dans ce pays et créèrent autour de la gare de Lyon à Paris la première communauté chinoise. Novembre 1988 »

Quant à la fontaine de la place Félix Éboué, bâtie à l’emplacement de l’ancien mur des Fermiers Généraux, elle fut conçue par l’architecte Gabriel Davioud, représentant de l’éclectisme architectural en vogue sous Napoléon III, bien qu’à l’origine elle se situât place du Château d’eau (actuelle place de la République). Les lions, eux, sont l’oeuvre du sculpteur Jacquemart, lequel a également produit les lions en bronze du Jardin des Plantes et le sphinx de la fontaine de la Victoire (place du Châtelet).

Fontaine, place Félix Eboué

Cette fontaine a ceci de particulier qu’elle constitue la première photographie de Paris… en 1842 ! Ci-dessous, le daguerréotype de la fontaine gelée, cet hiver 1842 :

Toute première photographie de Paris, en 1842, selon la technique photographique du daguerréotype, mis au point par Louis Daguerre cinq ans auparavant.

On doit également à Gabriel Davioud la rotonde romantique du lac Daumesnil (dont une variante, le temple de la Sibylle, qu’il a également créé, se trouve aux parc des Buttes-Chaumont dans le dix-neuvième arrondissement).

Rotonde à la pointe sud-est de l'île de Reuilly, sur lac (artificiel) Daumesnil.

Enfin, le douzième est riche en patrimoine avec le palais de la Porte Dorée (reconverti en aquarium tropical), lequel fut construit à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1931.

A l'origine, le Palais de la Porte Dorée était un musée des arts coloniaux. Un "s" manquant à "colonie", nul ne sait pourquoi...

Juste en contrebas, la porte dorée marque la limite avec Saint-Mandé (94) :

La statue de la Porte Dorée représente la guerrière Athéna avec une lance. Sculptée par Léon-Ernest Drivier, elle domine un bassin à plusieurs niveaux et in cernait à l'origine "La France apportant la paix et la prospérité aux colonies".

Aujourd’hui le douzième se compose de quatre quartiers : Bel-Air, Picpus, Bercy et les Quinze-Vingts, proche de la Bastille. D’ailleurs, Bel-Air, à deux pas de Beverly Hills est également le quartier le plus chic de Los Angeles ! Les Américains ont toujours aimé s’inspirer de la France : les Etats-Unis comptent de nombreuses Paris, une Montpellier, la Nouvelle-Orléans, et si les métropoles outre-atlantique n’ont pas une grande soeur française, beaucoup sonnent français, comme Bâton-Rouge, capitale de la Louisiane. Louisiane qui appartint à la France jusqu’au dix-huitième siècle, et ce sous le nom séditieux de Nouvelle-France. Les Américains résument cela dans un proverbe : “Heureux comme Dieu en France”. Et s’il fallait être heureux comme Dieu à Paris, loin du tumultueux centre historique prisé par les touristes, le douzième s’impose comme l’arrondissement le plus boisé de la capitale, avant le seizième et son bois de Boulogne. Réunissant écrins de verdure à profusion et un patrimoine architectural tout-à-fait consistant, sans pour autant se démarquer de l’atmosphère parisienne dynamisante, le douzième a les atouts pour entrer en lice au classement des arrondissements les plus agréables – donc les plus attractifs pour acheter. En termes de prix, on comprendra qu’il n’est pas plus abordable que les autres, mais à la différence du cinquième ou du quatorzième assiégés par les voitures, il fait bon vivre en bordure du bois de Vincennes, sans doute comme nulle part ailleurs dans la capitale.

L’avenir du douzième ?

La municipalité envisage de transformer le lac Daumesnil en espace de baignade, et de prolonger la promenade plantée jusqu’à Vincennes, et pourquoi pas à travers tout Paris, créant ainsi une sorte de canopée urbaine qui déjà n’a d’égale nulle part ailleurs. Si ce n’est la High-Line Park inaugurée récemment à New-York et inspirée de l’urbanisme à la française.