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Actualité de Jean-Jacques Rousseau

Publié le 20 février 2012 par Voilacestdit


2012 est l'année du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau [28 juin 1712]. Sa pensée politique a aujourd'hui encore une indéniable résonance - après avoir marqué de son empreinte le siècle des Lumières, la Révolution française et les deux siècles qui suivirent. Rousseau, pourtant, on l'oublie un peu, n'a pas été de tout temps le "penseur" que nous connaissons. Sa vocation littéraire a été assez tardive - vers ses quarante ans. Jusque là, il était musicien de profession. Un jour d'octobre 1749, alors qu'il s'apprêtait à rendre visite à Diderot incarcéré au Donjon de Vincennes, Rousseau eut en chemin une sorte d'illumination, comme il le raconte à Mgr de Beaumont :
"J'étais né avec quelque talent, cependant j'ai passé ma jeunesse dans une heureuse obscurité, dont je ne cherchais point à sortir [...]. J'approchais de ma quarantième année, et j'avais, au lieu d'une fortune que j'avais toujours méprisée, et d'un nom qu'on m'a fait payer si cher, le repos et des amis, les deux seuls biens dont mon coeur soit avide. Une misérable question d'Académie m'agitant l'esprit malgré moi me jeta dans un métier pour lequel je n'étais point fait ; un succès inattendu m'y montra des attraits qui me séduisirent. Des foules d'adversaires m'attaquèrent sans m'entendre, avec une étourderie qui me donna de l'humeur, et avec un orgueil qui m'en inspira peut-être. Je me défendis, et de dispute en dispute je me sentis engagé dans la carrière, presque sans y avoir pensé. Je me trouvais devenu, pour ainsi dire, auteur à l'âge où l'on cesse de l'être, et homme de lettres par mon mépris même pour cet état. Dès-là je fus dans le public quelque chose : mais aussi le repos et les amis disparurent. Quels maux ne souffris-je point ?"
Tout Rousseau est dans ce récit : sa sincérité, sa sensibilité, sa souffrance - et le fait générateur de sa vocation de philosophe, cette "misérable question d'Académie" : de quoi s'agit-il ? Lisant Le Mercure de France sur la route de Vincennes, Rousseau trouve dans les colonnes du journal la question proposée par l'académie de Dijon pour le prix de l'année suivante : Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs ?
C'est comme un coup de foudre, un trop-plein de pensées qui l'assaillent ! "À l'instant de cette lecture, dit-il dans ses Confessions, je vis un autre univers et je devins un autre homme". En plein siècle des Lumières, Rousseau va élever une véhémente protestation contre le progrès des sciences, stigmatiser l'accumulation des richesses, appeler  à réformer cette société injuste et oppressive, remettre l'homme au coeur de notre conception du monde.
De cette protestation naîtra la philosophie de Rousseau, son système, comme il l'appelle, pour tenter de comprendre les causes de la dénaturation de l'homme et proposer les voies pour y remédier.
Pierre angulaire de sa philosophie, l'opposition entre l'état de nature et l'état civil [état de société] n'est pas toujours bien comprise. Rousseau n'est pas le nostalgique d'un état de nature paradisiaque  irrémédiablement perdu - qu'on se représente souvent. Il est très clair là-dessus dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Dès le début de la première partie, il dit bien que pour décrire l'état de nature il ne s'appuiera pas sur des données scientifiques, trop imparfaites de son temps : "L'Anatomie comparée a fait encore trop peu de progrès, les observations des Naturalistes sont encore trop incertaines, pour qu'on puisse établir sur de pareils fondements la base d'un raisonnement solide". Rousseau argumente autrement : il pose l'état de nature comme une hypothèse de départ théorique. Ce qui lui importe, c'est "en découvrant et suivant les routes oubliées et perdues qui de l'état Naturel ont dû mener l'homme à l'état Civil" de comprendre comment, par quels enchaînements, partant de cet état de nature dont il fait une description théorique, l'homme civil est devenu ce qu'il est.    
Je prends un exemple, celui de l'incipit, bien connu, de la seconde partie du Discours : "Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire, ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile". Voilà la première rupture que repère Rousseau. La société est fondée sur un acte de force, qui est lourd d'autres violences : l'appropriation de la terre. En partageant l'humanité entre ceux qui se sont approprié la terre et ses ressources, et ceux qui restent, les "surnuméraires" comme les appelle Rousseau, "devenus pauvres sans avoir rien perdu", la société porte en elle l'inégalité et les violences qu'elle engendre.

L'acte d'appropriation est un acte de force. Ce sera ensuite une "nécessité", analyse Rousseau, pour le faire perdurer, de donner à ce coup de force la force du droit. D'où les institutions et les Lois... "Telle fut, ou dut être, l'origine de la Société et des Lois, qui donnèrent de nouvelles entraves au faible et de nouvelles forces au riche"...

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