D'une main, il reçoit une gifle, de l'autre, de l'argent. Encore sur le
coup du rejet de son projet d'agrandissement, le Musée d'art
contemporain de Montréal (MACM) dévoilait hier sa nouvelle exposition
permanente, La question de l'abstraction. Un projet de longue haleine,
en place pour quatre ans, et pour lequel le ministère de la Culture, des
Communications et de la Condition féminine a consenti une subvention de
500 000 $. En janvier, comme seule réponse aux plans d'expansion du
musée d'État, le même bureau de la ministre Christine St-Pierre lui
avait ordonné de «refaire ses devoirs».
Montée à partir de la collection du MACM, La question de
l'abstraction réunit plus de 100 oeuvres, signées d'une soixantaine
d'artistes. Elle vise à revoir l'histoire de l'art non figuratif, dans
sa perspective québécoise. Pas une mince affaire, tellement les voix
divergent.
Les automatistes y figurent en bonne place, à commencer par ses deux
chefs de file, Paul-Émile Borduas et Jean-Paul Riopelle. Les
plasticiens, tant ceux du premier que du second groupe (Jauran et
consorts, puis Molinari, Tousignant, parmi d'autres), ne sont pas en
reste. La suite de ce parcours historique rendra compte de différentes
variantes entre ces pôles, l'une gestuelle, l'autre géométrique.
Embrassant 72 ans de création (1939-2011), La question de l'abstraction
présente surtout de la peinture, un peu de sculpture et de rares
fragments d'autres disciplines. Les Yves Gaucher et Charles Gagnon déjà
historiques côtoient les Stéphane La Rue et Francine Savard encore
actifs.
Une seconde exposition, Autour de l'abstraction, complète le survol
historique. Plus petite, celle-ci sera renouvelée à l'occasion. Parmi
les huit premiers artistes choisis, soulignons le Britannique Anish
Kapoor et le Brésilien Vik Muniz.
L'évolution de la pensée esthétique
Pour Josée Bélisle, la conservatrice de la collection du MACM qui agit
ici comme commissaire, cette «vaste exploration de l'expérience de la
forme et de la couleur» permettra de mieux comprendre l'importance de
l'abstraction dans l'évolution de la pensée esthétique au Québec et au
Canada.
Paulette Gagnon, directrice du musée, qualifie les pièces exposées comme
«des oeuvres marquantes [du MACM], un patrimoine d'une valeur
inestimable». Aussi, elle n'a pas manqué de souligner combien l'espace
est bien petit pour montrer toute l'étendue et la richesse de la
collection. «C'est pour des raisons comme celle-ci que l'on doit
s'agrandir. Josée [Bélisle] me disait qu'elle aurait pu monter deux ou
trois expos sur le sujet. Le projet d'agrandissement, nous y croyons
toujours.»
La ministre St-Pierre brillait par son absence lors de la conférence de
presse. Elle disait néanmoins, par voie de communiqué, «se réjouir» de
cette expo. «Il est important que [les musées] puissent offrir une
programmation riche et variée qui attire diverses clientèles»,
souligne-t-elle.
En 2013, La question de l'abstraction sera soutenue par un microsite
Internet, ainsi que par un colloque scientifique et une anthologie, où
seront publiés des «textes écrits dans le vif des débats». L'exposition,
elle, est en place jusqu'en avril 2016. Ce qui signifie que la
troisième Triennale québécoise, contrairement aux deux premières, ne
pourra occuper toutes les salles en 2014. «C'est un beau problème,
reconnaît Paulette Gagnon. Il nous faudra aller ailleurs.»