L'énigme de la Sphinx
" Les mythes sont à la conscience collective ce que les rêves sont à la conscience individuelle. " Campbell
Dans la toile de Khnopff, les deux protagonistes apparaissent réunis dans un destin commun ...
La Sphinx grecque – qu'on ne doit pas confondre avec le Sphinx égyptien – était un monstre femelle : elle avait la tête et la poitrine d'une femme, le corps d'un lion et les ailes d'un aigle. On raconte qu'elle arrêtait les voyageurs pour leur proposer une énigme; et qu'elle dévorait ceux qui ne pouvaient la résoudre... Le peuple souhaitait ardemment que vienne un héros qui les libère de ce monstre redoutable.
Œdipe, à son retour d'exil, fut lui aussi arrêté et interrogé par la Sphinx qui lui proposa la fameuse énigme :
"Quel est l'être doué de la voix qui a quatre pieds le matin, deux à midi, et trois le soir?"
"L'homme", de répondre Œdipe.
L'homme, en effet, marche à quatre pattes quand il est enfant, puis sur deux, et il s'aide d’une canne quand il est vieux... Œdipe avait résolu l'énigme de la Sphinx.
Envahie par le désespoir, la Sphinx se précipita sur les rochers et mourut. Œdipe avait triomphé du monstre, il avait traversé l'épreuve – il était devenu le héros.
Mais on n'est jamais, à vrai dire, que le héros de sa propre vie, qui est le lieu de tous les échecs et de tous les triomphes. La Sphinx représente la dimension du destin de toute vie. L'énigme, c'est l'image de notre propre évolution dans le temps, que chacun doit résoudre pour lui-même. Le monstre, il est en chacun de nous : la libération revient en fait à se libérer de l'état léthargique qui nous empêche de devenir ce qu'on est essentiellement. Il faut donc tuer le monstre, c'est-à-dire mourir à ce niveau de son être pour renaître au niveau du héros, qui est l'aspect supérieur de notre nature.
L'énigme de la Sphinx suggère une évolution du héros, de chacun de nous dans le temps de sa vie, en trois étapes : le départ du héros, l’initiation du héros (l'épreuve et la confrontation avec la mort) et le retour du héros...
Source: Joseph CAMPBELL, La puissance du mythe, et Jacques LANGUIRAND, La vie dont vous êtes le héros,