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Puissance et sagesse

Publié le 18 avril 2012 par Voilacestdit

En suite du billet Effondrement sur la tragique histoire de l'île de Pâques, ces réflexions de mon épouse Chantal 

L'histoire de l'ile de Pâques donne à réfléchir : la volonté aveugle d'affirmer sa puissance, laquelle conduit à une ruine irrémédiable. L'histoire regorge de scénarii de ce type dans tous les domaines, sur le plan local ou global, au niveau politique, économique, idéologique, financier, etc… Comme si le goût de la puissance  pouvait rendre fou ou aveugle, poussant implacablement à l’effondrement. Ainsi, dans l'histoire, les plus grandes victoires peuvent se transformer en défaites ; les plus grands conquérants sombrent dans la chute : la même ambition qui a fait leur gloire les précipite dans leur perte. Ce scénario se répète inlassablement au cours des siècles, comme si l’homme n'en tirait pas les leçons, comme s'il n'était pas capable d'en tirer les leçons. Cela laisse à penser que cet appétit de puissance et de domination est inscrit, indéracinable, au plus profond de l'être humain. 

Pourtant l’antidote existe. Pour éviter ces escalades tant meurtières que suicidaires, l'antidote existe, toujours à la disposition des humains puisqu'elle est inscrite au coeur même de l'humain, et cette antidote est la sagesse.

Qu'est-ce que la sagesse?  Si l'on procède à une investigation en remontant le cours de l'histoire, en passant par différentes cultures et civilisations, en s'attardant sur l'histoire de la philosophie (il faut rappeler que philosophie signifie amour de la sagesse) , on retrouve toujours globalement l'assemblage des mêmes ingrédients. La sagesse désigne le savoir et la vertu d'un être ; elle caractérise celui qui est en accord  avec lui-même et avec les autres, qui cultive et harmonise en lui les registres du corps, de l'esprit et du coeur, et qui accorde ses actes et ses paroles.  Le sage est celui qui s'efforce d'être et d'oeuvrer dans ce sens.

Mais l'histoire nous répète aussi que la sagesse est loin d'avoir gagné sa reconnaissance face à la volonté de puissance. Combien de sages ont tenté d'empêcher des extravagances, des agissements mortifères, des guerres, en vain…  A un moment donné, ils deviennent  des gêneurs et ils font les frais de leur sagesse. Le simple fait de témoigner d’un esprit de sagesse, d'exprimer un jugement lucide et de faire preuve de discernement, dérange, au point que le sage soit supprimé physiquement, ou du moins écarté ou marginalisé. Socrate en est un exemple illustre. Quand il y a remise en question du pouvoir par la sagesse, celle-ci, ne disposant pas des armes de domination du puissant, et surtout ne voulant pas les utiliser, se retrouve dans une position de faiblesse. Pouvoir et sagesse ne combattent pas avec les mêmes armes.

La  sagesse, c’est cette voix qui - envers et contre tout - persiste à vouloir se faire entendre tout au cours de l'histoire et ne se laisse pas réduire au silence malgré les rudes épreuves auxquelles elle est soumise. Elle est libre et renaît toujours. C’est celle qui guide tant d’actions dans le monde , pas toujours visibles ou éclatantes car elle ne se revêt pas des mêmes atours que la puissance et ne brille pas sous les feux de la rampe.

A quoi sert la sagesse, à quoi sert d'être sage ? Certes, il y a un loup dans l'homme, un dangereux destructeur pour ses semblables et son environnement ; nous sommes bien obligés de le constater et de l'admettre. Mais l'homme porte tout aussi incontestablement en lui la graine de la sagesse et l'histoire nous donne des multitudes d'exemples de sages, de communautés, de groupes rassemblés autour de cette recherche et  de cet idéal de sagesse. La sagesse fait partie des caractéristiques les plus nobles de l'homme; elle est ancrée dans le fondement de toute culture et civilisation. Sans elle, l'humain devient un loup pour l'homme, et le monde devient invivable. Au-delà même de ces considérations, les sages nous affirment que le secret du bonheur réside dans l'exercice même de la sagesse. Croire en l'homme, c'est, au final, croire en la sagesse. 

Ces réflexions sont, bien sûr, liées et même provoquées par l'état actuel du monde... Tant de menaces pèsent sur le devenir des hommes et sur l'environnement ! Le monde donne l'impression d'être emporté dans une course en avant mortifère… Autant de soucis et de préoccupations qui m'invitent à me poser des questions du côté de la place de la sagesse aujourd'hui : où, comment, par quelles voies et voix celle-ci s'exprime-t-elle ? 

D'une part, l'Occident, au fur et à mesure de son histoire, s'est laissé entraîner par ses fantasmes de toute puissance toujours plus excessifs. Il a cédé aux chants des sirènes du progrès et de la croissance à tout prix. D'autre part, les Occidentaux se sont fourvoyés dans des croyances - substituts de  sagesse - qui nous ont leurrés. Le siècle des Lumières a célébré la foi en la raison, le culte du progrès des sciences ; le dix-neuvième avec le positivisme, s'est spécifiquement tourné vers le progrès technique et a associé la sagesse à la science . Quant au vingtième siècle, il s'est laissé enivrer par un foisonnement à tout va des connaissances et par l'entrée dans l'ère du virtuel qui nous donnait une illusion de toute puissance accrue, par sa promesse d'effacement des limites de l'espace et du temps, signes des limites humaines…

Nous nous sommes leurrés dans de fausses sagesses. Que sera le vingt et unième siècle ? Qu'en ferons-nous ? Ne s'agit-il pas de retrouver  la sagesse, de revenir à ses fondements,  de la refonder, de la reformuler à l'éclairage de l'homme d'aujourd'hui et en fonction de ce qu'il désire pour demain ?

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