J’ai été vendeuse en boulangerie.

Publié le 29 avril 2012 par Drine

Suite à une conversation avec mon ami de twitter @desFraisesetc à propos de son billet de jeudi : pourquoi t’écris pas des billets sur ta vie dans la boulangerie ?

Je pense que n’importe quelle vendeuse pourrait en écrire des pages, moi j’ai eu la chance (?) de vivre dans cette boulangerie pendant une vingtaine d’années, donc j’ai vu l’expérience de plein de filles qui sont passées servir au magasin… Et j’en ai entendu de toutes les couleurs (parce que juste les dégradés de vert, ça suffit pas…)

Quand t’es fils de commerçant, peu importe dans quoi, tu te retrouves très vite à aider au magasin.

Mes parents sont arrivés dans ce patelin en 1981, j’avais un peu plus de 2ans… Ils ont racheté une épicerie qui faisait aussi office de boulangerie, un bâtiment qui était très vieux, sans chauffage autre que des vieux radiateurs électriques, et la première chose qu’on a fait, c’est refaire l’escalier après qu’un ouvrier soit passé à travers en portant une caisse de pain en bas.. J’ai décrit tout ça un peu ici si tu veux…

Enfin, j’ai su rendre la monnaie dés que j’ai su compter, et je me suis retrouvée derrière le comptoir alors que je le dépassais à peine !

Quand tu vis dans cette campagne, t’es inversé par rapport aux villes : les gens viennent le week-end et pour les vacances. Donc le gros jour par excellence, c’est le dimanche, et le coup de bourre, après la messe… On est dans les années 80, il y a des gens qui ne viennent faire leurs courses que le dimanche, et prennent du pain pour la semaine, et un ‘tit gâteau pour le plaisir…

Bref.

L’attitude des gens face à une serveuse s’est fortement dégradée. On te sort « Le client est roi » à tout bout de champ, alors oui, tu fermes le poing dans la poche et affiches un sourire de circonstance !! S’il est une chose que de bosser dans le commerce t’apprends, c’est à te contenir (et être imbattable sur la météo aussi)

Récemment, un monsieur fortement imbu de lui même a dit à une des serveuses « Vous êtes payée pour vous faire insulter ! » Ah ? euh, non, je ne crois pas que ce soit dans le contrat ça !

Un autre a demandé à voir mon père, et lui a expliqué longuement ce qu’il devait faire dans son magasin, pourquoi il était mal organisé, enfin, ce qu’il voyait dans la banlieue riche de sa ville. Si on met le gâteau à la pièce à 5€, à Viverols, ça va pas le faire mon bon monsieur !!! Et puis, la boulangerie, elle est là depuis 30ans maintenant, et ils ont pas mis la clé sous la porte, c’est qu’il doivent peut-être pas trop mal se débrouiller…

Je veux la patronne !

Ah oui, ça revient souvent ça, je ne sais pas, ma mère a ce pouvoir sur les gens qui font qu’ils sont plus satisfaits d’avoir affaire à elle… « Elle est occupée ! » par une grosse commande de dragées, pour un mariage, ça va durer… « J’attendrais ». On le dit à ma mère, qui interrompt sa prise de commande pour venir servir cette dame importante, qui voulait « une baguette pas trop cuite ». En effet, présence de la patronne indispensable pour ce genre de vente… Les « simples serveuses » sont absolument incapables de prendre la bonne baguette, seule la patronne elle sait, avec son instinct magique de patronne. Et la cliente repart, satisfaite, je ne sais si c’est plus par sa baguette pas trop cuite, ou par le fait que pour Elle, on a dérangé la patronne. C’est une personne importante Elle, seule la patronne pouvait bien la servir.

Un pain pas trop cuit !

La définition du pas trop cuit diffère beaucoup d’une personne à l’autre, et une des premières choses que mes parents ont fait, c’est mettre la panetière hors d’accès des clients. Les gens rentraient, touchaient tout les pains (juste en revenant de traire les vaches, moyen…), et faisaient ça depuis des années…

Bref.

Tu prends le premier pain pas trop cuit que tu vois. « Non, pas lui ». Trop facile. Il s’ensuit une longue quête pour trouver LE pain pas trop cuit. Alors, revêtue de ton armure sacrée (tablier) et surtout équipée de ton arme la plus précieuse dans ce genre de cas, la patience, tu commences à montrer à la dame tous les pains pas trop cuits dans les 25pains que compte la panetière. Et quand tu les as TOUS montrés à la dame, elle finit par te désigner du doigt… le premier que tu lui avais montré.

Un grand classique en boulangerie.

Je suis pénible hein !

Imaginez, j’ai 17ans, j’aime aller au bal le samedi soir, mais le dimanche matin, à 8h30 quand maman me laisse dormir, il faut aller aider au magasin. J’ai, pour parler poliment, la tête dans le pâté, et je ne l’ai pas vu arriver, Elle, la pénible, pas méchante, mais sacrément pénible. Et elle me prend par surprise alors que je suis entrain de remettre des choux à la crème dans le rayon : « tu m’en mets deux s’il te plait ! » Oh purée, c’est à moi qu’elle parle, je n’ai pas été assez rapide pour m’éclipser derrière vers le frigo, et voilà, la sanction tombe de suite.

« oui madame Machin »

Tu prends une boîte à gâteau dessous, une bien haute, parce que les choux à la crème de papa sont généreux, et tu mets ses deux choux dans la boîte.

« oh puis non tiens, j’en ai pas envie finalement, tu peux me mettre un millefeuille et un petit chocolat à la crème de marron ? »

Oh la feinteuse, le coup des choux, c’était juste pour être servie avant, parce qu’elle sait très bien que tu faisais le plein, et non le service..

Alors tu enlèves les deux choux, change la boîte, parce qu’évidemment tu as mis un peu de crème chantilly sur le bord, et aussi que pour les gâteaux demandés, il faut une boite plus basse pour pas qu’ils se baladent… Les autres serveuses te jettent des coups d’oeil compatissants, et c’est là qu’elle m’a lancé « je suis pénible, hein ?! ». « Je ne vous le fais pas dire madame ! » c’est ce que j’aurais du répondre, mais là je pense que j’aurais pris direct une tape derrière la tête, de ma mère, genre Gibbs… Non, j’ai fait un espèce de sourire de circonstance, en espérant qu’il ne trahissait pas non plus mes pensées…

Un pain fariné !

Alors le coup du pain fariné fut celui qui m’a le plus fait rire, et ce serait resté une anecdote s’il ne s’était pas reproduit…

Une dame entre, et tombe sur la serveuse la plus cool qu’on ai jamais eu.

« bonjour, je voudrais un pain fariné »

« bien madame »

« Pourriez vous s’il vous plait enlever la farine ? »

O_O

C’est la tête que nous avons toutes faites en entendant ça !! Pourquoi demander spécifiquement un pain fariné si c’est pour enlever la farine ?? Alors que le pain normal, il en a pas de farine lui… La serveuse était hyper cool comme je vous l’ai dit, elle a pris une petite brosse, et s’est exécutée devant le regard satisfait de la cliente. Et quelques années plus tard, autre cliente, autre serveuse, même demande. J’ai toujours pas compris l’intérêt, surtout que le pain fariné est légèrement plus cher…

Enfin, je pourrais en écrire encore des tas de ce style, des moins marrantes d’ailleurs, avec des clients absolument odieux, ou même malhonnêtes… ah si une dernière…

Le rouleau de Zan

Il y avait un présentoir à bonbons au magasin, le genre où les gens se servent seuls, puis font compter à la caisse. Tôt un matin, c’est mon père qui sert, ma mère est en train de déjeuner. Un papy amène son petit-fils à l’école, et pour lui faire plaisir, s’est arrêté pour lui prendre quelques bonbons. L’enfant se sert, et amène fièrement son sachet à mon père. Mon père compte les bonbons et annonce le total au grand père. Et là, l’enfant a eu la réaction la plus saine du monde, mais le grand père, je vous laisse juger…

« Mais papy, et celui que tu as mis dans la poche de ta chemise ? »

« chuuuuut »

Genre mon père est 1m devant mais aurait pu ne pas entendre ! Et là, ses yeux se portent sur la fameuse poche, qui plaquait bien sur le torse du monsieur qui avait un bon embonpoint, et on voyait nettement se dessiner la forme du rouleau de Zan… Mon père en était gêné pour lui et a fait semblant de ne pas avoir entendu ou vu. 30centimes de francs ça coûtait ce bonbon, 5centimes d’euro… S’il n’avait pas eu assez d’argent, mon père se serait fait un plaisir de lui offrir, mais non, il a préféré le voler, et mon père faire semblant de ne rien avoir vu… Il en était triste pour l’exemple donné au gosse, sincèrement honnête…

Je m’arrête là, j’ai été assez bavarde aujourd’hui, mais je sens que certain(e)s qui ont eu l’expérience du commerce auront reconnu des situations.

Et moi je n’hésite pas à discuter avec la caissière au supermarché… Ce pourrait être moi, ça l’a été…