« Le dimanche, on lit au lit ».
Après Meurtre pour rédemption, dont je vous avais parlé ici et ici, thriller psychologique époustouflant, j’étais curieuse de découvrir le nouveau né de Karine Giebel, persuadée qu’elle ne pourrait plus jamais atteindre le niveau extraordinaire de cette brique de 700 pages qui vient juste de sortir en poche.
Et bien je me trompais… oh comme je me trompais !
J’ai commencé Juste une ombre jeudi soir et, une fois dix pages lues, je n’ai plus pu m’arrêter. Sauf qu’au bout d’un moment, il était plus de 21 heures, je n’étais qu’à la moitié du livre et je commençais à angoisser grave, tout comme l’héroïne, Cloé, dont la vie se transforme un jour en cauchemar, jugez plutôt :
« Tu te croyais forte. Invincible. Installée sur ton piédestal,
tu imaginais pouvoir régenter le monde.
Tu manipules ? Tu deviendras une proie.
Tu domines ? Tu deviendras une esclave.
Tu mènes une vie normale, banale, plutôt enviable. Tu as su t imposer dans
ce monde, y trouver ta place.
Et puis un jour...
Un jour, tu te retournes et tu vois une ombre derrière toi.
À partir de ce jour-là, elle te poursuit. Sans relâche.
Juste une ombre.
Sans visage, sans nom, sans mobile déclaré.
On te suit dans la rue, on ouvre ton courrier, on ferme tes fenêtres.
On t observe jusque dans les moments les plus intimes.
Les flics te conseillent d aller consulter un psychiatre. Tes amis
s écartent de toi.
Personne ne te comprend, personne ne peut t aider. Tu es seule.
Et l ombre est toujours là. Dans ta vie, dans ton dos.
Ou seulement dans ta tête ?
Le temps que tu comprennes, il sera peut-être trop tard...
Tu commandes ? Apprends l obéissance.
Tu méprises ? Apprends le respect.
Tu veux vivre ? Meurs en silence... »
Une seule chose à dire : brrrrrrrrrrrrrrrrr…
Alors j’ai interrompu ma lecture, je suis allée me coucher, après avoir vérifié que tout était bien fermé chez moi, sait-on jamais. Et vendredi matin, j’ai lu à l’arrêt du bus, dans le bus, et même deux pages en arrivant au bureau, incapable de m’arrêter que j’étais, puis j’ai bossé, faut bien hein ma bonne dame, et en rentrant chez moi, limite si je ne me suis pas jetée sur le canapé avec mon manteau, pour terminer ma lecture.
Une fois celle-ci achevée, j’étais en état de choc, tout comme après Meurtres pour rédemption. Car lire du Karine Giebel, ce n’est pas comme lire du Mary Higgins Clarck (même si j’en ai lu et si j’aime ça), je vous le dis, le choc est bien plus profond, bien plus long.
Cloé est pourtant une femme potentiellement antipathique. Hautaine, dotée d’un complexe de supériorité inégalable. Limite si je ne me suis pas dit un bref instant « tu l’as pas volé ». Puis l’empathie nait. On comprend son histoire, ses failles, son passé bouleversant. Et arrive Alexandre, au présent encore plus bouleversant. J’apprends à les aimer. A vouloir leur bonheur. A prier pour leur bonheur.
Mais prier suffira-t-il ?
Epoustouflant je vous dis ! Scotchant ! Et je pourrais vous proposer mille autres superlatifs, mais à quoi bon, je ne peux vous raconter l’histoire, la trame, la façon dont Karine Giebel entre d’une façon incroyable dans la tête de ses personnages, dissèque leur vie petit bout par petit bout et fait que, j’ignore comment, lire au finish devient immédiatement une drogue.
J’avais connu cela avec Meurtres pour rédemption. J’ai connu cela avec Juste une ombre.
Et ce que j’ai connu aussi, étonnamment, c’est cette envie folle de parler à l’auteure. Pour dire quoi ? Aucune idée, c’est ainsi. Et je me suis souvenue avoir eu la même sensation durant Meurtres pour rédemption. Bizarre autant qu’étrange. Faut pas chercher à comprendre.
Une petite citation nullement angoissante, mais tellement criante de vérité lorsque l'on se retrouve à faire face à la maladie : "Il s'allonge à côté d'elle, la prend dans ses bras. Le lit est vraiment trop étroit. Ils n'ont pas encore songé à fabriquer des lits médicalisés en 140. Comme si la maladie interdisait l'amour."