Halte aux anglicismes ! Mais au nom de la défense de la langue française, est-ce que l’on ne va pas parfois un peu trop loin ?
Il y a quelques mois, j’ai été accusée de contribuer à l’extinction de la langue française. Rien que ça. Mon crime ? Avoir proposé à un professionnel du tourisme de participer à une opération promotionnelle de type « early booking » (oui, j’ai une double vie, je travaille aussi dans le tourisme). La réaction dudit professionnel a été implacable. Comment ! J’avais osé commettre le crime de lèse-majesté suprême : utiliser un anglicisme ! Il m’a répondu, je cite, qu’à cause de gens comme moi, « le français sera une langue morte dans vingt ans ! » Rien que ça ! Mais dites-moi, pour une jeune traductrice, c’est un peu gênant ça ! Étais-je donc en train de creuser ma tombe de traductrice avant même d’avoir réellement lancé mon activité, et sans m’en rendre compte ?
Eh bien non, je ne crois pas. Certes, les anglicismes sont de plus en plus présents dans notre quotidien. Mais avant que la langue de Molière ne disparaisse, détrônée par l’anglais dominant, je pense qu’on a de la marge.
Oui, je le confesse, j’utilise tous les jours de nombreux anglicismes. Dans un travail en lien avec le marketing (bouh, encore un !), mais surtout avec Internet et les nouvelles technologies, c’est quasiment inévitable : c’est un domaine où les emprunts à l’anglais sont omniprésents.
Bonne nouvelle ! La Commission générale de terminologie et de néologie a planché sur ces termes qui font frémir les puristes de la langue française, et nous a concocté des équivalents en « bon français ».
Voyons voir…
- Email : courrier électronique ou courriel. Jusqu’ici, je suis d’accord, et puis j’aime assez le néologisme courriel, bien trouvé, même si au quotidien le bon vieil « email » s’impose plus naturellement.
- Firewall : barrière de sécurité. Mouais, pourquoi pas…
- URL : adresse universelle. Euh, il y a vraiment des gens qui disent ça ?!
- Notepad : ardoise électronique. Qui n’a pas eu son ardoise électronique pour Noël ?
Non, vraiment, je ne m’y retrouve pas. Autant je me méfie des anglicismes sémantiques (une « opportunité » au lieu d’une occasion, par exemple) et des calques syntaxiques, autant je trouve la francisation forcée de certains termes un peu ridicule. Les emprunts ont toujours existé, ils font partie de l’évolution normale d’une langue, et c’est cela qui fait du français une langue bien vivante ! Bien plus, à mon avis, que des initiatives visant au contraire à la figer.
Alors au risque de saboter mon propre métier de traductrice, je continuerai à demander l’URL d’une page web, et non l’adresse universelle d’une page sur la toile. Et en tant que traductrice, j’estime que c’est à mes clients d’en décider : s’ils préfèrent les néologismes bien français, très bien, et s’ils utilisent plus naturellement des termes comme « mail » ou même « early booking », ce n’est pas moi qui jouerai les redresseurs de tort.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce que les anglicismes vous agacent, vous chiffonnent, ou bien font-ils naturellement partie de votre langage ? Avez-vous le sentiment d’être un défenseur de la langue française ? Exprimez-vous !