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Or cet élan d’esprit positif m’est revenu, ce matin, en passant à la hauteur du stand de L’Hebdo, où le psychologue optimiste Jacques Salomé se félicitait lui-même, en toute modestie, d’avoir publié un aussi formidable petit livre que le sien. Et du coup je me suis dit sans malice: mais c’est cela même que chacun de nous pense en somme en toute modestie, et c’est cela qu’il faut claironner : c’est que son livre est formidable ! La chose peut sembler déplaisante mais c’est le contraire qui serait plutôt inquiétant : que nous prenions une mine contrite au seuil de notre jardin. Et cela m’a rappelé la leçon de notre bon pasteur Pierre Volet, genre prêtre ouvrier à la protestante, qui nous expliquait comme ça que ce qui distingue la vanité de l’orgueil tient à cela que l’orgueil est une fierté manifestée quand « il y a de quoi », tandis que la vanité manque « de quoi »… Or quel auteur passerait au Salon sans penser qu’il y a de quoi être fier de son livre ? Pour ma part, je me rappelle encore l’amour inconditionnel que l’incommensurable Flannery O’Connor portait à ses livres, qui m’a rappelé cette évidence que j’aime, moi aussi, chacun de mes vingt livres, comme autant d’enfants. Deux filles, une bonne amie unique au monde et vingt livres, et l’on ne se la péterait pas, au risque de chiffronner les chattemites ?
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Un autre motif de se réjouir de passer au Salon, aussi, tient aux rencontres et autres retrouvailles qu’on y fait d’année en année. Ainsi de Francis Richard, que je n’avais vu de visu qu’une fois jusque-là tout en ayant partagé nombre d’opinions et d’impressions avec lui. Francis aussi fou de lecture et vaillant blogueur que moi – Francis Richard l’homme d’expérience passé par affaires et entreprises et qui me racontait, cet après-midi, lers trois simulacres d’excécutions qu’a subies son grand-père à la fin de la guerre, lors de l'épuration belge, dénoncé par des salauds alors qu’il avait sauvé des Juifs de la déportation, et finalement laissé en vie. Or ce que m’a dit Francis de cette terrible épreuve m’a rappelé que c’est dans les mêmes circonstances que le condamné à mort Fedor Dostoiesvki, apprenant sa grâce à l’heure où il devait être exécuté, est véritablement devenu lui-même.
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À l’instant je devrais me trouver au Dîner des auteurs du Salon du Livre, avant de finir la soirée dans une boîte où Frédéric Beigbeder « mixera ». Le Dîner festif en question se déroule au Mandarin oriental, palace du bord du Rhône où j’ai déjeuné un jour en compagnie de l’excellent Metin Arditi, qui m’avoua au dessert qu’il en était un peu le taulier. Je me suis donc excusé, tout à l’heure, auprès de ce cher Metin qui m’a dit avoir déjà parcouru mon livre et y a trouvé du plaisir, avant de cligner de l’œil en m’avouant qu’il se serait bien passé de ce raout auquel, tout de même, il ne peut pas décemment échapper.
En alternance, seul à ma table de restau interlope, je me serai donc régalé à la lecture de Notre-Dame-de-La-Merci, de Quentin Mouron, et du nouveau roman de Maxou, alias Blacky, dont me touche le pâte humaine et l’africanité douce et dure, la malice et l’art d’un vrai conteur (justement repéré par la nouvelle Madame Zoé), sa vitalité de danseur de zumba et ses difficultés d’exilé assumant crânement sa situation de jeune Black « pacté » avec un Grison étudiant, enfin son regard lucide de Camerounais me faisant le pousser à composer une chronique de Huron à sa façon, découvrant la Suisse et nos jungles policées…
Et sifflant ainsi, solo, tout l’alcool du monde en lisant deux livres de youngsters qui pourraient être mes petits-fils, je me suis retrouvé tout égayé dans cette sorte de succursale improbable du Salon du Livre...