J'avais un peu oublié la visite de beau-papa.
Quand l'amoureuse a des envies de rénovations ce n'est certes pas vers moi qu'elle se tourne. Elle m'avait averti que son père, un homme capable de bâtir une maison de ses mains en partant de rien, passerait chez nous pour refaire le mur de céramique situé entre comptoir de la cuisine et le bas des armoires.
Weeeeeeeeeeeeeearch...Comme on aurait oublié un rendez-vous chez le dentiste nécéssitant une piqûre, j'avais oublié qu'il viendrait "nous aider" à défaire le mur de céramique actuel et en refaire un nouveau. Je place "nous aider" entre guillemets car le "nous" est parfaitement fautif. C'est lui qui fera tout, je n'ai pas le talent et surtout pas l'intérêt pour le faire. L'amoureuse n'y touchera pas non plus. L'aide n'est pas 100% nécessaire non plus car changer cette céramique n'est pas indispensable et n'impactera en rien la beauté (ou son contraire) de notre cuisine. Mais il ne faut pas faire obstacle à la beauté perçue dans l'oeil de ses amours...
Ce que j'avais aussi méticuleusement oublié c'est que l'agenda de la semaine contient aussi l'idée de changer la salle de bain de l'entrée dans sa quasi entièreté. On a un nouveau bol de toilette dans le garage, un meuble neuf en coin qui est aussi un lavabo qui traîne aussi dans le garage depuis trois semaines mais comme une plaie indolore sur le corps, on finit par l'oublier et regarder ailleurs.
J'ai atterri d'une session universitaire difficile pas mal mieux que je l'avais anticipé la semaine dernière. Ça avait commencé dans la catastrophe et j'ai fini tout ça glorieusement avec de forts respectables résultats. J'étais si heureux que je m'étais pris quatres films à visionner entre ma session passée et celle d'été qui commençait déjà cette semaine. J'ai eu le temps de voir mon Rivette et de voir The Last Detail d'Hal Ashby. Mais j'avais aussi un Chabrol (avec une grosse faute de frappe dans le titre imprimé en milliers de copies) et un Rossellini et je comptais voir le film d'Anne Émond qui piquait ma curiosité. Ces trois-derniers là, ils devront attendre. Dommage, moi mon réèl plaisir il se trouve là.
Quand il se pointe pour rénover, je deviens officiellement son assistant. Un atroce et moins que médiocre assistant mais un soldat près à endurer la Sibérie pour quelque temps...Je souffre, forcément, voilà pourquoi "j'oublie".
Il m'avait demandé de peut-être commencer à enlever la céramique avec un pied-de-biche avant son arrivée mais comme j'ai peut-être trois ou quatres outils (tous donnés par le beau-père, je place mon argent ailleurs quand même!) je n'ai vraiment pas de pied-de-biche. De toute façon je n'aurais pas voulu détruire avant l'heure. Din coup que je démolisses un peu trop en malade...
J'avais averti le beau-père d'importer le plus d'outils possible de son garage car il reste toujours surpris quand il arrive du 418 dans notre 450, entre dans mon garage, y découvre plus de posters que d'outils et ouvre le long coffre rouge qu'il m'a donné il y a 4 , 5 ou 6 ans, coffre toujours parfaitement vide et sous deux poches de hockey près du meuble qui contient mes cassettes de musique des années 80.
Mais il ne rajeunit pas. Il avait lui aussi oublié que je ne possède pas de pinces, de niveau, de petit bout de bois, de manche à rouleau à peinture, de lunettes pour travailler, de noix (le pot de beurre d'arachides n'était pas ce qu'il voulait...)
C'est une semaine dans l'enfer des banlieues que je traverse.
J'étais le petit garçon errant dans l'Allemagne en ruine dans le film de Rossellini.
Mais je survivrai. L'amoureuse sera heureuse. Happy cat she'll be.
Et sacrifié cette semaine dois-je devenir.