Lorsque la confiance s’érode, lorsque les promesses sont floues, les bénéfices incertains, la vision absente, lorsque les valeurs transmises sont en décalage avec les aspirations du moment, le péril guette : il en est des représentants politiques comme des marques. De fait, en ces temps d’émois électoraux dans l’Hexagone, les grandes marques s’invitent dans le débat, mieux : elles mènent un coup d’état permanent. Et ce bien au-delà des traditionnelles campagnes opportunistes (« Votez Mauboussin » a-t-on entendu récemment sur les ondes, et Vol24.fr d’arguer : « Nous tenons ce que les autres promettent », Ikea d'inviter au « changement » ...de décor, etc.)
Car c’est bien de dimension politique qu’il s’agit. Au-delà des affinitives électives, pointent des affinités sociétales. De lucides penseurs tels que Maffesoli et Lipovetsky l’ont explicité : la consommation est le dernier refuge idéologique et politique pour les individus occidentaux. Aussi les machines à voter les plus technologiques (espèce en voie d'apparition), les isoloirs les plus rutilants peinent-ils plus que jamais à concurrencer les cabines d’essayage des enseignes de prêt-à-porter (prêt-à-penser ?).
Cet enjeu politique porté par les (grandes) marques prend un tour encore plus puissant en cette année présumée apocalyptique : il n’est que de voir l’étonnante convergence – tous secteurs confondus - des discours sur le bonheur. Coca-Cola, naguère, invitait à « ouvrir du bonheur », désormais il promet carrément « du bonheur pour tous » : de quoi courroucer le plus enjoué des édiles ou des candidats à l’investiture. Alors que Peugeot accole toujours (jusqu'à quand?) un reliquat automobile - « Motion » - à son « Emotion » dans sa signature, Fiat à décidé de partir en roue libre et de se poser en « Fabricant d’optimisme ». Le candidat Zalando promet, sans sexe ni violence, de nous faire « hurler de plaisir ». Mousseline chantonne, nonobstant la qualité de ses flocons à faire sourciller un candidat de Top Chef : « Il y a du bonheur dans l’air ».
Il est frappant de voir à quel point, à l’impuissance des politiques à promettre des lendemains mais aussi un présent qui chantent (tant par réalisme froid que par incapacité à penser une projection collective et cohérente), fait écho la vitalité bienveillante et empreinte de sûreté des grandes marques. A défaut de proposer une vision, les marques - désormais délestées de leur stricte mission fonctionelle - proposent du sens et du ciment entre les individus : un sens provisoire sans doute, giratoire vraisemblablement (!), un ciment éphémère à n’en point douter. Mais on se prend à rêver qu’un jour, au lieu d'être des absents de marque de notre quotidien, la marque France et la marque Europe - au hasard - bénéficient d’une telle aura…