Hier soir, j’étais invitée par une mienne amie à un concert donné par le Berliner Philarmoniker (celui de Simon Rattle, dont on dit que c’est l’un des meilleurs orchestres du monde). Il était exceptionnellement dirigé par Gustavo Dudamel, chef vénézuélien invité. Ma sœur Claire m’avait parlé de lui, je crois qu’elle a assisté à l’une de ses master-classes comme clarinettiste, j’ai en tous cas vu ce qu’il a fait avec les enfants de Caracas, humainement c’est un type formidable. Il est arrivé, un peu engoncé dans son smoking queue-de-pie, petit gars survolté tout frisé qui paraît avoir 16 ans et n’en a tout de même que 31. Collé-serré au milieu de ses musiciens sur la curieuse scène de la salle Pleyel, laquelle a la particularité d’être désormais placée en sandwich entre les spectateurs assis nord et ceux installé dans la nef principale au sud, il paraissait englouti au milieu des violons.
Dès les premières mesures, le fameux « destin qui frappe à la porte », selon le mot du Maître lui-même, la magie a opéré. La Vème de Beethoven dirigée par Dudamel avait des allures de symphonie du Nouveau monde, c’était exceptionnel. Même les musiciens souriaient en jouant, tellement ils y prenaient du plaisir. Dudamel bondissait sur place, on aurait dit qu’il allait se jeter sur les musiciens pour les dévorer. Il est exact que l’œuvre elle-même est énergique, mais trop de Karajan l’avaient cantonnée au rang de gros gâteau style Forêt noire teutonne, avec accent grave pré-romantique. Débarrassée de cette lourdeur, elle a pris sous la baguette de Dudamel une ampleur aérienne, un chatoiement nouveau presque... sud-américain !
Même chose pour Also Spracht Zarathoustra, poème symphonique de Gustav Mahler, réellement inspiré. Rabâchée, rebattue par le biais du film de Stanley Kubrick « 2001, Odyssée de l’espace », l’ouverture avait une majesté nouvelle, sonnante comme un tambour. Les thèmes suivants, moins connus, se démarquaient avec originalité et jusqu’à la fameuse valse de Vienne, aisément reconnaissable, du coup. Bref, là encore une merveille, servie par des musiciens d’une incomparable qualité.
La salle Pleyel était pleine à craquer, les gens ont salué debout. En guise de « bis », nous avons eu droit à une petite pièce que j'ai par erreur attribuée à Mahler, mais qui était en fait un des mouvement de Ma mère l'Oye, de Maurice Ravel (merci à mon estimé commentateur), conduite par Dudamel à la main, sans baguette. Un petit « au revoir » très doux et très souple à un public parisien particulièrement mélomane et bien élevé, qui s’est abstenu de tousser et n’a pas applaudi entre les mouvements. Remarquable.