A Pierre Magnan
Tu étais de ce pays
Pays secret
Rêvé
Désiré
Jamais atteint
Que dis-je
Tu étais ce pays
Disparu
Tu emportes avec toi
Un pan de notre mémoire
Lors mes yeux s’en retournent
En cette extrême vallée
Accueillante pour nos silences
Tu y marchais
Toujours du même pas
Le pays te portait
Sans un signe de fatigue
Tu marchais
Nul n’aurait su arrêter ta course
Rocs et lumière te happaient
Tu étais de cette nature
Ombre inexistante au dehors
Que tu portais en dedans
&
Le pays s’est mis à pleurer
A chaudes larmes
Pour accompagner ton âme
Au paradis des écrivains
Tu demeure immortel
Au seul pays des pages
Définitives
Jusqu’au bout du chemin
Les mots sont nos plus intimes confidents
Notre seule consolation véritable
Ils puisent en l’amour ou sa quête
L’imaginaire présence
Les mots frappant aux murs
En font tomber une à une
Les pierres jusqu’au silence
Vient un temps de mots épuisés
D’avoir trop vécu
Trop souffert
Au bout de ce monde
Ne peut advenir que silence pudique
Sur l’existence atrabilaire
Nul ne s’est encore
Vraiment éloigné
De Neandertal
Ou Cro-Magnon
Sinon par bribes tendres
Tendues entre les lignes
Ton héros ressuscité
Ta vie s’écrit à l’encre sympathique
Juste avant de franchir
La porte définitive
Au secret des andrones
Se prolonge la vie
En pages éclatantes
Peut-être as-tu suivi
Laure rêvée
Toujours rencontrée
En mains et pensées amoureuses
Accompagnant tes pas
Juste avant qu’ils ne s’en retournent
Comme le gant de la vie
Qui se poursuit
A l’envers du décor
Un écrivain ne meurt jamais
Toujours palpitant
A l’endroit de ses pages
(Dimanche, alors que nous parvenions en ces lieux d’isolement où les rêves peuvent courir en liberté, la nouvelle me parvenait du départ de l’ami Pierre. Dans nos multiples rencontres, nous n’avions jamais parlé de littéraure, le monde et ce pays que nous aimions de concert, quoique différemment nous préoccupait bien plus que nos pauvres écritures. Et je ne suis même pas sûr d’avoir causé un jour de cette passion. Hier, à la demande de Françoise, sa femme, j’ai lu ce texte lors de l’hommage officiel qui lui fut rendu, en la mairie de Forcalquier. On est toujours un peu bête devant les larmes, devant un départ aussi définitif. Les mots sont alors, à tout le moins, insuffisants. Mes pensées, ce matin, vont à celle et ceux qui l’ont entouré jusqu’à cette panne d’écriture qui devait signer la fin de son passage parmi nous, car la peine est pour eux, tandis que nous, nous pourrons toujours emboiter le pas à ses livres.)
Xavier Lainé
Ginasservis, Manosque, 30 avril – 3 & 4 mai 2012