La vie s’enfuit, les pages demeurent

Publié le 05 mai 2012 par Xavierlaine081

A Pierre Magnan

Tu étais de ce pays

Pays secret

Rêvé

Désiré

Jamais atteint

Que dis-je

Tu étais ce pays

Disparu

Tu emportes avec toi

Un pan de notre mémoire

Lors mes yeux s’en retournent

En cette extrême vallée

Accueillante pour nos silences

Tu y marchais

Toujours du même pas

Le pays te portait

Sans un signe de fatigue

Tu marchais

Nul n’aurait su arrêter ta course

Rocs et lumière te happaient

Tu étais de cette nature

Ombre inexistante au dehors

Que tu portais en dedans

&

Le pays s’est mis à pleurer

A chaudes larmes

Pour accompagner ton âme

Au paradis des écrivains

Tu demeure immortel

Au seul pays des pages

Définitives

Jusqu’au bout du chemin

Les mots sont nos plus intimes confidents

Notre seule consolation véritable

Ils puisent en l’amour ou sa quête

L’imaginaire présence

Les mots frappant aux murs

En font tomber une à une

Les pierres jusqu’au silence

Vient un temps de mots épuisés

D’avoir trop vécu

Trop souffert

Au bout de ce monde

Ne peut advenir que silence pudique

Sur l’existence atrabilaire

Nul ne s’est encore

Vraiment éloigné

De Neandertal

Ou Cro-Magnon

Sinon par bribes tendres

Tendues entre les lignes

Ton héros ressuscité

Ta vie s’écrit à l’encre sympathique

Juste avant de franchir

La porte définitive

Au secret des andrones

Se prolonge la vie

En pages éclatantes

Peut-être as-tu suivi

Laure rêvée

Toujours rencontrée

En mains et pensées amoureuses

Accompagnant tes pas

Juste avant qu’ils ne s’en retournent

Comme le gant de la vie

Qui se poursuit

A l’envers du décor

Un écrivain ne meurt jamais

Toujours palpitant

A l’endroit de ses pages

(Dimanche, alors que nous parvenions en ces lieux d’isolement où les rêves peuvent courir en liberté, la nouvelle me parvenait du départ de l’ami Pierre. Dans nos multiples rencontres, nous n’avions jamais parlé de littéraure, le monde et ce pays que nous aimions de concert, quoique différemment nous préoccupait bien plus que nos pauvres écritures. Et je ne suis même pas sûr d’avoir causé un jour de cette passion. Hier, à la demande de Françoise, sa femme, j’ai lu ce texte lors de l’hommage officiel qui lui fut rendu, en la mairie de Forcalquier. On est toujours un peu bête devant les larmes, devant un départ aussi définitif. Les mots sont alors, à tout le moins, insuffisants. Mes pensées, ce matin, vont à celle et ceux qui l’ont entouré jusqu’à cette panne d’écriture qui devait signer la fin de son passage parmi nous, car la peine est pour eux, tandis que nous, nous pourrons toujours emboiter le pas à ses livres.)

Xavier Lainé

Ginasservis, Manosque, 30 avril – 3 & 4 mai 2012