Le petit chat

Publié le 08 mai 2012 par Araucaria
Photo l'Internaute © Thérésa Mondello



Le petit chat


C'est un petit chat noir effronté comme une page,
Je le laisse jouer sur ma table souvent,
Quelques fois il s'assied sans faire de tapage,
On dirait un joli presse-papiers vivant.

Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge;
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces minets tirant leur langue de drap rouge
Qu'on fait pour essuyer les plumes ressemblant.

Quand il s'amuse il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
Le frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe; et dès lors il est à son affaire
Et l'on entend pendant qu'il boit un clapotis.

Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

Alors il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l'air étonné d'avoir déjà fini.
Et comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.

Ses yeux jaune et bleu sont comme deux agates;
Il les ferme à demi, parfois en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.


Edmond Rostand - Musardises -