19h00. C’est dans une perpendiculaire de la rue de la Roquette que l’on croise les premiers grumeaux de badauds. Il est encore tôt, mais le quartier est bien plus bondé que d’ordinaire. Les visages sont détendus. Ici et là, ça sirote des bières, du vin, du champagne dans les verres en plastoc, avec des sourires sereins. La foule se densifie rapidement, mais on respire encore. Plus on avance vers la place de la Bastille, plus on prend conscience la grosse fiesta qui se prépare.
Une émotion rationnelle me noue la gorge. On allait vivre un truc incroyable. Le 81 de nos aînés.
À vrai dire c’est la première fois que je vis une présidentielle comme celle-ci, de manière aussi engagée. En 2002, j’ai dit « putain de merde » comme tout le monde, mais je n’avais pas voté. La première fois que j’ai glissé le bulletin dans l’urne, c’était en 2007. 5 ans après, j’avais envie de faire en sorte qu’on ait plus jamais ça. Cette médiocrité politique qui fout la honte certains jours.
De manière générale, la politique ça m’emmerde. Ça me parle moyen. Ces derniers mois, j’ai suivi tout ça d’un peu plus près, comme un sursaut avant le départ. Lui et moi avons voté massivement. Aux primaires, au premier tour, au second tour, on fera la procuration pour les législatives. J’ai collectionné les Une de Libé pour les gosses plus tard.
19h55, Je regarde l’écran géant mal calibré. 5 minutes avant l’annonce des résultats, la foule scandait l’écran! l’écran! l’écran! Il fout quoi le technicien. Allez là!
Les yeux humides, le coeur serré, c’était mieux qu’à la télé. Autour de nous, on voyait bien que les gens voulaient crier victoire avant l’heure, mais tout le monde se contenait pour exploser à l’unisson. C’était comme dans un film trop niais, j’avais envie de serrer tout le monde dans mes bras. Les voisins distribuaient une tourné de rouge, mais y en aura pas pour tout le monde. Des drapeaux de tout horizon virevoltaient, les couleurs européennes flottaient également au dessus de la Bastille. Le peuple de France exprimait sa liesse dans une diversité et une fraternité à faire vomir Marine.
Ça criait de partout. Ça scandait des cris de victoire. On a gagné. On a gagné. Sarkozy c’est fini. François Président.
La Bastille ne désemplira pas jusqu’à 1h. Les concerts se succèdent (Joyce Jonathan WTF ?). Le son est mauvais. Même lorsque le discours – prononcé à Tulle – du nouveau président est retransmis, on peine à entendre. Les murs d’humains ne me permettent pas de capter les sous-titres. Heureusement qu’un homme près de nous se mit à lire le discours, tel un doubleur providentiel.
La nuit est vite tombée, pas l’euphorie. Alcool, musique, ivresse, fête collective, espoir retrouvé.
Minuit et demi, juste après le Cargot de Nuit d’Axel Bauer, François fait son apparition sur la scène. Un mini discours plus tard, près de 200 000 personnes entonnent La Marseillaise d’un seul coeur.
Le 6 mai 2012, on était là et c’était dur de ne pas avoir des frissons.