Sarkozy a failli réussir sa sortie.

Publié le 09 mai 2012 par Juan
Il avait raté son quinquennat, mais il ne voulait pas rater sa sortie. Son discours d'adieu, dimanche 6 mai 2012, vers 20h20, était aussi digne qu'inespéré. Pas complètement digne, pas complètement espéré.
Deux jours après, l'hommage du 8 mai, avec le président élu François Hollande fut également digne. Nécessairement digne.
Certains commentateurs en furent surpris.
Un signe qui ne trompe pas.
Quel discours ?
Il s'était pris un gros coup sur la tête. Son discours d'adieu ne ressembla pas à son quinquennat. Nicolas Sarkozy était donc encore capable de changer. Sa sincérité est toujours réelle, mais dans l'instant, immédiate, évolutive. Sa temporalité n'est pas la même que la nôtre.
Il ne voulait pas raté sa sortie si sa sortie était sincère. Il avait promis d'arrêter. Mais nous le retrouverons. Pour l'instant, reconnaissons que son quinquennat ne fut pas à la hauteur de son discours d'adieu, par ailleurs évidemment trop narcissique. Ce soir-là, Nicolas Sarkozy avait calmé une salle remplie de Sarko-fans en rage et en colère. Nous nous disions, de l'autre côté, qu'il avait eu le cran de calmer ses fans.
«Mes chers amis, mes chers compatriotes, le peuple français a fait son choix » ... Hurlements, sifflements... « si vous me faites confiance... » Il leva la main, pour calmer l'assistance... « je vous le demande, je vous demande d'écouter ce que j'ai à vous dire...j'ai beaucoup réfléchi, et nous parlons ... de la France. La France a un nouveau président de la République, c'est un choix démocratique, républicain, François Hollande est le président de la France et il doit être respecté. J'ai beaucoup souffert que l'institution que je représente n'ait pas été respectée, ne donnons pas le mauvais exemple. » La salle était presque calme. Mais Nicolas Sarkozy ne voulait pas tout concéder. Il voulait affirmer qu'il restait meilleur que les autres, meilleurs que les autres.
Il lâcha cette phrase improbable, un soir de réconciliation démocratique:
« Je ne serai jamais comme ceux qui nous ont combattu. Nous aimons notre pays. » Que voulait-il dire ?
« Je veux... Je viens de l'avoir au téléphone et je veux lui souhaiter bonne chance au milieu des épreuves. Je souhaite de tout coeur que la France qui est notre pays, qui nous rassemble, réussisse à traverser les épreuves car il y a quelque chose de beaucoup plus grand que nous, c'est notre pays, c'est notre patrie, c'est la France. Nous devons ce soir uniquement penser à la grandeur de la France, et au bonheur des Français. C'est notre rôle, c'est notre devoir. Je veux remercier tous les Français pour l'honneur qu'ils m'ont fait de m'avoir choisi pour présider notre pays pendant cinq ans. Jamais je n'oublierai cet honneur et dans la vie d'un homme. C'est à moi de dire merci, c'est à moi de dire merci, car dans la vie d'un homme, présider la France c'est quelque chose que je ne pourrai jamais oublier, c'est un honneur immense ». 
 Il manqua un sanglot. On sentait l'émotion. C'était émouvant. Reconnaissons-le,
«J'ai consacré toute mon énergie, de la première à la dernière seconde. J'ai essayé de faire de mon mieux pour protéger les Français des crises sans précédent qui pendant ces 5 années ont ébranlé le monde pour que la France en sorte plus forte. J'en ressors, mes chers compatriotes, avec un amour de la France plus grand encore, avec un attachement pour le peuple français plus fort encore, et j'en ressors avec plus d'admiration encore pour ce que les Français sont capables d'accomplir dans les situations les plus difficiles. Je veux remercier les millions de Français qui ont voté pour moi.»
La séquence était presque factice. Nicolas Sarkozy se découvrait rassembleur, pour son dernier meeting, son dernier discours de président. 
« J'ai tout fait pour faire gagner les idées qui nous rassemblent, je n'ai pas ménagé ma peine, je me suis engagé totalement. Mais je n'ai pas réussi .... Je n'ai pas réussi à convaincre une majorité de Français. Vous m'avez aidé d'une manière extraordinaire, vous m'avez soutenu. Ensemble, nous avons fait une campagne inoubliable contre toutes les forces, et Dieu sait qu'elles étaient nombreuses coalisées contre nous. Mais je n'ai pas réussi à faire gagner les valeurs que j'ai défendues avec vous et auxquelles je suis profondément attaché. Je porte toute la responsabilité de cette défaite. » 
Hurlements: « non! nooooooon! non! nooooooon!  » Une partie de la salle était en pleurs.
« Je vais vous dire pourquoi. Je me suis battu sur la valeur de la responsabilité et je ne suis pas un homme qui n'assume pas ses responsabilités... Jamais... Je suis le président... j'étais le chef... Et quand il y a une défaite, c'est le numéro un qui en porte la première responsabilité. Il me faut en tirer toutes les conséquences. Je vous demande de m'écouter parce que rien de ce que j'ai dit dans cette campagne n'était factice. » 

Il enchaîna sur un moment narcissique, son nombril, ses états d'âme. Lui et la France. Il ne voulait pas qu'on l'oublie. Qu'il se rassure.
«  Quand j'ai parlé de vous... Je parlais de la France. Et quand, à de très brèves occasions, j'ai parlé de moi, pour vous dire les choses du fond de mon coeur... Je veux que vous puissiez y réfléchir... et comprendre que quand on défend des valeurs, la seule façon d'être crédible, c'est de les vivre. Et je le dis notamment aux plus jeunes... Il y a trop de discours avec des mots qui sont prononcés qui ne veulent rien dire... parce que ceux qui les prononcent vivent le contraire de ce qu'ils disent. ... Laissez moi cette liberté très grande de vivre en accord avec ce que je pense.»
Il était ému. C'était compréhensible.Il voulait qu'il se retirait. Pouvait-on le croire ? Nicolas Sarkozy faisait campagne pour sa réélection depuis plus de 2 ans, mais ne l'avait avouer que mi-février. Que penser de ses promesses d'avenir ?
« Et laissez moi cette preuve d'amour pour la France... (Il leva les yeux au ciel), et lui dire jusqu'au bout ma part de vérité. Une autre époque s'ouvre...  Dans cette nouvelle époque, je resterai l'un des vôtres... Je partage vos idées, je partage vos convictions... Votre idéal, c'est l'idéal de toute ma vie... et vous pourrez continuer sur moi pour les défendre ces idées et ces convictions, mais ma place ne pourra plus être la même. Après 35 ans de mandat politique... Après 10 ans, ... cela fait 10 ans que chaque seconde, je vis aux plus hautes responsabilités au niveau gouvernemental... ça fait 10 ans! Après 5 ans à la tête de l'Etat... mon engagement dans la vie de mon pays sera désormais différent... Mais les épreuves, les joies, les peines ont tissé entre nous des liens que le temps ne distendra jamais. Et au moment où je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français... Plus que jamais, j'ai l'amour de notre pays... et je vais vous dire une chose... que je vous demande de retenir et de bien comprendre, jamais, mes chers compatriotes, je ne pourrai vous rendre tout ce que vous m'avez donné. Vous m'avez tellement donné.»
 
Images de militants, très jeunes ou très vieux, en pleurs. « Nicolas ! Nicolas ! Nicolaaaaaas ! »
« Pensez à la France, pensez aux Français, pensez à son unité... et j'vais vous dire une chose du fond de mon coeur... J'ai été bouleversé par ces foules, par ces réunions, par tous ces Français qui étaient à mes côtés... Je veux vraiment vous dire que vous ne pouviez pas me faire un plus beau cadeau, que vous ne pouviez pas donner une plus belle image de la France. »
De quoi parlait-il ? Des crachats sur des journalistes dans l'un de ses derniers meetings ? Des accusations de lâcheté, couardises et anti-France contre son contradicteur ?
« Alors, ce soir, donnons la meilleure image de la France, d'une France rayonnante, d'une France qui n'a pas de haine au coeur, d'une France démocratique, d'une France joyeuse, d'une France qui ne baisse pas la tête,  d'une France ouverte, d'une France qui ne regarde pas l'autre comme un adversaire, comme un ennemi, une France qui a su gagner avec moi en 2007 et qui sera en 2012 reconnaître la défaite, une France qui sait que la vie est faite de succès et d'échec, et qui sait qu'on est grand et qui sait qu'on est grand dans l'échec... Soyons digne, soyons patriote... soyons Français... »
Il était digne, patriote et évidemment Français en disant cela. Mais il dérapa immédiatement dès la phrase suivante:
« Soyons exactement le contraire... le contraire de l'image que certains auraient voulu donné dans un cas inverse. Vous êtes la France éternelle. Je vous aime... merci. Merci à tous... »
Le discours avait duré 10 minutes et quelques secondes. Il fut digne par moment, glaçant par d'autre. Comme si Nicolas Sarkozy atterrissait enfin en République française avec 5 années de retard. La France éternelle ? Quelle formule ! Elle était empruntée à de Gaulle, prononcée au lendemain de la Libération. Sarkozy venait de perdre. Prenait-il sa défaite pour une libération ?
Sur le moment, nous avons eu peur. Pourquoi Nicolas Sarkozy avait-il besoin de demander à ses partisans les plus chauds, réunis à la Mutualité un soir de défaite annoncée, qu'il fallait respecter le vote des Français ?

Discours de Nicolas Sarkozy à La Mutualité par NicolasSarkozy
Devant la flamme
Mardi, nous étions le 8 mai. Il fallait se montrer, encore une fois. Une cérémonie officielle, devant l'Arc de Triomphe, pour raviver la flamme du soldat inconnu. L'image d'un président sortant guidant simplement le président élu était évidemment belle. L'image était évidente. Il était inutile de louer l'attitude républicaine de Nicolas Sarkozy, personne n'aurait compris tout autre comportement. Au sommet de la maladie, François Mitterrand avec Jacques Chirac avait procédé de même en 1995.
La surprise était ailleurs. Elle était dans l'image d'une France réconciliée pour quelques instants, en l'honneur des soldats morts pour la patrie. Elle était souhaitable, mais la violence des attaques ad nominem contre François Hollande dans les dernières semaines de campagne ne laissaient pas nécessairement prévoir une attitude si conciliante de Nicolas Sarkozy 48 heures après la défaite. Fallait-il qu'il croit que le combat passé méritait tous les excès ?
L'image d'une France réconciliée était bienvenue. Nicolas Sarkozy ne veut pas rater sa sortie.
Il reste les élections législatives de juin.