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Un métier disparu: le laitier

Publié le 10 mai 2012 par Journalvernois

Aujourd’hui je veux vous parler d’un métier que j’ai vu disparaître: le laitier. Mais ce laitier là n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui, au volant de son camion à la citerne en inox rutilant, qui sillonne les campagnes et va se remplir de lait puisé dans les tanks réfrigérants d’exploitations spécialisées. Ce lait on va le retrouver dans les grandes surfaces, transformé, concentré, en tubes, en poudre ,en briques, écrémé, demi-écrémé, stérilisé, etc… pour moi dénaturé, avec à peu près autant de saveur que de l’eau.
Jusque dans les années 1970, on pratiquait vraiment la polyculture dans la région et dans la plupart des fermes on trouvait des vaches laitières, souvent des montbéliardes et des normandes au lait très gras. L’activité lait était souvent le domaine de la fermière qui faisait crème, beurre, fromage ou vendait la production au laitier.
Chez nous c’est ma mère qui s’occupait du lait. Elle trayait à la main matin et soir, parfois aidée par mon père . Le lait était filtré (à travers un linge ou un filtre en coton) et mis dans un bidon (on disait la cruche). Pour une meilleure conservation, éviter que le lait ne « tourne » le bidon contenant la traite du soir était plongé dans un baquet d’eau froide ou même dans le ruisseau, ce qui assurait un refroidissement un peu plus rapide. La traite matinale ne subissait pas le même sort car les cruches des 2 traites étaient emportées,tôt le matin, à pied, ou suspendues au guidon d’un vélo, au bord de la nationale et déposées à l’ombre de la haie en attendant le passage du laitier. Si un bidon n’était pas plein ras bord, on mesurait la quantité avec une jauge graduée et on coinçait dans le bouchon un papier indiquant le nombre de litres. . La quantité journalière livrée était notée sur un carnet.
Pour collecter le lait, tous les jours sans exception, le laitier était équipé d’un fourgon dans lequel étaient installés une cuve en métal galvanisé, (la même que certains emploient encore aujourd’hui pour transporter l’eau aux animaux) et des bidons de 20 litres. La cuve recevait la majeure partie du lait collecté qui allait être travaillé à la laiterie. Dans les bidons il mettait le lait destiné à la vente immédiate. Il privilégiait celui provenant d’exploitations où il savait la fermière méticuleuse et travaillant proprement et où il trouvait un lait de qualité. Il n’hésitait d’ailleurs pas à le goûter. Après son passage, dans la matinée, on allait récupérer les cruches vides. Vers la fin du mois le laitier coinçait à son tour dans le bouchon un papier sur lequel était inscrit: « paye demain ». Alors on allait attendre son passage, on comparait si la livraison mensuelle notée par chacun correspondait et il payait sur le champ, en espèces. C’était le moment d’échanger quelques mots,de parler travail ou prix du lait.
Sa collecte terminée, le laitier se rendait au bourg d’Etang, et dans d’autres villages sûrement, s’arrêtant de quartier en quartier. Les ménagères étaient prévenues de son arrivée par un avertisseur deux tons puissant et insistant. On ne pouvait pas ne pas l’entendre. Il servait en lait et en crème ses clientes accourues avec leurs récipients avec ses mesures en fer blanc d’un litre, un demi-litre ou quart de litre selon la demande. Il vendait également fromage et beurre frais . Les gens achetaient un laitage frais à la saveur évoluant avec les saisons, produit localement. On ne parlait pas de nombre de germes au cm3, de taux butyreux ou de normes européennes. Le lait n’était pas « tripatouillé » par les industries et je n’ai jamais entendu parler de personnes intoxiquées de quelque façon que ce soit par les produits de notre laitier….. peut-être un crise de foie de temps en temps d’avoir trop mangé de crème, par gourmandise, tant elle était bonne. La propreté était de rigueur quand même. Si il ne trouvait pas les cruches assez propres à son goût il n’hésitait pas à mettre de la terre à l’intérieur déjà pour faire part de son mécontentement mais obliger à un nettoyage plus approfondi.
Puis un jour le laitier prit sa retraite. Il y eut des successeurs qui ne tinrent pas longtemps, faisant mal leur travail, payant mal, voire pas du tout. Il faut dire que ce ne devait pas être bien intéressant de faire des km pour quelques bidons de lait. La petite laiterie des Quatre-Vents a fermé. Ce fut la fin des vaches laitières à la ferme de Vernois.

A bientôt


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