Elle me dit qu’il faut me reposer, que c’est le repos du guerrier, que je l’ai bien mérité. Je regarde les fils intraveineux qui pendouillent autour de moi. Je ne vois pas bien où est le mérite. C’est normal, je n’ai aucune psychologie.
Je regarde par la fenêtre. Des arbres oscillent. Tout aussi incertains en dépit de leur longévité. Elle a ramené une photo de mes parents. Dans un petit cadre orné, un vieux photomaton en noir et blanc des deux. Lui, prêt à fuir, un peu voyou, elle, aguicheuse et sexy, l’embrassant au coin de l’oreille. Je les envie.
Ma maladie n’a rien de glamour. Burn out. Le mot porte en lui toutes les raisons pour lesquelles je suis là. Il s’enchaîne parfaitement avec ces autres qui sont management, réussite, objectifs ou résultats. Ma ligne d’horizon a été noyée sous des chiffres auxquels je ne comprends plus rien.
Elle me donne des nouvelles des uns des autres. Peut-être serait-il temps de rentrer en France, me suggère-t-elle. Je hausse les épaules et balaie la question.
Que me restera-t-il si je n’ai même plus mon exil ?
Elle se moque de moi.
« Tu veux que je te dise ? Tu n’es qu’un fétichiste de l’ailleurs. Tu ne rêves que de l’empreinte de ce qui vient de disparaître. Pour toi, la vie n’est qu’une forme en creux. Un bas déchu, un gant oublié, un soulier vide. »
Et puis, elle en a assez. Elle s’en va et ferme la porte derrière elle.