J’ai rêvé d’une langue inconnue. J’ai rêvé d’une langue inconnue, et c’était comme si chaque syllabe éclatait tel un fruit dans le silence de mon esprit. Le murmure du sommeil m’a portée loin cette nuit, si loin de mes rivages, si loin des champs familiers qu’il m’a semblé finalement sombrer au son de mots incompris. Mais ils étaient parfaits, ces mots, et je les entendais me tirer toujours un peu plus profond vers l’inconnu, et je sentais chaque lettre s’inscrire dans ma chair , et je me sentais devenir matière même de ce langage qui n’était pas le mien, qui n’était que le balbutiement du rêve. Qui était. Il y avait un secret dans cette chanson lointaine. Il y avait des phrases au rythme inattendu, un balancement de deux temps qui ne ressemblait à rien, une mesure d’ailleurs qui faisait pourtant vibrer mon corps. Il y avait des mots achevés.
J’ai essayé de les enfiler au fil de ma mémoire alors que le jour revenait. J’ai tenté d’en retenir au moins l’écho, ou le son, ou juste le souvenir de les avoir entendus. Parce que j’ai rêvé d’une langue inconnue, et c’était comme si ma voix devait se taire de n’avoir jamais pu la pratiquer. Parce que j’ai rêvé d’une langue inconnue, et que je ne m’en souviens plus.