Quatre ans après Le Cœur cousu, Carole Martinez signe un second roman captivant et poétique, qui témoigne une fois encore de sa fascination pour « la matière féminine ». Les jouvencelles du Moyen-âge ont remplacé les fières andalouses du XIXe siècle, mais les deux récits semblent taillés dans un même bloc de pierre : l’auteur laisse libre cours à son imagination, puisant dans les mythes et les légendes pour mieux questionner le sort des femmes à travers les âges. Magiciennes, sorcières, saintes, fées… Elle dépeint des créatures à la fois mystiques et sensuelles, baignées dans un climat onirique.
Mais elle aime surtout les « femmes à culotte », parvenues à s’émanciper de l’ordre masculin. « Il me semblait parfois que les Murmures s’étaient définitivement dégagés du pouvoir des hommes », s’étonne la recluse. En refusant d’épouser un seigneur qu’elle honnit, Esclarmonde brise les chaînes du silence et accède au pouvoir : son emprisonnement a la douceur d’une libération. Ce sacrifice n’est pas sans rappeler celui de Frasquita Carasco, l’héroïne du Cœur cousu. Jouée et perdue par son mari lors d’un combat de coqs, elle avait décidé de déserter la couche nuptiale et de partir sur les routes d’Espagne, avec sa tripotée d’enfants comme seul viatique. « Toutes ces histoires nous disent que les hommes sont des salauds et que les femmes doivent tenir les cordons de la bourse, reconnaît Carole Martinez, amusée. Mais les deux livres aboutissent à une réconciliation entre les sexes. »
L’enfermement d’Esclarmonde n’est jamais un obstacle à l’enchantement du lecteur.
Camille P.
Du domaine des murmures, Gallimard, 2011
Le Coeur cousu, Folio, 2007