Vous ne trouvez pas que ce titre de billet sonne comme un roman à l’eau de rose, un roman où notre héroïne aurait enfoui, tout au fond d’elle, des souvenirs cruels, qu’elle tenterait par tous les moyens de rattraper. Elle voudrait retrouver sa mémoire enfuie, et elle y parviendrait grâce à l’aide d’un prince presque charmant, ils se marieraient et auraient beaucoup d’enfants.
Et bien vous voyez, ce n’est absolument pas de cela dont il s’agit.
Je l’ai déjà dit, Marie Laforêt a bercé mon enfance. Pour certains, c’est Johnny, pour d’autres Cloclo, pour d’autres encore Elvis, moi c’est Marie.
Mais vous n’imaginez peut-être pas à quel point. Durant des mois, des années, des soirées entières, je m’endormais, dans mon petit lit une personne, avec mon tourne-disques (que celui qui pense « hein, tu as connu les tourne-disques ? » tourne sept fois sa langue dans sa bouche, s’il ne veut pas avoir mes cinq marionnettes dans son théâtre – copyright mes collègues qui m’ont appris cette expression made by trucmachin), donc avec mon tourne-disque derrière la tête. Et, mois après mois, année après année, soirée après soirée, j’écoutais inlassablement deux doubles albums de Marie. Mais vraiment inlassablement.
Au point que, et vous devez connaître ce phénomène qui se produit avec tout album écouté en boucle, dès les dernières notes d’une chanson, je connaissais les premières notes de la suivante. Vous avez ça aussi, hein, vous ? Moi j’ai ça souvent, actuellement, mais j’imagine que les disques de Marie furent ma première expérience du genre.
Depuis l’enfance donc, je n’ai plus jamais réécouté ces 33 tours, ou alors vraiment occasionnellement. J’ai donc acheté un quadruple CD de Marie, reprenant ses succès, dont une majorité figurait sur lesdits 33 tours, mais pas tous, tout en proposant des morceaux que je ne connaissais pas. Jolis morceaux.
Mais, inévitablement, à chaque écoute de ces quatre CD, lorsqu’arrive la fin d’un morceau, je connais le suivant. Inévitablement, cela ne correspond pas. Horripilant. Frustrant. Exaspérant. Et puis étonnant, tant d’années plus tard, alors que je n’ai plus jamais réécouté ces vinyles, de toujours avoir cela dans le fond de ma mémoire. Sans oublier les paroles, jamais oubliées non plus, malgré le silence absolu durant quelques décennies. Le cerveau est bien étrange et performant, ma bonne Dame.
Et puis, en 2009, j’ai hérité d’un double CD de Marie, que je ne connaissais pas. Je l’ai pieusement rangé sans l’écouter.
Je l’ai retrouvé récemment, je l’ai posé près de ma chaine hi-fi, à nouveau sans l’écouter.
Puis tout à l’heure, mue par une pulsion que je vous expliquerai prochainement (une rencontre boum boum), j’ai décidé d’écouter ce double CD.
Et, inévitablement (bis), à la fin de chaque morceau, le morceau suivant a surgi dans ma mémoire. Pif paf pouf, naturellement, comme lorsque j’étais haute comme trois reinettes et que je m’endormais au son de Pegao, de La cavale ou de Henri Paul Jacques ou Lulu.
Mais cette fois, j’étais dans le bon. Ce double CD est le 33 tours de mon enfance. Du moins l’un des deux. La couverture n’a rien à voir. Le second CD non plus. Mais c’est bien ça !
Si c’est pas du bonheur, je vous le demande, keske c’est ?
Enfin, je peux réécouter Marie, ma mémoire peut faire des exploits, elle qui n’a rien oublié, le tout sans la frustration de ne pas entendre le morceau attendu.
Du bonheur je vous dis !
Et pour qu’il soit parfait, reste juste à avoir un autre coup de pouce du destin pour avoir l’équivalent du second 33 tours.
Et vous, c’est quoi la musique de votre enfance, celle que votre cerveau n’oubliera jamais, même cinquante ans plus tard ?