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Dominique A – Y Revenir (Stock)

Publié le 19 mai 2012 par Routedenuit
Dominique A – Y Revenir (Stock)

(c) Audrey Cerdan/Rue89

Il neige ce matin, dans la rue des Marais. David court, et je lui cours après. La sonnette a parlé. Tournez vos sabliers. Et la blouse verre d’eau, pénètre sous la peau. 16 heures 30 les cris, les sabliers vidés, bientôt j’écrirai tout, quand je saurai viser.”

Il est des voyages qui ne se font qu’à l’envers, de l’arrivée au point de départ. Voici l’objet du dernier livre de Dominique Ané paru chez Stock, intitulé “Y revenir”. Pour ce second ouvrage, il retrouve Provins, la ville de son enfance et de son adolescence, ainsi que son nom de famille en guise de signature. Il l’avait déjà fait au fil de ses chansons, mais cette fois-ci, c’est le livre qu’il choisit pour explorer cette relation paradoxale que l’on entretient avec les lieux que l’on quitte.

Car paradoxe il y a. Ce texte revient sans ambages sur ce besoin que l’on a parfois de réinvestir les endroits qui nous ont vus grandir, pour mesurer l’intensité du fil qui nous relie encore – peut-être – avec celui que l’on était auparavant. Avant de partir. Avant de fuir l’immobilisme de cette ville de Provins qui semble avoir été figée dans le temps, qui devient la toile blanche sur laquelle Dominique A projète ses souvenirs.

Il nous raconte l’école, le sentiment d’être déjà différent, la difficulté de porter un tel nom, au milieu d’enfants qui ont la finesse de leurs âges. Les premiers contacts avec la musique, sa voix et les vinyles que son ami Vincent, plus téméraire que lui, piquait chez le disquaire du coin. C’est un livre sur le vieillissement, sur la tendresse et la gêne de l’on éprouve ou pas à l’encontre de l’enfant que l’on a été. À travers ce parcours qu’il effectue dans les rues de son adolescence, Dominique A se rend compte que ce n’est pas le lieu qui est responsable de sa nostalgie, mais que celle-ci prend sa source ailleurs. Les lieux d’enfance ne sont que des réceptacles, des coupables idéaux. La nostalgie vient de plus loin, l’on comprend qu’elle est ancrée en nous au-delà de la géographie. Là est tout l’intérêt de ce texte.

Au-delà de cette réflexion, ce qui est véritablement frappant, c’est que le récit ne comporte que très peu de métaphores. Rien n’est évité. Dominique A a trouvé le moyen d’évoquer la complexité de ce paradoxe en utilisant des mots dont le sens n’est jamais figuré. De là, on retrouve de la brutalité, quitte à ce que certaines anecdotes restent incomplètes et suscitent la frustration du lecteur.

Toujours est-il que Dominique A réussit parfaitement à poser les bases d’une réflexion sur l’immobilité et les perceptions d’enfance, le tout grâce à sa pudeur et son honnêteté, qui lui permettent d’évoquer l’essentiel, sans jamais en dire trop. Un livre à ne pas manquer.

La perche dans le chlore, me semble hors de portée. Dans un instant, je plonge, le monde aura gagné. Dans le square la roue tourne, tranchante, dentelée. Le genou comme la pierre, s’en va cicatriser. Une ville a deux versants, haute et basse m’obsèdent, tout m’y est arrivé. Et depuis je décline sur tous les tons la tristesse, qu’elle m’a refourgué.

 Y Revenir – de Dominique Ané, aux éditions Stock. 96 pages, broché (mai 2012).



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