J’ai vu les affiches immenses dans le métro. J’ai entendu quelques commentaires à la radio. J’ai lu des critiques dans les journaux sans que jamais je n’aie envie de lire la fameuse trilogie policière suédoise intitulée “Millénium”. Je m’étais faite piéger, il y a un lustre, par Da Vinci Code, dont j’avais tourné les pages avec voracité avant de me rendre compte que non seulement l’histoire était bidon, mais que le style laissait largement à désirer et que, au bout du compte, je n’avais rien retiré du tout de ce pavé, si ce n’est la satisfaction (??) d’avoir versé 15 ou 18 euros à l’éditeur et grossi le nombre des gogos victime d’une belle campagne de marketing, bien orchestrée.
Donc ma fermeté n’avait de corollaire que mon indifférence : Millénium ne passerait pas par moi.
Mikaël Blomkvist, le type même du journaliste énervant. Je me l’imagine beau grand Suédois blond athlétique mais pas trop. Enervant, vous dis-je. Il investigue mieux que la police, au risque d’y laisser quelques plumes. Pas très loin de lui navigue une punkette déjantée, fille d’une brute psychopathe pur sucre, ultra-super-bonne pirate informatique dont la vie a été plutôt difficile. Personnages hors normes, pas forcément sympathique mais humains, terriblement humains, situations abracadabrantes et pourtant tellement réelles, peinture sans concession d’une société - pour moi - largement méconnue et pourtant à ma porte : tous les ingrédients sont là pour faire de Millénium ce qu’il est : un vaste roman policier palpitant.
Il y a quelques années, j’avais été passionnée par les romans signés par un couple de Suédois, Sjöwall et Wahllöö. une dizaine de volumes qui, à travers des intrigues policières singulièrement bien ficelées, brossaient un portrait dur, presque désespéré de la Suède des années 1980. Je retrouve la même impression dans Millénium, à croire que les écrivains venus du froid ont (presque) tous le même regard. Loin de l’image construite jusqu’alors d’un blanc pays, hâvre de douceur et société quasi idéale. Enfant, j’avais lu Selma Lagerlöf et bâti, comme Nils Holgerson sur de dos de l’oie, une géographie rêvée. J’avais ensuite beaucoup aimé la poésie “méditerranéenne” d’Axel Munthe et de son Livre de San Michele. Aussi, quelle dure descente dans une autre réalité que la lecture de Maj Sjöwall et Per Wahllöö et, aujourd’hui, de Stieg Larsson.