Les américains boudent la science. Bon d’accord, les Etats-Unis continuent de « produire » au moins trois fois plus de diplômés scientifiques* que n’importe quel autre pays de l’OCDE, mais ce n’est pas (plus) la « voie royale » préférée des étudiants. Et de très loin. Seuls dix étudiants américains sur mille choisissent une spécialisation scientifique. C’est deux fois moins qu’en France (20,5/1000), une des championnes de la catégorie avec l’Allemagne et la Finlande.
En plus de l’effort de travail souvent plus important dans les filières scientifiques, la doctrine politique républicaine qui s’acharne depuis dix ans à ramener le fait scientifique au rang d’opinion plus ou moins respectable —et à réduire les budgets de recherche fédéraux en conséquence— est sans doute également responsable de cette relative désertion par les étudiants. Le résultat est que moins de la moitié des américains pense que la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces est la meilleure explication de l’origine de l’Homme**, et que moins de 60% restent aujourd’hui convaincus par l’évidence scientifique du changement climatique (contre 80% en 2006)***.
Malgré (ou à cause de ?) cette récente défection dans l’opinion, l’école publique fait la part belle aux disciplines scientifiques en Californie. Maths, physique, sciences naturelles et informatique sont les stars des cursus primaires. Et comme tout dans la culture américaine, l’accent est mis sur le processus expérimental, davantage que sur la théorie. Le couronnement de l’année scientifique scolaire, c’est « Science Fair » (la foire scientifique), où les élèves sont invités à présenter un projet scientifique personnel devant un jury de professeurs indépendants (i.e. n’enseignant pas dans la même école). Les sujets sont libres mais doivent inclure une expérience, et l’assistance des parents est fortement pénalisée (les élèves doivent expliquer leur démarche au jury et sont bombardés de questions pièges).
En emportant la première place dans la catégorie sciences naturelles de CE2, Juliette ne se doutait certainement pas que son père, français et cartésien, s’approprierait immédiatement la fierté de son effort sur son blog, dans un article sur la supériorité de l’esprit scientifique français. Et ce d’autant plus volontier qu’il ne s’est jamais lui-même distingué en la matière.
Le sujet de l’expérience : les aliments bio ont-ils meilleur goût**** ? Ben oui, ça semble évident dit comme ça, mais avez-vous jamais testé la part d’irrationnel qu’il y a à considérer que c’est forcément meilleur si c’est naturel ? L’expérience se base sur une dégustation aveugle de fruits, légumes et de tacos par un échantillon aléatoire d’habitants du quartier (ne me demandez pourquoi les tacos. C’est pas moi le scientifique). Chaque aliment était proposé à la dégustation dans sa version bio et non-bio. La scientifique de la famille étant seule à pouvoir les reconnaitre d’après une étiquette placée sous l’assiette.
Résultat : il n’est plus possible d’acheter des tacos bio à la maison, et les myrtilles nous coûtent une petite fortune.
* 210.000 diplômés américains par an en biologie, physique, maths et informatique (vs. 56.000 en France). (OCDE, 2009)
** Une majorité (52%) considère que l’homme est une création divine (Adam et Eve, littéralement), ou que l’évolution ne fût que l’outil de sa création (Pew, 2009)
*** Moins de 40% chez les sympathisants républicains.
**** Bon d’accord, j’avoue être intervenu sur le choix du sujet très marketing et californien. Mais c’est tout ce que Juliette aura obtenu d’assistance parentale monsieur le juge !