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Ceux qui rêvent éveillés

Publié le 22 mai 2012 par Jlk

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Celui qui vit du commerce des songes / Celle qui perçoit « des éclats de lumière venus d’une autre vague de temps » / Ceux qui parlent aux coquillages / Celui qui consulte le médecin du sommeil qui découvre que les animaux dont il rêve sont «à éclipses » / Celle qui ne ressent aucune menace liés à ses visions nocturnes / Ceux qui lisent au fond du lac en complicité phosphorescente avec le poisson-luciole / Celui qui sait que « poisson-chat sait » mais ne le divulguera pas même pour de la thune / Celle qui explore les cellules mnésiques des prisonniers muets / Ceux qui se retrouvent à la rue Traversière sans espoir de croiser ceux de la rue Jardinière à jamais parallèle et à l’infini / Celui qui collectionne « des mots, des vagues de souvenirs, des fleurs sauvages et des eaux-fortes, des présupposés, des phases de lune, des utopies nocturnes, des armes, des graines de beauté, des flacons d’ivresse, des bleuités et des susdits, des objets petits et gros » / Celle qui se sent en sécurité dans le cagibi aux mots-valises / Ceux qui se ménagent des ouvertures sur les mondes intérieurs / Celui qui est ferré en botanique sidérale et en histoire surnaturelle / Celle qui émarge au budget secret de la Police du cerveau / Ceux qui s’inquiètent de la protection du cerveau en cas de régime dur à bruit de bottes / Celui qui milite pour l’effacement des souvenirs inappropriés / Celle qui craint pour sa neurosécurité chaque fois que l’eau monte dans sa cellule d’abbesse crossée / Ceux qui cultivent un ou deux vices pour la forme / Celui qui conserve jalousement la Pièce à triple face / Celle qui prétend mieux entendre le « chant de la ville »  en se tenant au bord du toit / Ceux qui tombent à la renverse devant cette phrase écrite à l’encre bleue sur le registre de la Main-Courante de cette nuit-là : «Depuis sept jours et sept nuits Elle vivait là, penchée sur les phosphores des aubes mauves et douces, toujours nouvelles » / Celui qui passe de la contention du sous-verge à l’éclaircie du sur-continent dégagée par le souffle du poisson-lune / Celui qui chope la phtisie en léchant le timbre infecté / Celle que protège « l’art du rêve » mais pas toujours / Ceux qui ont glané la paille dans les champs de poutres / Celui qui se rappelle le nom de Cortazar en tombant sur une phase du genre : « De la sève du rêve germaient des lambeaux de poésie, des refrains sonores, des euphories, des plaintes, des cris » / Celle qui « le » fait parce que c’est cousu de fil noir sur sa peau blanche / Ceux qui pratiquent l’amour moderne sans déranger les files d’attente au péage / Celui qui a son effigie écorchée à l’Albertinum de Vienne et un reste d’économies à la Banque du Saint-Esprit / Celle qui vocifère in petto dans le Wagon Silence / Ceux qui remarquent que le dormeur Duval porte un galon rouge au côté gauche de son uniforme de soldat inconnu / Celui qui pose pour la postérité au seuil du Temple de l’Instant / Celle qui joue de la harpe éolienne avec des soupirs genre À la recherche du vent perdu / Ceux qui ont développé « des qualités majeures dans l’art de la fugue », etc.

(Ces notes ont été jetées en marge de l’ouvrage de Jean-Daniel Dupuy intitulé Le Magasin de curiosités, qui vient de paraître aux éditions Aencrages, à Baume-les-Dames)    


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