Elle se prenait pour une femme d’affaires...
Petit tailleur strict, grosses lunettes sur son visage de lune, la bouche pincée, le nez en l’air, elle avançait rapidement sur le trottoir, en tortillant de l’arrière-train d’un air affecté.
Si elle pensait ressembler à Marilyn en se déhanchant de la sorte c’était raté.
C’est du moins ce que pensait Jo qui la regardait de la fenêtre du premier étage alors qu’il était en train de donner le biberon à sa petite sœur, juste le temps que sa mère aille signer le recommandé apporté par le facteur.
Les gosses du quartier l’avaient surnommée « Lulu la pimbêche » depuis le jour où ils l’avaient trouvée dans la cabane en bois où ils se réunissaient, tels les disparus de Saint Agil, sur le terrain vague proche de l’immeuble où ils habitaient qui était aussi celui du bureau de Lulu.
Ce matin-là il pleuvait des cordes et Lulu trempée jusqu’aux os, avait pris refuge dans la cabane pour attendre que l’averse se calme.
Elle avait déposé la veste de son éternel tailleur et son sac façon croco sur un tabouret. En soupirant elle avait dégrafé son corsage et tentait de se sécher avec un kleenex.
Il faisait froid et ses cheveux qui dégoulinaient dans son cou la mettaient de méchante humeur.
Les gamins qui l’avaient vue entrer dans leur refuge secret s’étaient approchés, avaient entrebâillé la porte et la zyeutaient en se pressant pour ne rien perdre du spectacle.
Ces jeunes voyeurs faisaient là provision de souvenirs troublants qui allaient polluer leurs nuits adolescentes et donner du travail à leurs mères.
Tellement avides de ne rien louper, ils se pressaient les uns les autres et de pression en résistance, ils avaient fini par se faire repérer quand la porte s’était ouverte brusquement.
Lulu était resté un instant interdite et ils s’étaient retrouvés ainsi, face à face, la bouche ouverte, juste le temps que quelques anges passent puis, s’étant ressaisie, elle s’était mis à crier :
« voyous, voyeurs, sales garnements ! »
Telle une envolée de moineaux, la bande avait fui vers ses foyers respectifs sans demander son reste.
Alors la pluie avait cessé et Lulu la pimbêche, plus digne que jamais avait pris le chemin de son bureau.
De sa fenêtre Jo, se remémorait la scène avec dans l’œil une lueur espiègle en regardant Lulu disparaître au coin de la rue.
Toute ressemblance bla bla bla, etc.
©Adamante
Pour répondre à l'invitation de ABC Proposition :