Cela doit être désespérant d’avoir des malaises sans mettre le doigt dessus, en de consultations en consultations on parle de dépression, stress alors que c’est tout autre chose .. Le pire quand cette maladie n’est pas reconnu dans la province alors qu’ailleurs oui,
Nuage
Hypersensibilité environnementale: un mal obscur
Rohini Peris fait partie des 170 000 Québécois qui, selon Statistique Canada, souffrent d’hypersensibilité environnementale. Elle a fondé une coalition pour bannir les pesticides à Dollard-des-Ormeaux et a reçu tant de témoignages de gens qui souffraient qu’elle a eu l’idée de fonder l’Association pour la santé environnementale du Québec (ASEQ).
PHOTO: ALAIN DÉCARIE, COLLABORATION SPÉCIALE
Jessica Nadeau, collaboration spéciale
La Presse
Un nombre croissant de Québécois souffrent parfois terriblement d’hypersensibilité environnementale, un mal qui n’est pas reconnu par les autorités de la santé. Le point sur cette affliction aux causes mal connues qui provoque des douleurs bien réelles.
«Un jour, quand j’étais dans le sauna, j’ai vu une tache noire sur ma serviette. J’ai d’abord pensé que je l’avais mal nettoyée. Puis je me suis rendu compte que ça sortait de mon corps. Des gouttes noires et malodorantes. Je me sentais comme un dépotoir toxique.»
Rohini Peris fait partie des 170 000 Québécois qui, selon Statistique Canada, souffrent d’hypersensibilité environnementale, une maladie mal connue et controversée. Pour eux, tout contact avec des parfums, des produits chimiques, des pesticides, de la fumée, des moisissures ou des ondes électromagnétiques déclenche une réaction qui s’apparente à une allergie. Comme leur mal n’est pas reconnu au Québec, ils errent dans un no man’s land médical.
«On voit de plus en plus de gens qui souffrent de maladies environnementales. Ils vont de médecin en médecin sans jamais obtenir de diagnostic. Et en médecine, quand on ne trouve pas le problème, on vient vite mettre une étiquette de maladie mentale: dépression ou troubles nerveux.»
Tel est le constat du docteur Barry Breger, l’un des seuls médecins de famille du Québec à diagnostiquer l’hypersensibilité environnementale, une maladie pourtant reconnue en Ontario.
«Un peu comme les canaris que l’on envoyait au fond des mines à l’époque pour tester la qualité de l’air, les hypersensibles sont les canaris des temps modernes. Nous les ignorons à nos risques et périls.»
À Ottawa, la Dre Jennifer Armstrong reçoit plusieurs patients québécois dans son cabinet qui applique une stricte politique sans odeur. Membre du Comité international de médecine environnementale, elle est reconnue au Canada comme experte. Étant donné qu’elle a une liste d’attente de trois ans, elle ne prend aucun nouveau client.
Elle raconte l’histoire de deux Montréalaises qui, désespérées, ont refusé de quitter son bureau avant qu’elle ne les soigne. Son doux visage s’assombrit en évoquant la triste histoire d’une patiente québécoise dont la maison était infestée de moisissures, ce qui a déclenché une réaction d’hypersensibilité.
«Il n’y avait aucune reconnaissance de sa maladie, aucune aide nulle part. Alors elle a mis fin à ses jours. Je ne peux pas faire de miracles.»
Brûler de l’intérieur
Marlene Higgins, résidante de Saint-Sauveur, est passée à deux doigts de se suicider. Elle a mis un sac de plastique sur sa tête. Mais elle n’a pas été capable d’aller jusqu’au bout. Pourtant, elle voulait mourir, car la souffrance était trop intense. Elle avait l’impression que son corps brûlait de l’intérieur. Elle a essayé mille cures et traitements alternatifs, mais ne voyait aucun espoir.
Elle ne pouvait plus sortir de chez elle, recevoir de visiteurs, voyager, aller au restaurant, avoir une vie normale. Et comme elle ne savait pas nommer le mal qui la rongeait, son entourage était incrédule.
«Les gens disaient: mais elle est craquée dans la tête, celle-là! Et les médecins me disaient de faire le ménage dans ma tête, que j’allais guérir.»
Sa vie a changé du jour au lendemain lorsqu’elle est tombée sur un article du journal local qui parlait d’hypersensibilité environnementale.
«Finalement, je savais ce que j’avais. Et quand j’ai vu qu’il y avait d’autres gens qui souffraient comme moi, mon attitude a changé.»
Marlene Higgins, qui se fait désormais traiter par la Dre Armstrong à Ottawa, sait ce qu’elle doit éviter pour aller mieux. Elle passe parfois plusieurs jours consécutifs sans douleur. Mais elle a peur. Non pas de mourir, mais du jour où elle va se retrouver seule.
«Je ne peux pas aller à la banque, au magasin, à l’épicerie ni même à l’hôpital, car chaque fois que j’y suis allée, ça m’a amenée à l’article de la mort. Que vais-je faire quand mon mari ne sera plus là?»
Empoisonnée aux pesticides
Rohini aussi s’est longtemps sentie isolée, dépourvue, effrayée par des symptômes dont elle ne connaissait pas la provenance. Après des années de recherche et de tests, elle a finalement eu une réponse d’un laboratoire américain où elle avait envoyé des échantillons sanguins.
«J’étais empoisonnée aux pesticides. C’est étrange à dire, mais quand j’ai reçu les résultats, je me suis dit: Merci, mon Dieu, je suis empoisonnée! Enfin, j’avais la preuve que je n’étais pas folle.»
Pendant près de 10 ans, elle a passé à travers un cycle de détoxification. Elle raconte que la plante de ses pieds et la paume de ses mains craquaient lorsqu’elle sortait de la maison. Lorsqu’elle était mise en contact avec des produits chimiques, elle était désorientée, n’arrivait plus à terminer ses phrases ou à comprendre ce qui se passait autour d’elle.
Elle a fondé une coalition pour bannir les pesticides à Dollard-des-Ormeaux et a reçu tant de témoignages de gens qui souffraient qu’elle a eu l’idée de fonder l’Association pour la santé environnementale du Québec (ASEQ).
Combat dans le milieu de travail
Nathalie Cyr, 42 ans, fonctionnaire fédérale à Gatineau, semble en parfaite santé. C’est vrai qu’elle va beaucoup mieux depuis qu’elle suit des traitements aux États-Unis. Mais elle ne se souvient plus de ce que c’est d’être «normale».
Tout a débuté en 2004 lorsqu’elle a commencé à travailler dans des tours de bureaux mal aérées. Chaque fois qu’elle arrivait au bureau, elle était aux prises avec de violents maux de tête.
La situation s’est rapidement détériorée. Elle ne pouvait plus sortir de chez elle sans masque.
«L’enfer a duré de 2006 à décembre 2010, j’étais carrément renfermée dans la maison, mon seul refuge sécuritaire.»
Au travail, on a essayé de faire des accommodements, mais ça a mal tourné. Nathalie Cyr s’est retrouvée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. En mars 2011, le juge Renaud Paquet a reconnu que l’hypersensibilité environnementale était un handicap et qu’à ce titre, son employeur devait s’adapter à ses besoins.
Pour Nathalie Cyr, c’est une belle victoire.
«On gagne en reconnaissance petit à petit. Le jour où quelqu’un aura un jugement de la Cour suprême, ce sera encore mieux.»
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CONTROVERSE SCIENTIFIQUE
L’hypersensibilité environnementale est une maladie très controversée. Dans la communauté médicale, plusieurs doutes subsistent sur l’origine de la maladie. Certaines études affirment qu’il s’agit d’une maladie dont les racines sont psychologiques, d’autres tendent plutôt à démontrer que l’origine est physique.
L’Organisation mondiale de la santé s’interroge encore sur cet aspect et n’a pas encore publié d’avis officiel sur la question. En Europe, plusieurs pays comme l’Allemagne, le Danemark et la Suède reconnaissent officiellement l’hypersensibilité comme un handicap causé par des contaminants de l’environnement et l’enseignent dans les écoles de médecine.
Au Canada, la Commission canadienne des droits de la personne conclut dans son rapport de 2007
que même si la controverse persiste, «l’hypersensibilité relève en général de causes physiques, tout en étant associée à de nombreux facteurs neurologiques et psychosociaux qui s’entrelacent».
Santé Canada et Statistique Canada ont inclus l’hypersensibilité dans leur sondage national sur l’état de santé des Canadiens en 2005. En Ontario, le ministère de la Santé a ouvert une clinique de santé environnementale dans les années 90.
«Nous avons évidemment eu des difficultés, mais maintenant, nous avons un comité de santé environnementale qui fait partie du Collège des médecins de famille et c’est inclus dans le système d’éducation, notamment à l’Université de Toronto», explique le docteur John Molot, qui dénonce le peu d’intérêt des médecins québécois.
Au ministère de la Santé du Québec, la porte-parole Nathalie Lévesque s’en tient à la ligne officielle.
«Ce sont des symptômes qui sont non spécifiques et cela n’a pas été officiellement reconnu comme étant en lien avec l’environnement.»
Même chose du côté de l’Institut de santé publique du Québec qui dispose d’une unité en santé environnementale, mais qui refuse de se prononcer puisque ses chercheurs n’ont pas étudié la question.